Justice | | 01/04/2014
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Violences conjugales à la barre : “fais pas ton cinéma”

Violences conjugales à la barre : “fais pas ton cinéma” © kmiragaya

Violences conjugales Femmes battues © kmiragaya - Fotolia.comEnviron 540 000 faits de violences conjugales sont estimés chaque année en France par l’Ondrp, dont 400 000 touchent des femmes. Une minorité donne lieu à des dépôts de plainte par les victimes. Dans ces cas, c’est à la barre que se concluent ces affaires. Petit tour à la 11ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Créteil, où étaient discutés quelques-uns de ces faits ce jeudi 13 mars.

Ce 6 octobre 2013, A., 45 ans, et son épouse se querellent violemment. Les paroles agressives cèdent la place aux coups. Frappée, la femme se retrouve en ITT (Incapacité Totale de Travail) pendant 6 jours. Auparavant, l’homme a émis des menaces de mort. “Pendant cette période j’étais en dépression, je buvais et devenais agressif car l’alcool faisait remonter des choses douloureuses” justifie-t-il désormais à la barre, précisant avoir arrêté de boire mais être tributaire de plusieurs anxiolytiques et antidépresseurs. “Je suis gentil, peut-être impulsif, mais je ne suis pas violent”, justifie-t-il. “Arrêtez de parler de vous ! Ce que je veux c’est parler des faits, vous faites du tort à votre femme et à vos enfants. Vous êtes insupportable et insupporté !”, réagit la juge en tapant du poing sur la table. La plaignante, ex-épouse de A., est en larmes. Elle explique d’une voix tremblante : “j’avais peur” aussitôt coupée par A. “Pleure pas, fais pas ton cinéma”. Parents de trois jeunes enfants, ils se sont quittés et remis ensemble à plusieurs reprises, officiellement séparés à nouveau depuis janvier. Verdict : quatre mois de prison avec sursis et une amende de 90 euros.

S., 30 ans, n’a pas supporté que sa compagne, un jour d’octobre 2013, lui ordonne de réunir ses affaires, quitter leur appartement et aller passer quelques jours de vacances chez sa mère à Marseille. Il confirme l’acte d’accusation : “Je l’ai baffée, j’ai déconné”. La juge réplique “Vous avez vu comme vous êtes grand, fort et costaud !  Elle, à côté, c’est une puce”. Soucis d’alcool ? “J’ai arrêté depuis que j’ai changé de religion, je n’ai pas bu depuis 6 ou 7 mois” précise S., soutenu à la barre par sa compagne, qui semble avoir pardonné : “Il n’avait pas bu le jour des faits”, précise-t-elle. Alors que les deux ont décidé de se marier, elle défend désormais celui qui l’a frappée et contre qui elle a porté plainte : “l’objectif était de le secouer. Depuis, il a arrêté de boire et de sortir”, plaide-t-elle. Verdict : 1000 euros d’amende. “Comme ça elle pourra vous prévenir : 1000 euros la gifle, ça te dit ?” conclut la juge. 

J’utilise volontairement un langage cru pour interpeller les prévenus parce que je ne veux pas les revoir. J’ai été juge pour enfant et cette expérience m’a enseigné que l’utilisation de termes juridiques est moins efficace. Si vous dites à un enfant qu’il a commis un délit il ne comprend pas, alors que si vous lui dites qu’il a fait une bêtise c’est beaucoup plus pertinent parce que c’est clair dans sa tête”, confie la juge, hors audience. “Les faits traités ce jour n’ont pas mal tourné mais il ne faut pas laisser la violence se banaliser. Elle conduit parfois jusqu’au meurtre.”

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