Levés depuis 6 heures le matin pour achever les derniers préparatifs de ce scrutin encore inédit, les présidents de tous les bureaux de vote du département ont dû ménager leur patience tard hier soir à la fédération socialiste du Val de Marne, leur matériel de vote sous le bras ainsi que l’argent recueilli durant la journée. Il fait chaud malgré la porte ouverte. Chacun attend d’être appelé dans la salle de recollement, au sous-sol pour valider toutes les informations et faire remonter les chiffres de manière officielle au siège.
Une première transmission a eu lieu grâce à un stylo électronique qui a acté les données indiquées à l’issue du dépouillement, depuis chaque bureau de vote. Au début, l’étape de vérification administrative comprend même le recomptage de la recette… Un exercice fastidieux vu le nombre de pièces de 1 € ! qui n’est pas sans rappeler les opérations pièces jaunes. 23 heures approchant, la technique s’assouplit pour ne concerner que la vérification administrative. Ouf ! On n’est pas passé loin de la nuit blanche. Mais c’est une première, il faut ajuster, tout le monde y met du sien.
Certains présidents en ont certes un peu marre, ils ont envie de rentrer chez eux, «Demain on bosse !», d’autres profitent de cette attente pour aller dîner. Beaucoup prennent leur mal en patience. «Cela fait partie du job du militant, j’ai été agricultrice pendant des années alors cela ne me fait pas peur !», lance Anne-Marie Marty, de Champigny sur Marne. Dans l’ensemble, malgré la fatigue, le contentement d’une participation honorable se lit sur les visages. On commente les résultats locaux et nationaux en pianotant sur son smartphone pour grappiller des nouvelles fraîches.
Participation inégale
La participation, estimée à environ 50 000 votants sur l’ensemble du département, a différé en fonction des villes mais aussi des bureaux de vote au sein d’une même commune. A Champigny sur Marne par exemple, Champigny Sud (à l’électorat plutôt classe moyenne) a attiré quelques 3 fois plus de votants que celui de Bois l’Abbé Mordac, (Cités populaires) qui a récolté 137 bulletins pour 6415 inscrits. A noter que cette cité, structurellement plus abstentionniste, avait massivement voté pour Ségolène Royal en 2007 et lui a encore accordé 22 voix, contre 65 pour François Hollande et 34 pour Martine Aubry. Les bureaux les plus « rouge » (ndlr : communistes) sont aussi, de l’avis des militants socialistes, ceux qui ont le moins voté.
A Bonneuil sur Marne (Front de gauche) par exemple, il n’y a que 300 votants pour pas loin de 9000 inscrits. «Il y a eu des consignes pour inciter les gens à ne pas venir voter», soupçonne Youssef Zeggane, le secrétaire de la section locale. Les alliances électorales de la gauche plurielle, qui ont bien fonctionné lors des dernières élections sénatoriales, semblent loin.
«Impossible de conserver une affiche sans qu’elle soit immédiatement recouverte. Il n’y a que pendant la Fête de l’Huma que nous avons réussi à les maintenir 3 jours, car nous les avions collées le vendredi soir ! », s’en amuse Arlette Jonneaux, trésorière de la section de Valenton. Dans cette ville, il y a eu 158 votants pour 5858 inscrits, et Martine Aubry est arrivée devant François Hollande avec 60 voix contre 52. Les « Stal » (ndlr : Staliniens), comme les surnomment de manière peu flatteuse quelques militants PS, n’auraient pas fait meilleur accueil sur les marchés. «Plusieurs nous ont dit qu’ils ne voteraient pas au second tour s’ils ont le choix entre le PS et l’UMP » Les villes PS ont remporté de meilleurs suffrages, à l’instar de Cachan avec 12% des inscrits.
La surprise est aussi venue de fiefs de droite. A Nogent sur Marne (UMP), les bureaux n’ont pas désempli de la journée «On pensait voir 300 à 500 personnes, il y en a eu 1600!», se sont étonnés plusieurs organisateurs (la ville compte environ 21 000 inscrits). Idem à Vincennes (Nouveau centre) qui a attiré 3300 votants.
Côté choix des candidats, les premières estimations donnent un département légèrement plus enclin à Martine Aubry que la moyenne nationale (33 % au lieu de 31 %) et moins favorable à François Hollande (36 % au lieu de 39%). (Voir billet plus détaillé à ce sujet)
Si dans la plupart des bureaux de vote il n’y avait pas trop de temps pour discuter avec les militants, quelques permanences plus calmes ont permis des échanges plus longs. «Nous avons beaucoup parlé les gens, témoigne-t-on à Bonneuil. Les gens nous ont interpellé sur différents sujets, et ce qui m’a surpris est que toutes les personnes avec qui j’ai parlé avait suivi au moins un débat des primaires à la TV.»
Alors, pour ou contre les primaires ? Quelques réserves subsistent. «Ce qui me gêne dans ce principe, c’est la dé-légitimation des militants du parti, qui se retrouvent logés à la même enseigne que des personnes qui viennent juste déposer un bulletin dans l’urne en signant une déclaration », regrette un militant. «Moi je suis pour, en raison de l’exercice démocratique, mais je pense que cela va conduire à une bipolarisation de la vie politique. Les petits partis ne pourront pas s’offrir de primaires», tempère un autre. «Cela a permis de commencer à mobiliser, faire campagne, rencontrer les gens, débattre sur le fond et ne plus s’arrêter aux petites phrases. Avec ses 6 candidats, le PS a montré un visage nuancé, non monolithique », insiste un chef de bureau. Sur le terrain, les actions ont varié d’une ville à l’autre. Au total, une douzaine de débats ou rencontres ont été organisés dans le département, complétés d’affichage et parfois de tractage sur les marchés et boitage. «C’est vrai que nous avons dépensé pas mal d’énergie. Mais la campagne des présidentielles ne commencera vraiment qu’en février, nous aurons donc le temps de nous remettre ! », se rassure une militante. «Moi j’ai vu défiler la gauche locale de ma ville et c’était assez émouvant de voir de simples statistiques électorales prendre consistance», conclut une de ses camarades.
Voir aussi billet sur les primaires à Ivry sur Seine et à Nogent sur Marne.
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