A 18 mois des élections régionales de 2010, les projets transversaux aux collectivités de la région parisienne se précisent, à la fois concurrents et complémentaires. Le constat des enjeux fait l’unanimité tandis que modes de gouvernance et projets prioritaires font débat. Chacun, maire, président de département ou de région ou encore représentant de l’Etat, cherche à tirer son épingle du jeu tout ayant conscience qu’il ne peut que jouer en équipe.
Enjeux
Faciliter la circulation entre les territoires, construire plus de logements, favoriser le dynamisme économique, diminuer les disparités et rapprocher les emplois des transports et des logements, le tout bien sûr dans le cadre d’un développement durable, voilà –brièvement résumés- les principaux enjeux d’une vision concertée et à long terme de la région parisienne. Auxquels s’ajoute le maintien de son rang parmi les autres métropoles du globe. L’échec de la candidature parisienne à l’accueil des JO 2012 ayant, sur ce point, contribué à sonner l’heure du réveil. Pour réfléchir à ces questions, les bonnes volontés ne manquent pas.
La région, le SDRIF et Jean Paul Huchon
Le président de la région, Jean-Paul Huchon, a fait travailler ses équipes sur un nouveau schéma directeur (SDRIF ), destiné à succéder à celui de 1994 et tentant de dessiner une vision sur les 30 ans qui viennent. Le document prône notamment une densification importante des logements en certains endroits afin de préserver les espaces verts en d’autres ainsi que le développement des transports en commun (notamment un projet de train périphérique, l’Arc Express Régional). Il plaide pour la construction de 60 000 logements par an et un objectif de 30 % de logements sociaux. Ce schéma a fait l’objet d’une enquête publique à la fin de 2007, dont les conclusions ont été favorables malgré quelques réserves et le conditionnement à un certain nombre de recommandations comme le développement plus ambitieux des transports, qu’il s’agisse du transport fluvial, du fret ferroviaire, de la ligne périphérique mais aussi du réseau routier. Egalement demandés : le renforcement du volet économique du dispositif, l’articulation des projets avec ceux des territoires limitrophes à l’Ile de France, la non interférence avec les décisions relevant du seul niveau de l’Etat (Etant notamment visée la proposition de plafonner les vols et d’instaurer un couvre-feu à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle), la précision des territoires à vocation agricole et ceux pouvant être urbanisés, la création d’une instance de coordination pour animer les politiques en matière de logements (à l’instar du STIF pour les transports), ainsi que celle d’une cellule d’urbanisme. Le projet a été voté par la majorité de gauche de la région et des départements. Les départements de droite, l’opposition de droite des départements de gauche et les chambres de commerce ont voté contre. (Lire à ce sujet la position de Jacques J-P Martin) Pour être opérationnel, le SDRIF doit d’abord être transmis par le gouvernement au conseil d’Etat pour validation. En désaccord avec le SDRIF, le gouvernement joue toutefois la montre afin d’attendre les conclusions du secrétaire d’Etat chargé de réfléchir à l’aménagement de la région. Le SDRIF est donc, à l’heure actuelle, en suspens.
Christian Blanc : Région capitale
Investi au printemps dernier de la réflexion sur la «région capitale», Christian Blanc planche sur le sujet avec pour objectif de développer une vision par projets. Accompagné de Pierre Veltz (spécialiste de l’aménagement des territoires -actuel directeur de l’Institut des Hautes Études de Développement et d’Aménagement des Territoires Européens (IHEDATE)- mais aussi de sociologie des organisations), le secrétaire d’Etat a commencé par consulter quelques 200 personnes et a prévenu qu’il ne rendrait ses conclusions globales que début 2009. Deux projets sont toutefois déjà été confirmés, celui du cluster technologique du plateau de Saclay et celui de Plaine de France (Seine Saint Denis), à vocation culturelle et sportive. Egalement pressentis : les deux métros périphériques, à 8 et 30 km de Paris, l’achèvement des autoroutes périphériques et la création d’un pôle d’affaires à l’Est avec un grand campus universitaire, pour contrebalancer la Défense. Le secrétaire d’Etat devrait également appuyer sa réflexion sur les travaux d’une dizaine d’équipes d’architectes, urbanistes et sociologues chargés de travailler à l’élaboration de la métropole du XXIème siècle. Ces dix équipes qui comprennent des architectes comme Christian de Portzamparc, Jean Nouvel, Roland Castro, Yves Lion, Antoine Grumbach, Richard Rogers…) ont été sélectionnées début 2008 au terme d’un premier appel d’offre et devront rendre leurs conclusions début 2009. (Un site est dédié à cette consultation. Lire aussi l’article de Mediapart sur les 10 propositions)
Le Grand Paris de Philippe Dallier aux oubliettes
Egalement invité à la réflexion par l’Observatoire de la décentralisation du Sénat pour préparer un rapport sur les perspectives d’évolutions institutionnelles du Grand Paris, le sénateur de Seine Saint Denis Philippe Dallier a rendu pour sa part sa copie au printemps dernier. Sa proposition principale : la suppression progressive des 4 départements 75 – 92 – 93 et 94 pour n’en constituer qu’un, le Grand Paris, dont le président serait élu au suffrage universel. Un temps le vent en poupe, cette suggestion semble aujourd’hui écartée, retoquée notamment par la conférence métropolitaine réunissant les communes et départements de l’agglomération. L’esprit du temps est en effet plutôt à la recherche de vision et la définition de projets, qu’à l’élaboration d’une nouvelle gouvernance.
Bertrand Delanoë : de la conférence métropolitaine à Paris Métropole
Avancer pas à pas, en commençant par apprendre à discuter ensemble, tel est plutôt le pari du maire de Paris, Bertrand Delanoë et de son adjoint à l’urbanisme, Pierre Mansat. Initiée il y a 3 ans, la conférence métropolitaine, qui a invité autour de la table les élus des différentes collectivités locales de l’agglomération parisienne pour réfléchir aux déplacements au sein de la zone dense, aux logements, à l’emploi et au développement économique, a abouti cet automne à la création d’un syndicat mixte ouvert d’études, Paris Métropole, afin de se donner les moyens «de réaliser des études à l’échelle du territoire de la métropole, en vue de résorber durablement les inégalités territoriales et de favoriser le développement économique.» Syndicat qui compte déjà une soixantaine de membres, de gauche comme de droite, et auquel la ville de Nogent sur Marne a adhéré. (Adhésion votée à l’unanimité lors du conseil municipal du 13 novembre).
Toutes ces initiatives, sans se contredire sur l’essentiel, se concurrencent ou s’allient au gré des convictions et des intérêts. Concrètement, la démarche de Paris Métropole semble plutôt avoir les faveurs de Christian Blanc, davantage en tout cas que le Sdrif, qui n’est guère soutenu non plus avec enthousiasme par le maire de Paris. La bataille des régionales approchant, d’autres voix se font entendre, à l’instar de Valérie Pécresse, en compétition avec Christian Blanc sur l’aménagement du plateau de Saclay (en tant que ministre de l’enseignement supérieur) ou de Roger Karoutchi, secrétaire d’Etat chargé des relations avec le parlement, favorable à la double rocade métro-ferroviaire, au développement d’un pôle d’affaires à l’Est ou encore à la création d’Ecopolis (nouvelles villes vertes). Valérie Pécresse et Roger Karoutchi étant tous deux en lice pour l’investiture UMP. Un moment dans la course avant de jeter l’éponge, Yves Jégo y a également été de ses propositions, plaidant pour une communauté urbaine, nouvelle structure chapeautant la capitale et ses communes limitrophes.
Et l’Est parisien, et Nogent, dans tout cela ? Cela fera l’objet du prochain billet.
Le projet de constitution d’un “Grand Paris” m’intéresse et, dans ce domaine, j’ai pris plaisir à lire quelques ouvrages sur le sujet. Une chose m’inquiète. La mention ou l’appellation “Grand Paris” semble ne pas avoir de valeur institutionnelle. Elle est utilisée comme une expression plutôt interne, mais qui, comme telle, ne correspond pas à une réalité de type administratif ou institutionnel. En somme, c’est le statu quo. J’ai même pu constater, ici ou là, dans des ouvrages de référence, que le nom de Paris disparaissait au profit du nom “Ile-de-France”. En effet, dans la liste des métropoles européennes, on peut parfois constater l’ordre suivant: Londres, Ile-de-France, Madrid, Berlin … Cette substitution est absurde, l’Ile-de-France n’est pas une ville et ne saurait en aucune manière constituer une alternative ou un symbole lisible à l’étranger. Pourquoi persiste-t-on à refuser d’user officiellement de l’expression “Grand Paris”? J’ai lu, par ailleurs, que le représentant de Paris à l’EPAD en avait été exclu, comme si Paris était en compétition sur son propre territoire, rivalité Hauts de Seine / Paris. Quelle situation absurde. Le découpage administratif de l’Ile-de-France est à l’évidence un handicap. Décidément, la France n’aime ni son industrie ni ses villes. Paris ne parviendra pas, dans ces conditions, à affirmer sa position de métropole européenne. Le parasitage de la région “Ile-de-France”, comme nom tendant à se substituer à celui de Paris ne nous engage pas dans la bonne voie. Tout cela est illisible hors de nos frontières.
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