Justice | Val-de-Marne | 08/12/2015
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Procès des djihadistes du Val-de-Marne : 6 à 18 ans de prison de requis

Procès des djihadistes du Val-de-Marne :  6 à 18 ans de prison de requis

De 6 ans à 18 ans de prison ferme, avec une sûreté minimum équivalente des deux-tiers de la peine : tel est le réquisitoire qu’a dressé le procureur de la République de la 16e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance (TGI) de Paris à l’encontre des sept prévenus, soupçonnés d’être impliqués dans une filière djihadiste du Val-de-Marne. 

Sur le banc des accusés : Medhi, Karim, Karl, Younes, Abdelmalek et Paul. Seul ce dernier comparaît libre, suite à un vice de procédure. Tous sont suspectés d’avoir constitué une filière de combattants djihadistes, chapeauté par Salim Benghalem, 35 ans, grand absent du procès. Ce djihadiste, originaire de Cachan, serait toujours en Syrie, aux côtés de l’Etat islamique. “Tous les signaux sont au rouge concernant Salim Benghalem” , a détaillé Arnaud Faugère, le procureur, lors de ses réquisitions, qui a demandé aux magistrats “un message de fermeté, qui pourra peut-être dissuader certains” de rejoindre les rangs de l’EI sur le front syrien. Un message qui équivaut, selon lui, à une peine de 18 ans de prison ferme, dont une mesure de sûreté couvrant les deux-tiers de la peine.

Hormis Younès, tous sont passés par la Syrie pendant l’année 2013, à l’époque aux côtés de l’Etat islamique en Irak et au Levant. Certains, comme Paul, un grand gaillard né au Cameroun, n’y seront restés que dix jours. Abdelmalek, trentenaire à la barbe fournie, aurait combattu pendant plus d’un an. Tous n’ont pas le même degré d’implication dans la filière, et tous semblent se repentir devant la Cour. Désillusions, angoisses du combat, de la mort, éloignement familial : ils témoignent de leur mal-être en Syrie et de leur volonté très rapide de retour en France. Affirmations sincères ?

Différents niveaux d’implication

Je ne pense pas qu’ils soient rentrés pour faire des attentats. J’en prends pour preuve la fureur de Salim Benghalem lorsqu’il a appris leurs départs respectifs” , estime Arnaud Faugère devant la Cour. “Mais sont-ils totalement revenus de leurs aspirations ?” Pour distinguer les rôles tenus par chacun, le procureur a constitué trois groupes. D’abord, celui de Karl, de Paul et de Medhi, contre qui sont reprochées “des activités limitées mais réelles” sur le terrain syrien. Contre eux,  le procureur demande 6 ans de prison ferme, avec une mesure de sûreté pour les deux-tiers de la peine. “La peine doit tenir compte de la gravité des faits, et protéger la société” , motive le procureur.

Les cas de Karim et de Younès sont différents. Le premier, père de 4 enfants, proche de la quarantaine, semble exténué par le procès. Celui qui rêvait d’être imam, improvisant des prêches rigoristes à la mosquée de Villejuif, se veut comme “le grand frère” des jeunes djihadistes. Endoctriné, Karim véhicule son dogme religieux et monte des petites opérations financières pour apporter un peu d’argent frais à Salim Benghalem, qu’il aurait croisé lors d’un précédent voyage au Yémen. “La seule chose dont on est sûr, c’est qu’il a participé aux combats, au moins pendant 4 jours, selon ses propres aveux” , note le procureur, qui requiert une peine de 8 ans de prison ferme à l’encontre de Karim.

Interdiction de territoire français demandée pour Younès

Younès, lui, serait davantage impliqué. “Au début de l’instruction, les enquêteurs surnommaient même cette affaire de son nom de famille” , relève Arnaud Faugère. Seul protagoniste de la filière à ne pas avoir mis les pieds en Syrie, Younès “a eu un rôle plus modeste, mais central : il était l’interface entre la France et la Syrie” , notamment pour entrer en contact direct avec Salim Benghalem. “Intelligent, adroit, malin et presque agréable – il a même réussi à faire rire l’audience plusieurs fois – , Younès ment depuis le début […] , il apparaît partout dans le dossier. Pire, il est même lâche : il parle constamment de la Syrie, organise le départ des autres, mais lorsque vient son tour, il a toujours une bonne excuse” , déroule le procureur qui réclame 8 ans d’emprisonnement et une interdiction définitive de territoire français pour ce ressortissant marocain.

Restent Abdelmalek et Salim Benghalem, “le grand absent très présent” du procès selon les mots d’Arnaud Faugère. Abdelmalik, trentenaire à la carrure imposante, rejoint les rangs de l’EI dès mai 2013, à peine un mois après l’auto-proclamation du califat. Déjà en Syrie depuis plusieurs mois, il rentre “au mieux” en janvier 2014. Il est “le contact” direct de tous les prévenus, qui semblent le craindre et ne l’ont que très peu accablé pendant toute la tenue du procès. “Abdelmalek n’a pas peur, et il ne comprend pas celles des autres” , note le procureur.  Pendant de longs mois, Abdelmalek aide les candidats au Djihad à traverser la frontière turco-syrienne et les emmène au plus près des fronts. Il aurait peut-être armé certains d’entre eux. “Au contact d’une façon ou d’une autre” de Mehdi Nemmouche, soupçonné d’être l’auteur de la tuerie au musée juif de Bruxelles en mai 2014, il utilise même, à 6 reprises, le téléphone personnel du natif de Roubaix. Abdelmalek aurait fais venir “au moins 6 djihadistes” français en Syrie. Mais la raison de son départ demeure inconnue. “Il a rendu furieux Salim Benghalem. Mais son retour ne l’a fait revenir de nulle part : il est inébranlable et froid” , juge Arnaud Faugère, qui réclame 10 ans de prison ferme contre Abdelmalek.

Salim Benghalem, lui, comme Abdelmalek, est devenu l’un des dirigeants opérationnels de l’EI en Syrie. Il y serait toujours vivant, malgré une blessure. “Il a un parcours semblable à celui de Mohamed Merah : issu de la petite et moyenne délinquance, il se radicalise en prison, effectue un voyage à l’étranger. C’est là que leurs trajectoires diffèrent : l’un commet des attentats en France, Salim Benghalem part pour la Syrie” , explique Arnaud Faugère, particulièrement inquiet à l’idée d’imaginer un retour de Benghalem en France. Peine requise : 18 ans de prison ferme.

Des gamins perdus en quête d’un idéal

Dans leurs plaidoiries, qui ont duré plusieurs heures, les avocats des prévenus ont mis en avant les parcours de leurs clients, des gamins perdus en quête d’un idéal, qui s’ennuyaient aux pieds de leur cité. Une décision de départ, qui donne sens à une existence mais qu’ils regretteront toutes leurs vies. Conscients de l’émotion suscitée par les attentats du 13 novembre 2015, les avocats ont aussi demandé à la Cour qu’elle ne perde pas sa faculté de jugement pour des faits qui remontent à 2013.

Le délibéré du procès a été fixé au 7 janvier 2016.

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