Sacré challenge que celui lancé à tous les préfets de France, chargés d’organiser au niveau local le débat sur l’identité nationale lancé par Eric Besson. Par quel bout prendre la question, comment la découper, quel mode opératoire… autant d’éléments laissés à l’appréciation des organisateurs. Retour sur la table-ronde organisée à Nogent sur Marne lundi 11 janvier, où la question de l’immigation s’est largement invitée dans le débat.
Un débat peu annoncé
Sur l’arrondissement de Nogent, regroupant 14 communes (et au total 370 000 habitants), une cinquantaine de personnes s’étaient déplacées. Il est vrai que l’horaire choisi, 17 heures en semaine, et le peu de communication autour de l’événement, un simple entrefilet dans la presse locale mais aucun affichage de proximité ni invitation de l’ensemble du tissu associatif, expliquent sans doute en partie le peu de participants. (Il n’est pas certain du reste que la préfecture aurait souhaité voir des centaines de personnes affluer sur cette question sensible.) Composant cette assistance clairsemée : une brochette de lycéennes de l’EREA (Etablissement régional d’enseignement adapté) de Nogent venues soutenir leur professeur intervenant à la table-ronde, une rangée de légionnaires du Fort de Nogent, un peu de famille ou collègues des invités, du personnel de la sous-préfecture et quelques personnes munies de leur bristol (on ne sait pas sur quels critères les invitations ont été envoyées) mais fort peu de citoyens Lambda.
Une table ronde généreuse
Invités à intervenir, pas moins de sept personnes : Dominique Delpeux, directrice de l’Escale, espace social et culturel de Villiers sur Marne ; Norbert Zaganelli, Italien arrivé dans les années 60 en France et qui a rappelé son intégration réussie – au point d’être élu municipal à Vincennes ; Michel Bugeaud, président du Comité du Perreux de la Fnaca et membres de différentes associations d’anciens combattants ; Richard Odier, président du centre Simon Wiesenthal ; Moncef Jendoubi, directeur de la mission locale des bords de Marne et premier maire adjoint de Boissy Saint Léger ; Pascale Trimbach, diplomate et élue municipale de Saint Mandé et enfin Bernard Layet, professeur de cuisine à l’EREA François Cavanna de Nogent sur Marne.
Un débat en deux temps : définir et proposer
Après une minute de silence en mémoire du jeune Hakim tué d’un coup de couteau par l’un de ses camarades de lycée au Kremlin Bicêtre la semaine précédente, le sous-préfet, Olivier Ducray a fait une courte introduction avant de passer le témoin à Déborah Munzer, maire-adjointe à la culture de Nogent sur Marne, qui avait accepté d’arbitrer la discussion. Pour charpenter le débat, deux questions ont été successivement posées, avec à chaque fois un tour de table avant de passer la parole à la salle : Qu’est-ce qu’être Français et qu’a-t-on envie de mettre en commun ? Comment améliorer les choses pour vivre ensemble ?
L’immigration au cœur des débats
La principale pierre d’achoppement de l’exercice ne s’est pas fait attendre. Alors que le sous-préfet, Olivier Ducray, s’est efforcé de rappeler en préambule qu’il ne s’agissait pas de faire un débat sur les flux migratoires mais sur les identités remarquables de notre pays, ses invités de la table ronde se sont l’instant d’après présentés en rappelant leur intégration réussie en tant qu’émigré ou celle plus ou moins difficile de leurs parents (qu’ils soient russes, tunisiens ou polonais, de religion catholique, musulmane ou juive), comme pour justifier leur présence sur le plateau, tandis qu’un autre se réjouissait de travailler avec des élèves de “différentes races”. Et après quelques échanges autour des notions de nation, patrie, état, république, démocratie, civilisation, patrimoine… que chacun a tenté de distinguer et définir à sa façon pour cerner le débat, le thème de l’immigration est revenu fissa au cœur des échanges. «La discussion est trop intellectuelle et ne recouvre pas les préoccupations concrètes des habitants. S’il y a un débat c’est qu’il y a un problème. Beaucoup de Français se posent aujourd’hui la question de leur avenir. Concrètement, beaucoup d’étrangers se sont installés en France sans tout à fait avoir compris nos codes et nous nous sommes bien gardés de leur donner la clef ! Si la question du voile s’est posée, c’est qu’il y a des personnes qui le portent», s’est exclamé un participant. De quoi faire réagir illico un retraité Portugais, arrivé en France dans les années soixante : «J’ai travaillé quarante ans en France, dirigé les chantiers de construction de plusieurs stations de métro parisien. Aujourd’hui, j’ai une belle maison au Portugal mais n’ai pas envie d’y passer ma retraite car mes amis et mes enfants sont ici. Ce n’est pas de ma faute si je suis né au Portugal, je me sens Français ! Et n’oubliez pas qu’il y a 45 000 entreprises portugaises en France !» Concernant la volonté d’intégration des jeunes d’aujourd’hui, c’est Moncef Jendoubi qui a pris le relais «Les 3000 personnes que je vois défiler chaque année veulent faire, mais ne savent pas comment », a insisté le directeur de la mission locale.
Définir un « socle commun de l’identité nationale»
Donner les codes, mais quels codes ? Le terme de « socle commun » a été lancé. Pour le composer, quelques suggestions : la maîtrise de la langue, l’histoire de France, les lois du pays, le drapeau, la gastronomie ou encore simplement le sentiment d’appartenance, l’affectif … Autant d’idées satisfaisant les uns et controversées par les autres. « Attention de ne pas confondre la loi et les valeurs », a rappellé un intervenant.
Transmettre le socle
L’autre défi : comment transmettre ? Beaucoup de travail sur le terrain a rappelé la directrice de l’Escale, Dominique Delpeux,témoignant de son expérience au quotidien pour aider les personnes à trouver leur place dans la société en les accompagnant dans leur recherche d’emploi, en aidant les enfants dans leurs devoirs… autant de petites actions au service du vivre ensemble. «Vivre ensemble c’est bien gentil mais en quoi cela sert-il l’identité nationale ? Quel rapport ? », s’est interrogé un participant. Si le service national (militaire ou civil) a été cité pour contribuer à maçonner l’appartenance à la nation, l’école n’a pas été en reste, considérée comme facteur d’intégration, de transmission des valeurs et du patrimoine culturel. Pour le proviseur du lycée Louis Armand, la preuve que l’école s’est appropriée ses concepts est du reste que les jeunes ne se posent pas la question d’être Français ou pas. «Pour eux, être Français, c’est tout simplement habiter en France, y étudier. Ils s’interrogent davantage sur d’autres concepts comme l’Europe ou encore ce que veut dire être citoyen du monde.» Pour Richard Odier, ce défi de la transmission n’est pas toujours gagné : «Abandonner Emile Zola pour Pierre Perret afin de s’adapter aux élèves, c’est renoncer à transmettre notre patrimoine culturel. L’important est de donner l’égalité d’accès pour que chacun dispose des mêmes chances, pas de chercher à tout niveler par le bas. »
2 heures d’échanges
Après deux heures d’échanges composés de constats variés, définitions des mots clefs du débat, de quelques inévitables raccourcis déconnectés de la réalité du genre «On n’étudie plus Richelieu à l’école» mais aussi de quelques pistes de réflexion, la discussion s’est achevée sur une conclusion du sous-préfet qui a tenté une synthèse. L’intérêt de cette rencontre ? Pour Richard Odier, assez radical : «La discussion a prouvé que le débat n’en était pas un puisqu’il revient à constater une somme de problèmes -déjà bien identifiés- à régler (intégration, développement économique….) qui ne consistent pas en l’identité nationale. » Pour Déborah Munzer, arbitre du débat : «Des points de vue très divers ont pu être exprimés librement tout en se respectant mais il reste impossible de répondre à cette question en deux heures.»
A quoi vont servir ces débats locaux ?
Ces 500 rencontres locales devront faire l’objet d’autant de comptes-rendus d’ici le 8 février, qui seront ensuite synthétisés pour être restitués publiquement, sans doute via un document mis en ligne sur le site Internet du débat sur l’identité nationale. Document qui contribuera à élaborer des propositions… ou pas. A suivre.
je ne crois pas à l’eau de boudin, d’ailleur boudin blanc ou boudin de sang de porc?
il faut arriver à débattre de l’interdiction des multiples nationalités
l’ignare…
La farce a fini en eau de boudin …
RIP
dans tout cela le seul débat est l’interdiction des doubles nationalités
j’ai même connu à madagascar un chinois à 6 passeports:
chine de formose
chine communiste
hong kong
canada
malgache
français
alors l’identité nationale retenue est la quelle? et qu’elle en est sa valeur…
C’est surtout un débat qui retarde d’une époque, comme diraient certains. Une époque où la modernité pouvait paraître “solide” et dotée de référents relativement stables : http://yannickrumpala.wordpress.com/2009/11/14/%c2%ab-identite-nationale-%c2%bb-un-debat-en-retard-d%e2%80%99une-epoque/
Organiser des débats aussi nombreux face à des audiences aussi clairsemées est une vaste farce.
La ficelle est très grosse à l’approche des élections.
Il me semble que certains avaient évoqués la nécessaire lutte contre la fracture sociale puis promis de mettre en place un plan Marshall pour les banlieues … autant d’incantations qui n’ont pas eu de traduction concrète et qui alimentent la rancoeur et la désespérance.
“Ils s’interrogent davantage sur d’autres concepts comme l’Europe ou encore ce que veut dire être citoyen du monde.”
J’invite les éventuels “citoyens du monde” à se mettre au travail pour bâtir la “cité” “Monde” sur des bases de démocratie, c’est-à-dire de reconnaissance partagée, de fraternité
Daniel Durand
Présenti
Registre des Citoyens du Monde
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