Société | Val-de-Marne | 03/10/2015
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Treize nouveaux décorés de la Croix du combattant en Val-de-Marne

Treize nouveaux décorés de la Croix du combattant en Val-de-Marne

76 ans au compteur et de superbes bacchantes à la Cavanna, Jacques Launay, dit Moustaches, accompagnait ce jeudi 1er octobre 13 citoyens du Val-de-Marne venus se faire décerner la Croix du combattant par le préfet, pour avoir donné de leur temps de vie sur le théâtre d’opérations militaires extérieures.

La Croix du combattant, Moustaches l’a pour sa part obtenu il y a déjà 30 ans. En 1960 pourtant, quand Jacques s’est retrouvé appelé à 20 ans en pleine guerre d’Algérie, il n’avait pourtant aucune envie d’aller au combat. “J’étais libre penseur, objecteur de conscience. Mais à l’époque, cela n’existait pas, il fallait de la chair à canon.  Comme j’étais mauvaise tête, je suis passé en Conseil de discipline et j’ai été muté avec la légion étrangère“, se souvient-il. La demande de Jacques est respectée, il ne portera pas d’armes durant ses trois ans en Algérie. “J’étais responsable de la radio. C’est moi qui transmettais les codes. D’une certaine façon, c’était encore plus mortel qu’un fusil car les ordres que je transmettais pouvaient tuer cinquante personnes d’un coup. Et puis, lorsque l’on crapahutait, le porteur de radio est cl’un de ceux que l’on cherche à abattre en premier.” Au final, Moustache s’en sortira indemne. “J’ai échappé aux balles et n’ai pas été blessé. J’ai effectué ma punition et suis revenu dans le civil“, commente-t-il avec un sourire mutin.

Parmi les 13 décorés du jour, beaucoup rêvent en revanche de repartir sur des opérations extérieures. C’est le cas de Damien, policier, envoyé comme casque bleu à  Haïti en 2007 comme formateur de secourisme auprès de la police locale,  puis en 2010 après le tremblement de terre pour assurer la sécurité dans les camps de réfugiés et former les forces de maintien de l’ordre. “J’aimerais repartir mais c’est très difficile car il n’y a que 25 policiers qui partent pour des missions européennes et une cinquantaine pour l’ONU. Et nous sommes 100 000 policiers”, témoigne Damien.  “Ce qui m’a le plus marqué dans cette mission est que c’est la première fois que je travaillais avec des policiers de cinquante nationalités différentes, venus  d’Amérique du sud ou d’Afrique. Pendant 9 mois, nous avons partagé nos façons de travailler, nos différences de culture, c’était formidable. Et puis, Haiti est un pays symbolique. C’est  le premier pays qui s’est libéré historiquement du colonialisme et les habitants en sont très fiers.” Depuis, Damien est reparti en revanche plusieurs fois, en tant que policier, comme moniteur de tir à Mayotte.

Damien

C’est aussi le cas de Nicolas, également policier et aussi parti à Haïti après le tremblement de terre, pour organiser la sécurité dans les bidonvilles et mener des opérations de renseignements pour lutter contre les gangs. Tout juste rentré de Mayotte, cette fois en tant que policier, Nicolas, reste pour sa part bouleversé par ce qu’il y a vécu au sein de la brigade nautique. “Là-bas aussi c’est la France et  il y a des gens qui se noient, mais personne n’en parle. J’ai fait une intervention nautique lors de laquelle j’ai sauvé 16 personnes et je me souviens des corps d’enfants à la surface, d’une mère qui tenait le sien mort noyé, que je n’ai pas pu sauver car je suis arrivé trop tard.  Je poussais les corps avec les bateaux. Ces gens viennent d’Anjouan des Comores, devenu indépendant, pour rejoindre l’île de Mayotte qui est restée française. Ils montent à trente personnes sur des barques de 6 à 8 mètres pour traverser le bras de mer de 70 km.

Huissier à la préfecture du Val-de-Marne toujours en costume cravate impeccable, difficile d’imaginer Michel Vandenabeele en marine. Et pourtant, à 17 ans à peine, il débarque en République centrafricaine (RCA), au moment où la France renverse “l’empereur Bokassa 1er”. Suivront le Liban (théâtre d’une guerre civile de 1975 à 1990) avant les attentats très meurtriers du Drakkar, puis le Gabon, le Tchad, à nouveau la RCA et la Nouvelle Calédonie en 1988, lors de la prise d’otages retenues dans la grotte d’Ouvéa. Neuf années passées comme marsouin au sein du 2e régiment d’infanterie de marine(2e RIMa).  “Après, j’ai fait une reconversion de charpentier métallique, mais cela ne me plaisait pas trop. J’ai rejoint la préfecture du Val-de-Marne où j’aime être en contact avec les gens. Je ne pensais pas recevoir la croix Grand Combattant aussi tôt. C’est une reconnaissance“, témoigne-t-il.

Michel Vandenabeele

prefet leleu
Ce-sont des citoyens combattants, ils peuvent avoir une vie civile comme  militaires. Certains ont quitté le théâtre des opérations, d’autres repartent régulièrement“, explique le préfet, Thierry Leleu. Une condition pour se voir attribuer la Croix du combattant  : avoir participé à une opération extérieure pendant au moins quatre mois (120 jours cumulatifs de présence). Au-delà de la médaille, une carte du combattant donne droit à des avantages sociaux comme  la retraite du combattant, le titre de reconnaissance de la Nation… et le privilège de recouvrir le cercueil d’un drap tricolore.

Agé de 37 ans, Eric, lui, a passé 18 ans comme militaire sur le terrain, parti comme jeune caporal en Bosnie et au Kosovo et enchaînant les missions avant de raccrocher définitivement il y a seulement un an. Si c’était à refaire, il recommencerait à l’identique et ne regrette rien, insiste-t-il. Mais s’il n’a pas été atteint physiquement, il reconnaît ses blessures psychologiques. Lui fait partie de ces nombreux soldats pour qui ce vécu est indicible. “Il y a des gens qui peuvent raconter, moi je ne peux pas, je garde cela pour moi, comme beaucoup de mes camarades. La médaille, c’est symbolique. C’est un hommage. Je pense à ceux qui sont encore là-bas, à  ceux qui ne reviendront jamais, à ceux qui ont des blessures psychologiques et à ceux qui ont des blessures physiques. On n’en parle pas beaucoup mais il y en a énormément, à l’hôpital des Invalides. Pour eux, c’est à vie. C’est un hommage pour toutes ces personnes, une reconnaissance.

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