Société | | 08/12/2013
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Quel devenir pour le Centre de rétention de sûreté de Fresnes?

Quel devenir pour le Centre de rétention de sûreté de Fresnes?

Centre de retention de surete de Fresnes porteComment prévenir la récidive des agressions barbares ? La rétention de sûreté, à l’issue de la peine, constitue-t-elle une réponse ou une fausse bonne idée, contraire aux droits de l’homme ? Situé à Fresnes, le seul centre de rétention de ce type a fait l’objet ce vendredi 6 décembre d’une visite de deux sénateurs du Val de Marne, Laurence Cohen et Christian Favier. Rappel du contexte et réactions des parlementaires.

Début 2008, au terme d’un intense débat parlementaire, une loi, impulsée par la garde des Sceaux de l’époque, Rachida Dati, a instauré le principe de rétention de sûreté autorisant à maintenir dans un centre fermé des personnes ayant purgé leur peine  mais considérées comme dangereuses et susceptibles de récidiver en raison d’un trouble grave de la personnalité.

Cette loi  du 25 février 2008, complétée par une loi sur le risque de récidive du 10 mars 2010, concerne des personnes ayant commis des crimes, actes barbares ou agressions sexuelles, et condamnées à au moins quinze ans de prison. La rétention de sûreté ne peut être prononcée que si la cour d’assises l’a prévue dans sa décision de condamnation (voir détail de la loi). Elle est mise en oeuvre suite à une évaluation de la “dangerosité” de la personne par une commission interdisciplinaire. L’internement s’effectue dans un centre spécifique et peut être renouvelé d’une année sur l’autre, après nouvelle évaluation.

Cette loi qui réagissait  à l’époque à plusieurs faits-divers atroces, a suscité un profond débat de société.  L’ont plébiscitée ceux qui y voyaient une solution pour éviter que des crimes ne soient à nouveau perpétrés par des personnes déjà condamnées. L’ont fustigée ceux qui y voyaient une atteinte  aux droits de l’homme en raison cette détention préventive pour des crimes non commis, et de la possibilité de maintenir en détention sans limitation de durée et sans  jugement par une Cour d’assises.

Un centre de rétention qui n’a accueilli que quatre personnes en cinq ans

Afin de mettre la loi en application, un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, au sein de l’hôpital pénitentiaire installé à côté de la prison de Fresnes, a vu le jour début novembre 2008. Il s’agit de l’unique centre de ce type en France. Ce n’est pas une prison à proprement parler et les pensionnaires n’y sont pas des détenus mais des retenus, qui peuvent théoriquement exercer un travail mais sans sortir de l’établissement. (voir le règlement intérieur) Le centre comprend une dizaine de studios et des salles d’activités communes. Il dépend à la fois du ministère de la Justice et de celui de la Santé, conférant à ses pensionnaires un statut hybride entre le détenu et le patient psychiatrique. Sa réalisation a coûté entre 800 000 et 1,3 millions d’euros (voir la présentation du dispositif par le ministère de la Justice en novembre 2008).

Concrètement, seulement quatre personnes ont séjourné dans ce centre en l’espace de cinq ans, pour des séjours inférieurs à trois mois, dont plusieurs ont donné lieu à des recours en justice pour obtenir leur libération.

Quel devenir pour ce centre ?

Alors que l’actuelle garde des Sceaux, Christiane Taubira, avait indiqué quelques semaines après sa nomination vouloir supprimer le principe de la rétention de sûreté, lors d’un entretien au journal Libération début août 2012, la question n’a pas été mise au menu du projet de réforme pénale proposée par la ministre cet automne. Ce nouveau projet de loi n’a toutefois pas encore été discuté au parlement.

Dans le même temps, la question du devenir du centre de Fresnes a été posée plusieurs fois à la ministre par des parlementaires sans obtenir de réponse. À l’Assemblée nationale, le député UMP Guillaume Larrivé a posé la question dès le mois d’août 2012, renouvelée en mars, juillet et novembre 2013. Ce dernier défend le principe de la rétention de sûreté.

La sénatrice PCF du Val de Marne Laurence Cohen a également posé une question orale le 31 octobre 2013, pointant au contraire les dysfonctionnements relevés par l’Observatoire international des prisons dans cet établissement. Elle reposera une question à ce sujet le 7 janvier 2014.

Les sénateurs ont visité le centre

En attendant une réponse de la garde des Sceaux et la discussion au Parlement de la réforme pénale, les deux sénateurs communistes du Val-de-Marne, Laurence Cohen et Christian Favier, ont exercé leur droit de visite parlementaire des centres de rétention vendredi 6 décembre, sollicités par l’Observatoire international des prisons (OIP),  pour visiter les locaux et rencontrer les personnels. Aucune personne n’est actuellement retenue dans l’établissement. “Nous avons été frappés par ces locaux flambant neuf mais non conçus pour proposer un réel accompagnement des personnes”, pointe Laurence Cohen. “Le caractère paradoxal de cet emprisonnement qui ne dit pas nom questionne, poursuit Christian Favier. Les personnes ont le droit de travailler mais ne peuvent pas sortir de l’établissement, elles peuvent bénéficier du RSA mais ne peuvent se déplacer pour effectuer les démarches nécessaires. N’étant pas détenus, les pensionnaires ne peuvent pas non plus croiser les détenus de la Maison d’arrêt de Fresnes et se retrouvent, au final, très seuls, dans des locaux spacieux disposant de matériel, jusqu’aux carrés de céramique pour faire de la mosaïque, mais pas de réel encadrement.

Centre de retention de surete de Fresnes Laurence Cohen Christian Favier Francois Bes

Responsable de coordination Ile de France de l’Observatoire des prisons, François Bes pointe aussi le manque de personnel psychiatrique pour prendre en charge ces personnes. “Le recours à cette rétention de sûreté témoigne de l’échec de la peine d’emprisonnement. Pourquoi attendre quinze ans pour se préoccuper de l’état psychiatrique des personnes? C’est tout au long de la peine qu’il faut les préparer à leur sortie et assurer le suivi psychiatrique si nécessaire“, insiste Laurence Cohen.

Les élus pointent aussi les dangers induits par la possibilité théorique de condamner à perpétuité et sans jugement une personne en reconduisant chaque année son internement.

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