Justice | | 27/01/2016
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Les arnaqués de la pompe à chaleur témoignent à la barre

Les arnaqués de la pompe à chaleur témoignent à la barre © Pixabay

Quelques 400 clients qui estiment s’être faits arnaqués en achetant, qui un ballon d’eau chaude, qui un panneau solaire ou une pompe à chaleur…  contre quatre entrepreneurs soupçonnés de les avoir sciemment dupés. Le TGI de Créteil examine l’affaire depuis lundi et indiquera ce mercredi la date à laquelle seront prononcées les peines de cette affaire complexe.

De 2008 à 2013, les quatre prévenus sont accusés d’avoir monté des sociétés basées en Val-de-Marne pour installer des équipements énergétiques chez des particuliers, après un démarchage parfois qualifié d’agressif. Accusés entre autres d’escroquerie, d’écritures et d’usages de faux, d’abus de biens ou encore de pratique commerciale trompeuse, les prévenus ont agi à Vitry-sur-Seine, Alfortville, Fontenay-sous-Bois,  Saint-Mandé, et dans d’autres villes de France, empochant au passage plusieurs millions d’euros. C’est la cellule Tracfin qui a remonté le réseau après de nombreuses plaintes de clients dans le département.

Il y a Gilles, Philippe, Emmanuel et Françoise, Léa ou encore Nathalie. Venus de Loire-et-Cher, d’Indre-et-Loire, du Val-de-Marne et d’ailleurs, tous attendent l’audience depuis plusieurs mois ou plusieurs années. “J’ai reçu le prévenu, Olivier, enfin… Gary, après un démarchage par téléphone” , explique au président Fabrice. “Une visite pour un bilan thermique que j’ai trouvée très peu poussée.” Quelques dizaines de minutes plus tard, Fabrice commande l’installation d’une pompe à chaleur et d’un ballon d’eau chaude thermo-dynamique. “Un jour, j’ai vu des poseurs débarquer, alors que j’attendais une seconde visite. Le matériel a bien fonctionné pendant un an et demi” , poursuit Fabrice. “Puis, lorsque le ballon d’eau chaude a grillé, j’ai fait constater les dégâts par un huissier de justice, lassé par l’attente interminable – et facturée – du service après-vente de l’entreprise.” Fabrice se rapproche alors d’une association de consommateurs qui interpelle l’entreprise. “Ils ont envoyé une équipe pour réparer le matériel, en vain. Ils m’ont promis de revenir avec une autre pièce. Je n’ai plus eu de nouvelles depuis.” Pour compenser son préjudice et les frais de justice engagés, Fabrice réclame plus de 16 000 euros aux quatre prévenus. Gary, qui démarchait en utilisant une identité fictive sous le nom d’Olivier, se défend. “Fabrice rencontre des problèmes techniques liés à l’installation du matériel. Il ne m’en a jamais informé et de toutes façons, l’installation et le service après-vente ne sont pas de mon ressort.

Emmanuel et Françoise réclament pour leur part plus de 70 000 euros de dommages et intérêts. Avec leurs 10 panneaux photovoltaïques sur leur toit, le couple espérait réaliser beaucoup d’économie. “Mais dès la mise en route de l’équipement, l’onduleur a grillé : il ne supportait pas la charge énergétique” , fulmine le couple. “La charpente du toit était déjà vétuste, mais aucune inspection n’a été faite pour vérifier si le toit supporterait le poids des panneaux. Un dimanche, quelques personnes qui ne parlaient pas Français sont arrivées pour poser le matériel. On les a renvoyés. Ils sont revenus le lendemain. On a refusé le procès-verbal de fin des travaux, et quelques jours après, le commercial qui nous a démarchés s’est présenté à notre domicile, accompagné d’un grand costaud, pour nous inciter, pour ne pas dire forcer, à signer.” David, qui se rappelle très bien avoir démarché ce couple – ce qui n’est pas le cas pour les 397 parties civiles – , se défend. “Je ne suis pas installateur, je suis commercial. Ils avaient mon numéro, ils n’ont jamais essayé de me joindre. Je ne peux pas croire que l’onduleur n’était pas assez puissant, ou alors c’est un défaut de fabrication.” Pendant tout l’après-midi du deuxième jour d’audience, les clients lésés se sont succédés, racontant la façon – parfois agressive – dont ils ont été démarchés, avant d’être séduits par les discours de commerciaux dont nombreux n’ont pas été mis en examen.

En ouverture des débats, les avocats de la défense avaient demandé la nullité pour plusieurs procédures de l’affaire. “Le risque pour mon client est très grand, il pourrait payer entre 3 et 4 millions d’euros de dommages et intérêts. On ne peut pas se permettre d’être imprécis“, plaidait l’avocat de Gary. “On constate que pour les 397 parties civiles, il existe une liste stéréotypée de la façon dont les clients se seraient faits lésés. Mais, en plongeant dans le dossier, on se rend compte que les plaintes sont de différents ordres : matériel non-conforme à la commande, défaut de fabrication ou de fonctionnement, service après-vente absent…  (…) Ce formulaire envoyé aux clients est une réquisition : il oblige presque les clients à constituer un dossier, sans tenir compte de la présomption d’innocence, en ne laissant pas la possibilité de répondre positivement aux questions qu’il pose.

S’affrontant sur le terrain du droit, les avocats de la défense et la dizaine d’avocats des parties civiles ne partagent évidemment pas la même lecture du dossier.”Avec 397 clients lésés au minimum, il était impossible de faire du cas par cas“, lui répond un avocat des parties civiles . “Toutes les demandes de la défense auraient pu être faites il y a plus d’un an“, a répondu l’un des avocats, qui représente 8 parties civiles.

La fin du procès est attendue pour ce mercredi après-midi. “Etant donné l’ampleur de l’affaire, le jugement sera de toute façon mis en délibéré“, a prévenu le président de la 9e chambre correctionnelle. La date de rendu des décisions devrait en revanche être annoncée aujourd’hui.

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