Politique locale | | 20/03/2016
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Retour sur le Conseil régional d’Ile-de-France : plan “anti-ghetto”, budget, polémiques…

Retour sur le Conseil régional d’Ile-de-France : plan “anti-ghetto”, budget, polémiques…

Seize délibérations étaient à l’ordre du jour du Conseil régional Ile-de-France ces 17 et 18 mars, dont une bonne partie consacrées au logement, avec notamment des mesures controversées pour réorienter les aides à la construction des logements sociaux en faveur des villes qui n’ont pas actuellement le quota. Au menu également : les orientations budgétaires, le lancement d’un grand concours d’urbanisme pour imaginer le Grand Paris francilien, la création d’un Conseil scientifique régional.

Plan anti-ghetto pour les uns, anti-pauvre pour les autres

Sur les seize décisions soumises aux votes des 209 conseillers, celle qui fit le plus polémique est le “plan anti-ghetto”prévoyant de ne plus aider financièrement les projets de logements très sociaux (PLAI) des villes qui disposent déjà de 30 % de logements sociaux, taux minimum obligatoire dans le cadre de la loi SRU de solidarité urbaine, à l’exception des opérations conduites par les acteurs de la maîtrise d’ouvrage d’insertion ainsi que celles qui s’inscrivent dans le cadre du NPNRU (Nouveau programme de rénovation urbaine). “Sur les 1300 communes d’Ile-de-France, 90 d’entre elles concentrent aujourd’hui 66 % du parc locatif social. (…) Cette mesure forte a pour objectif de favoriser une autre répartition de l’habitat en contribuant à la déghettoïsation souhaitée par les habitants, premières victimes de cette ségrégation, mais aussi par de nombreux élus locaux”, motive la président de la région Ile-de-France dans sa délibération.  Au niveau régional, la part des financements de logements sociaux représente près d’un tiers du budget.Télécharger la délibération soumise aux votes. En parallèle, le Conseil régional qui ne contribuait plus au financement du logement social intermédiaire PLS (logement social un peu plus cher), a décidé de recommencer. Voir délibération. Dans le prolongement de cette délibération, une autre, baptisée choc de simplification, a supprimé la modulation des aides régionales qui favorisait au contraire les villes qui respectaient les critères de taux de logement social, considérant cette critérisation comme “injuste“.

“Cette mesure crée les conditions pour attribuer les crédits de la région aux amis de madame Pécresse. Sur le logement, 90% des communes qui ne respectent pas le taux de logements sociaux  minimum de la loi SRU sont des communes de droite. Or,  les crédits de la région n’iront plus qu’à ces  commune ! Actuellement, 60% des Français rentrent dans les critères d’accessibilité aux logements sociaux, et 70% en Ile-de-France. Avec 30% de logements sociaux, nous restons en-deçà des besoins”, dénonce Fabien Guillaud-Bataille, secrétaire départemental du PCF et conseiller régional.  “La part de la région n’est pas la plus importante dans le financement d’un projet de logements sociaux mais elle constitue la part d’équilibre,  qui assure sa faisabilité”, poursuit l’élu.  “On supprime les subventions aux villes qui respectent la loi mais rien n’est prévu  pour les communes qui sont en arrêté de carence, regrette de son côté Jonathan Kienzlen, premier fédéral du PS Val-de-Marne et conseiller régional. Nous avons déposé un amendement pour priver de subventions les villes qui ne respectent pas la loi mais on nous a expliqué qu’il fallait faire confiance aux maires.”  Même position pour  Annie Lahmer, conseillère régionales EELV, qui insiste également sur le fait que la mesure s’étend aux logements étudiants et aux pensions de famille. “Du logement étudiant, il en faut partout. Idem pour les pensions de famille qui sont des structures importantes pour les CCAS. Les personnes sans domicile fixe dont les enfants sont scolarisés à l’école du coin doivent pouvoir rester à proximité au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire.

Au de-là du Conseil régional, le sénateur-maire PS d’Alfortville, Luc Carvounas a indiqué qu’il allait écrire à la ministre du logement, Emma Cosse, pour “dénoncer cette imposture”, ainsi qu’au président de l’association des maires d’Ile de France pour pouvoir débattre de cette question pendant le salon des maires IDF les 12, 13 et 14 avril. Bonneuil-sur-Marn et Ivry-sur-Seine ont également fait voté des voeux pour réclamer le maintien du financement des logements sociaux dans leur commune.  “500 000 personnes sont en attente de l’attribution d’un logement social dans notre région. Freiner la construction de logements, quels qu’ils soient, est une attitude absurde, en déconnection absolue avec la réalité. C’est condamner des dizaines de milliers de franciliens, modestes ou non, à des années supplémentaires d’attente – au mieux – et au mal-logement, à l’insalubrité et la précarité au pire“, plaide également le sénateur-président PCF du Conseil départemental, Christian Favier, qui annonce soutenir l’initiative de Patrice Leclerc, maire  PCF de Gennevilliers, “pour une mobilisation des villes et associations qui défendent le droit au logement pour tous.”

A cette charge, le groupe LR et apparentés du Conseil départemental répond en faisant part de son “soutien total” aux mesures proposées par Valérie Pécresse, dénonçant les mesures de critérisation du Conseil départemental.  “En juin 2015, l’Exécutif départemental a poursuivi son soutien à la construction de nouveaux logements très sociaux dans des villes qui comptent plus de 40% de logement sociaux comme à Ivry-sur-Seine (40,27%) et à Valenton (66,9%)”, regrette Olivier Capitanio, premier-adjoint LR de Maisons-Alfort et président du groupe au CD94. “Il est à noter que l’Etat, lui-même, s’est prononcé en faveur d’une diminution des logements PLAI à Ivry-sur-Seine “pour éviter d’alimenter la paupérisation observée”, pointe l’élu,  citant une position similaire du ministre de la ville, Patrick Kanner. L’enveloppe budgétaire va rester la même et il n’y aura donc pas moins de logements sociaux. La question n’est pas d’aider les villes de droite ou de gauche, mais de mieux répartir les logements sociaux sur le territoire et de développer la mixité sociale. Ce plan témoigne d’une volonté  claire et nette d’accompagner le logement social y compris là où cela n’est pas un réflexe naturel, dans les villes qui disposent du foncier nécessaire bien-sûr“, défend également Vincent Jeanbrun, porte-parole du groupe LR au sein du Conseil régional et maire de L’Haÿ-les-Roses.

Le FN applaudit la mesure

Le Front National, lui, a voté le plan “anti-ghetto” aux côtés de la majorité. “Nous souhaitons nous inscrire dans une opposition constructive et estimons que ce plan va dans le bon sens”, motive Dominique Bourse-Provence, conseiller régional et secrétaire du FN Val-de-Marne. “C’était choquant de voir le FN applaudir les délibérations de Valérie Pécresse et de se réjouir qu’elle applique leur programme. Cela témoigne d’un brouillage idéologique et démontre qu’entre libéraux sociaux, libéraux libéraux et libéraux autoritaires, les frontières sont ténues”, témoigne Fabien Guillaud-Bataille. “Il n’y a aucune alliance entre la majorité et le FN. D’ailleurs, ces derniers se sont abstenus sur les mesures de protection dans les lycées que nous avons décidées dans la commission sécurité. En séance, il faut reconnaître qu’en dehors de Wallerand de Saint-Just, les élus FN ont plutôt eu une attitude propre. Ils arrivent à l’heure, ne bavardent pas et ne hurlent pas comme dans un zoo dès qu’un président de commission prend la parole”, défend Vincent Jeanbrun.

Mobilisation du foncier régional, logements pour les professeurs

Parmi les autres délibérations sur le logement, l’une d’elles a décidé de porter l’objectif annuel minimum de logements proposés à des femmes victimes de violences de 50 à 100. Voir la délibération. “Sous la mandature précédente, entre 150 et 360 logements ont été effectivement mis à disposition des femmes victimes de violence chaque année, nous souhaitons donc  pouvoir faire un bilan réel chaque année”, indique Annie Lahmer. Au chapitre du logement également, l’augmentation du nombre de logements mis à disposition des enseignants dans le contexte de la crise du logement qui frappe également les professeurs, ainsi que la mobilisation du foncier de la région en mandatant à cet effet la présidente de région, également président de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France (EPFIF).

Débat d’orientations budgétaires

Après une première journée de séance essentiellement consacrée aux dossiers logements, la seconde journée a vu se dérouler le débat des orientations budgétaires, également objet de controverse entre l’ancienne et la nouvelle majorité.

Axe principal de la proposition d’orientations budgétaires : la “relance par l’investissement“.  Et de proposer une augmentation des investissements dans le secteur des transports collectifs, “par exemple la ligne P du Transilien, dernière ligne non électrifiée de la région, la régénération du réseau existant, la résorption des embouteillages ainsi que le développement des véhicules propres“,  dans l’éducation, pour rénover les lycées,  dans l’enseignement supérieur, pour rééquilibrer les “territoires aujourd’hui moins bien pourvus en infrastructures universitaires“, une évolution des partenariats avec la BPI  (Banque publique d’investissement) pour “assurer un effet de levier plus important de l’intervention de la région sur le financement des PME-TPE“, le maintien du soutien aux pôles de compétitivité avec le renforcement du dispositif PM’up. De nouveaux investissement sont également promis dans l’agriculture,  les commerces de proximité, le développement du travail collaboratif ou à distance, la lutte contre les déserts médicaux, le secteur culturel, la réduction des dépenses énergétiques, la lutte contre la pollution de l’air et la gestion des déchets, le développement d’éco-quartiers autour des gares et encore la sécurité.

Les économies, elles, sont fléchées au chapitre du fonctionnement, avec une promesse de réduction de 5 % par rapport au budget 2015.  Où trouver l’argent ?  Via la suppression de l’aide au transports des  personnes étrangères non régularisées, un passage au tamis des subventions aux  associations, un effort sur les formations professionnelles individuelles qui devront passer par des appels d’offres, le  réexamen des opérations à l’international,  l’optimisation des locations immobilières et encore “la réorganisation des services avec une réduction des niveaux hiérarchiques, l’optimisation des achats, la baisse du train de vie de la région (véhicules…).” Comme toutes les collectivités locales, la région disposera d’une enveloppe un peu réduite par rapport à 2015, avec une diminution de 130 millions d’euros de ses recettes de fonctionnement et de 24 millions d’euros de ses recettes d’investissement.

Télécharger la délibération relative au débat d’orientations budgétaires 2016 de la région Ile-de-France.

Règlement de comptes entre la nouvelle et l’ancienne majorité

Pour le nouvel exécutif, la présentation des orientations budgétaires a été l’occasion de critiquer la gestion de ses prédécesseurs, suscitant quelques vifs échanges, à propos notamment du financement du passe Navigo.  “S’il y a eu mauvaise gestion, Valérie Pécresse n’a qu’a porter plainte!” s’agace Jonathan Kienzlen. “Dans les orientations budgétaires qui ont été présentées, il y a beaucoup de promesses d’augmentation de budget dans les transports, les lycées, le bouclier sécurité dont on ne sait pas combien il coûte, l’université… mais on ne nous dit pas où sont les économies. Nous nous attendons à des mauves surprises lors du vote du budget“, poursuit l’élu. “Nous avons déjà engagé un certain nombre d’économies comme la suppression du remboursement à 75% de passe Navigo pour les étrangers en situation irrégulière. Concernant le STIF (Syndicat des transports d’Ile-de-France), nous allons également de s’appuyer sur l’emprunt pour renouveler les rames afin de rééquilibrer le financement. Sur le fonctionnement, nous allons effectivement revoir le financement de certains événements comme par exemple la subvention de 100 000 euros à la Fête de l’Humanité”, détaille de son côté Vincent Jeanbrun.

Une pétition pour demander le maintien de la subvention au centre Hubertine Auclert

Fabien Guillaud-Bataille, lui, s’inquiète des baisses déjà annoncées de certaines subventions, comme celle de 30% au centre Hubertine Auclert, un centre de ressources pour l’égalité femmes-hommes en Ile-de-France. “Depuis 2009, ce centre est pourtant devenu un partenaire incontournable pour la défense des droits des femmes. C’est d’autant plus incompréhensible que l’observatoire des violences faites aux femmes qui lui est rattaché est lui aussi mis en danger. Comment comprendre une telle décision alors que Valérie Pécresse va faire voter à la fin de la semaine une délibération pour doubler les logements régionaux réservés aux femmes victimes de violence ? Doit-on y lire une pression de la part des élus de la majorité proche de la Manif pour tous ?“, s’interroge la pétition lancée sur le site Change.org par le groupe Front de gauche pour réclamer le maintien de la subvention.

Le Grand Paris du tourisme, de l’urbanisme, de la recherche…

Parmi les autres dossiers votés ces 17 et 18 mars, le lancement d’un “appel à projets innovants de développement urbain, architectural et paysager” couvrant l’ensemble de l’Ile-de-France et baptisé “Dessine moi le Grand Paris de demain“, assorti du lancement d’une biennale de l’architecture et de l’urbanisme et de la création d’une aide pour les quartiers innovants et écologiques.  Autres sujets débattus :  l’aide aux territoires ruraux, un point sur le rapport de la Cour des comptes sur la promotion du tourisme en Ile-de-France et encore  la  création d’un Conseil scientifique régional pour émettre un avis sur les politiques régionales recherche et innovation, à commencer par le Schéma Régional de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (SRESRI). A noter aussi, la location de l’hémicycle du Conseil régional au Conseil de la métropole du Grand Paris qui compte également 209 membres, en contrepartie d’un dédommagement de 10 000 euros la journée. “Nous aurions préféré que ce soit loué plus cher“, nous nous sommes abstenus, indique Dominique Bourse-Provence.

Controverse sur la méthode

Entre l’opposition et la majorité, la controverse porte aussi sur la méthode. “Un rapport sur trois arrive hors délais et ils ne font que quelques pages. Parmi les délibérations défendues, beaucoup se contentent en outre de prolonger des dispositifs existants comme les logements pour femmes battues ou l’aide au logement des enseignants, ce qui prouve que l’ancienne majorité ne travaillait pas si mal”, reproche Jonathan Kienzlen.  “Les dossiers sont presque vides, renchérit Annie Lahmer. 100 éco-quartiers c’est bien, mais quels vont être les critères précis? La Biennale d’architecture est aussi une bonne idée mais il n’y a rien dans le dossier. Les commissions environnement ne durent qu’une heure et demie maximum, c’est insuffisant pour effectuer un travail sur le fond. C’est dommage car ce dossier est primordial. Au lendemain de la Cop 21, nous ne devons pas nous contenter d’être dans l’intention. Toutes les délibérations sonnent comme des slogans”, poursuit la conseillère écologiste.

“Dans la commission sécurité, nous avons déjà voté plusieurs millions d’euros de mesures pour financer la protection dans les lycées d’Ile de France. Les rapports sont extrêmement détaillés et chiffrés. Mais lorsque les rapports sont trop précis, on nous reproche d’avoir tout décidé à l’avance, et lorsqu’on laisse une marge pour débattre, on nous reproche l’imprécision! Quant au débat d’orientations budgétaires, ce ne doit pas être une pluie de chiffres mais une ambition. Nous donnons rendez-vous en avril pour un budget détaillé et sincère, dont nous ne gèlerons aucune ligne le lendemain“, assure Vincent Jeanbrun.

 

La prochaine séance se tiendra les 6, 7 et 8 avril et aura comme plat principal le vote du budget 2016.

 

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