Après avoir consacré douze ans au contrôle de gestion et à la finance, dans l’automobile puis la chimie, Aude Dommange a troqué les tableaux de bord des grands groupes contre l’entrepreneuriat. Son triple défi : vendre des produits (non-alimentaires) bio et écologiquement conçus mais aussi jolis et made in France.
«En faisant mes courses au supermarché, je me suis rendue compte qu’il fallait toujours arbitrer entre les produits bio et le made in France. Mais moi, j’avais envie des deux, car quelle est la cohérence écologique si l’on ajoute l’impact carbone ?» motive l’entrepreneuse. Ainsi est née la Cocarde verte, un portail de e-commerce qui propose aussi bien des vêtements que de la cosmétique bio, des produits d’hygiène, des accessoires et de la déco pour toute la famille, écologiquement conçus et fabriqués en France.
Normande d’origine, Aude Dommange a commencé ses études à l’EM Normandie, responsable à l’époque de la branche actions humanitaires du Bureau des élèves, avant de prolonger par un mastère européen à l’Esc Dijon. Le contrôle de gestion et la comptabilité ont ensuite été son quotidien durant une douzaine d’années, avant de créer sa propre entreprise, le temps aussi de voir naître ses trois filles.
Désormais Arcueillaise, elle a lancé La Cocarde verte fin 2012, alors âgée de 39 ans. «Je voulais offrir les meilleurs produits à mes enfants, les plus sains, et ai pensé que je n’étais sans doute pas la seule maman à avoir ce besoin. Quand j’en discutais avec les autres parents, c’était souvent une inquiétude très partagée. J’ai toujours en mémoire un scandale sanitaire concernant petite fille tombée gravement malade à cause de la teinture de son vêtement», témoigne la chef d’entreprise, convaincue de l’avenir de ce marché. «La vente d’alimentation bio est en forte croissance et l’on revient même aux couches lavables, mais vouloir des vêtements bio reste encore marginal», reconnaît-elle, d’où la nécessité de proposer des produits qui ne soient pas seulement bio et locaux mais aussi suffisamment esthétiques pour déclencher les coups de coeur des clients.
Deux chartes à respecter pour les fournisseurs
«J’ai rassemblé sur le site une quarantaine de créateurs et artisans de toute la France que j’ai tous rencontrés», raconte Aude Dommange. Pour être référencés, les fabricants doivent respecter deux chartes. La première porte sur la dimension écologique du produit, qui incite au recyclage ou à l’éco-conception. Les produits à base de bambou car la plante “doit subir un lourd traitement chimique pour être transformée en fibre textile“, prévient la charte, de même que le bois utilisé doit être issu de forêts locales, gérées selon les normes PEFC ou FSC. Les cosmétiques, elles, doivent être bio, et ne pas avoir été testées sur des animaux. Voir la charte écologique. La seconde charte concerne le made in France. Les produits référencés doivent être fabriqués en France par des sociétés immatriculées en France (qui y paient donc leurs impôts) et si possible conçus en France avec des matières premières françaises ou de pays proches, de préférence dans le cadre de commerce équitable. Voir la charte made in France. “Les femmes entre 25 et 45 ans représentent 90% de ma clientèle”, précise la patronne de la Cocarde verte.
Plusieurs fournisseurs du Val-de-Marne
Parmi les artisans référencés sur la Cocarde verte, plusieurs sont issus du Val-de-Marne. C’est le cas de la société Bilum, qui a ses bureaux et locaux commerciaux à Choisy-le-Roi , et s’est spécialisée dans le recyclage de matériaux : airbags qui n’ont jamais servi, bâches publicitaires, drapeaux, voiles de bateau, ceintures… L’entreprise de création textile pour enfants C’est mon mien ! , sise à Maisons-Alfort et vend ses produits dans différents magasins multi-marques en plus de sa boutique Maisonnaise. “Leurs produits sont oekotex, c’est-à-dire qu’ils sont certifiés sans produits nocifs“, explique Aude Dommange. Ils sont aussi fabriqués par un Esat (Etablissement et service d’aide par le travail). Les Esat sont des établissements médico-sociaux qui visent à insérer des personnes handicapées par le travail.
Fabrication à l’Esat de Villejuif
L’entrepreneuse a également développé sa propre gamme de produits, fabriqués eux à l’Esat des Lozaits à Villejuif. Doudou, porte-monnaie, jouets en bois, trousse à maquillage, lingettes démaquillantes lavables, bouillotte parfumée aux fleurs de lavande, coussin pour les cervicales, oreillers naturels à l’écorce de millet… autant de produits La Cocarde verte confectionnés par six couturiers formés par leur monitrice Sophie. A travers leur travail, ils ont leur place dans l’économie solidaire et collaborative“, insiste Denis Leblanc, chef de service de l’Esat. Pour Aude Dommange, travailler avec ce type d’établissement a aussi plusieurs avantages. «On peut faire des petites séries pour tester un produit, ce qui est nécessaire en phase de démarrage. Surtout, c’est une façon de participer à l’économie sociale et solidaire», insiste-t-elle. Un appel d’offres d’une agence de communication qui voulait commander une quantité importante de sacs avait motivé la créatrice à rechercher des ateliers de production complémentaires, mais cette dernière n’a finalement pas abouti. “L’agence a préféré une confection asiatique et une finition made in France pour des questions de coût…”
Une pépinière pour démarrer entourée
Pour démarrer son entreprise, c’est à Fabrique de Cachan, un pépinière-incubateur d’entreprises, que La Cocarde verte a élu domicile. Outre les locaux, cela lui a permis de bénéficier d’accompagnement pour peaufiner son modèle économique, savoir à quelle porte s’adresser pour trouver des solutions à ses différentes problématiques et rencontrer d’autres startups. «Avec les multitudes de dispositifs existants, on peut être vite perdu. La pépinière d’entreprises met à disposition une plate-forme de ressources humaines pour aider les entrepreneurs à avancer», développe Marie-Jeanne De Barros, en charge de la coordination et de l’accompagnement des entreprise à la Fabrique. “J’y suis depuis 2012, l’année de la création du site Internet. Avoir un bureau qui ne soit pas mon domicile m’a permis d’accueillir des personnes extérieures, notamment des stagiaires de l’Ecole de la seconde chance du Val-de-Marne”, témoigne Aude Dommange.
“Pour l’instant, je ne vis pas encore complètement de mon activité mais j’ai gardé des économies de côté. Cela fait maintenant environ neuf mois que la Cocarde Verte commence à avoir un retour sur investissement“, confie l’Arcueillaise, demi-finaliste du prix Entrepreneur responsable 2014 de l’European PWN et finaliste du concours les Talents de la création d’entreprise 2013. “Il faut croire en son instinct, c’est ce que je dirais aux entrepreneurs qui veulent se lancer.”
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