Santé | Val-de-Marne | 12/04/2015
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Comment prévenir les déserts médicaux en Val-de-Marne?

Comment prévenir les déserts médicaux en Val-de-Marne?

Zonage démographie medicale prioritaire paris petiote couronne Avril 2015La région parisienne n’est pas épargnée par les déserts médicaux, en particulier dans les quartiers les plus pauvres ou en zone périurbaine. Si la situation n’est pas catastrophique aujourd’hui, elle est préoccupante au regard des départs en retraite massifs à venir.

Afin de rééquilibrer la donne, l’Agence régionale de santé (ARS, autorité régionale qui dépend de l’Etat) vient de revoir à la hausse sa cartographie des zones déficitaires dans lesquelles l’Etat propose une aide à l’installation ou au maintien d’activité des médecins.

La nouvelle carte couvre désormais près de 30% de la population francilienne, contre 12% en 2012, alors que le taux de professionnels de santé dans certaines communes de la région a fortement diminué en dix ans, notamment concernant les médecins généralistes. Quatre critères ont été utilisés : l’accessibilité au médecin généraliste, la complémentarité de l’offre sur les territoires, l’évolution prévisible de l’offre en médecine générale (âge des médecins en exercice) et les besoins de la population : évaluation via l’indicateur de développement humain. Les communes identifiées par l’ARS sont classées en zones fragiles ou déficitaires. Les zones déficitaires représentant 7 % des zones les plus fragiles en offre de soins de premier recours en Ile-de-France.

Evolution dans le Val-de-Marne

En 2012 le Val-de-Marne comptait un territoire déficitaire et un seul territoire fragile. Avec le nouveau zonage, le département compte un territoire déficitaire (qui n’est plus le même) et sept territoires fragiles. Ces territoires fragiles couvrent désormais 14% de la population du département contre 3,4% en 2012. Dans le détail, Orly qui était considéré comme fragile en 2012 devient déficitaire en 2015 tandis que Chevilly-Larue et Rungis, territoire déficitaire en 2012 devient fragiles en 2015. Alfortville, Bonneuil-sur-Marne, Gentilly, L’Hay-les-Roses, Villeneuve-le-Roi et Valenton deviennent également fragiles dans le nouveau zonage. Au total, le Val-de-Marne compte un peu plus de 4500 médecins en activité régulière inscrits au Conseil départemental de l’Ordre, dont un tiers de généralistes.

Ci-dessous le zonage Paris et proche couronne.

Télécharger la liste complète des zones en Ile de France

Zonage démographie medicale prioritaire paris petiote couronne Avril 2015
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Bourses d’étude, rémunération minimale et aide matérielle à l’installation

L’installation en zone fragile ou déficitaire donne droit à plusieurs aides, de la part de l’ARS, du Conseil régional ou encore de l’Assurance maladie (CPAM). L’ARS propose un Contrat d’engagement de service public (CESP) qui consiste en une bourse d’étude mensuelle de 1200 € bruts en contrepartie d’un engagement à s’installer dans la zone pendant une durée au moins égale à celle de la perception de l’allocation (minimum 24 mois). Pour les diplômés, l’Agence régionale propose un Contrat de praticien territorial de médecine générale (PTMG) qui garantit une rémunération minimale une fois l’installation effective. Le Conseil régional propose pour sa part un Contrat régional d’exercice sanitaire (CRES), qui s’adresse aux médecins généralistes, aux spécialistes de premier recours (ophtalmologie et gynécologie), aux sages-femmes, aux chirurgiens-dentistes, aux infirmiers et aux masseurs-kinésithérapeutes qui s’engagent à exercer pendant une période minimale de trois ans en secteur 1 (c’est à dire qui pratique le tarif de base qui sert de référence au remboursement par l’Assurance maladie) sur un territoire déficitaire ou fragile. Ce contrat leur permet de bénéficier d’une bourse d’études ou d’une aide au financement de leurs travaux d’installation, d’équipement ou de sécurisation. Enfin, l’Assurance maladie propose une aide à l’activité et à l’investissement, uniquement aux médecins généralistes qui s’installent dans des zones déficitaires (pas seulement fragiles).

Entre les chiffres et le terrain

“Les chiffres utilisés aujourd’hui sont en partie biaisés car les médecins qui exercent en libéraux dans les hôpitaux sont comptabilisés alors qu’ils n’exercent pas en ville“, note Alain Leclerc, médecin à Limeil-Brévannes, élu du Conseil de l’Ordre des médecins du Val-de-Marne (CDOM 94) et de l’union régionale des professionnels de santé (URPS). “En un an à Limeil-Brévannes, quatre patientèles se sont retrouvés sans leur médecin généraliste tandis que la population passait de 15 000 à 22 000 habitants. La situation est comparable à Créteil, Bonneuil-sur-Marne, Valenton où il y a de nouvelles constructions mais pas de nouveaux médecins”, témoigne le médecin.

Vers qui les patientèles en jachère se tournent-elles ?

“Conséquence : des délais d’attente sont de plus en plus longs, des services d’urgence débordés et une tentation accrue de recourir à l’automédication“, poursuit Alain Leclerc. “Le taux de croissance du passage aux urgences est régulier dans le Val-de-Marne mais au vu des dernières discussions en Codamu (comité départemental de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires, qui réunit régulièrement  les différents protagonistes de l’organisation des urgences en préfecture), ce-sont plutôt les Sami (Service d’accueil médical initial, maisons médicales de garde initiées dans le département en 2002 par le Conseil départemental de l’Ordre, la CPAM et le Conseil général) qui sont en train de répondre à la disparition des médecins de famille, esquisse Corinne Bergeron, chef du service des urgences du CHIV et déléguée départementale de l’AMUF. Au point qu’à la dernière réunion d Codamu, le Sami se posait la question d’étendre ses horaires en journée. Les gens font assez bien la distinction dans leurs besoins. Ils viennent aux urgences s’ils estiment avoir besoin d’une radio, une analyse…, beaucoup moins pour une grippe, même si nous avons entre 10 et 20% des consultations en urgence qui ne nécessitent pas d’utiliser le plateau technique.”

Comment attirer les médecins ?

Les jeunes médecins n’ont pas de visibilité sur leur avenir professionnel à cinq-dix ans et vont difficilement se projeter dans un emprunt à 30 ans. Il faut revaloriser la consultation des médecins”,  suggère Alain Leclerc. “Il y a aussi un changement de mentalité dans la nouvelle génération. Les jeunes médecins n’ont pas envie de faire les horaires de dingue des anciens médecins de famille“, pointe Corinne Bergeron. “Je commence mes journées à 7-8 heures et les termine rarement avant 22-23 heures le soir, entre les consultations, les visites, l’administration“, témoigne de fait Alain Leclerc.  De plus en plus de médecins préfèrent faire des remplacements, ne pas s’engager dans un cabinet, constatent les deux médecins. “Dans les PMI, il n’y a pas de problème de recrutement“, remarque Corinne Bergeron.

Regroupements des praticiens

Parmi les pistes régulièrement évoquées en parallèle des aides à l’installation : les regroupements interdisciplinaires. Dans le département, un certain nombre de communes ont déjà développé des centres municipaux de santé et/ou des maisons médicales regroupant des praticiens libéraux, en parallèle du dispositif de Sami initialement mis en place pour éviter l’encombrement des urgences. Petit à petit, la réflexion fait son chemin au sein des municipalités, même si cet enjeu n’est pas encore considéré partout comme une priorité, ne figurant pas parmi les compétences communales. “Depuis quelques années, nous travaillons avec une association de médecins locaux  pour créer une maison médicale dans un quartier, témoigne Stéphanie Daumin, maire PCF de Chevilly-Larue. Progressivement, le projet a changé de forme et il va prendre vie aujourd’hui rue Pasteur. Y seront regroupés plusieurs types de praticiens libéraux (généralistes, kinésithérapeutes, dentistes, infirmiers…) avec un secrétariat commun.  Nous les avons aidés à faire avancer le projet et le permis de construire doit être déposé prochainement“, précise l’édile. “A Villejuif, 45 % des médecins de ville seront en retraite d’ici à cinq ans et nous devons nous y préparer dès aujourd’hui, témoigne pour sa part Edouard Obadia, maire-adjoint UDI à la santé à Villejuif et médecin de profession. Une préparation qui passe par les centres municipaux de santé déjà en place, et qui pourraient être regroupés dans un lieu plus grand, mais aussi par la création à proximité, mais pas au même endroit, d’un plateau regroupant des praticiens libéraux. Il faut les deux systèmes“, insiste l’élu.  Valenton a aussi présenté un projet de maison de santé locale lors de la journée des Urps  en novembre 2014. Une approche également défendue dans la présentation du président du Conseil départemental de l’Ordre des médecins, Bernard Le Douarin, lors de cette journée. Ce dernier a également insisté sur la nécessité de se rapprocher de l’université pour “créer un véritable compagnonnage.”

Le principe du numerus clausus est-il obsolète ?

“Il faudrait tenir compte de l’évolution des comportements des jeunes médecins dans le numérus clausus (principe, instauré en 1971, consistant à limiter le nombre de diplômes de médecin délivrés en France chaque année) car plus  de praticiens seront nécessaires pour réaliser le même nombre d’actes, estime également la déléguée départementale de l’Amuf. Un questionnement également porté par le Conseil de l’ordre, suite  à la parution de son dernier Atlas de la démographie médicale (2013). Il en ressort que les médecins titulaires d’un diplôme étranger représentent désormais 9% des médecins inscrits en activité régulière au tableau de l’Ordre, et 24,1% des médecins nouvellement inscrits au 1er janvier  2013.  De quoi compenser la sélection hyper drastique opérée à l’université française, laquelle devient dès lors paradoxale.

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