Société | | 19/05/2011
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Contentieux du parking Saint Germain : quoi de neuf ?

L’affaire du parking Saint Germain de Paris (où une voiture de la ville de Nogent sur Marne a pris feu et provoqué des dégâts substantiels) a fait beaucoup parler, voire s’époumoner, en Conseil municipal et lors de la campagne des élections municipales de 2008.

Considérée comme un faux prétexte à l’augmentation des impôts de 2004 pour les uns, comme un méchant cadeau laissé par la maire précédente pour les autres. Aujourd’hui, le dossier n’est toujours pas clos mais plusieurs rebondissements ont eu lieu ces derniers mois, brièvement évoqués à la fin du dernier Conseil municipal par Yves Dellmann, maire adjoint en charge des affaires juridiques. De nouvelles informations qui justifient un petit retour sur les faits et l’historique des procédures en cours.

Incendie au parking Saint Germain

Le 24 novembre 1998 au soir, une voiture de la ville de Nogent sur Marne, conduite par une employée de la mairie et garée dans le parking Saint Germain (au niveau du marché de Saint Germain des Prés à Paris), prend feu. Les dégâts sont considérables car le parking et une vingtaine de véhicules s’embrasent et plusieurs équipements situés au-dessus (crèche, conservatoire et commerces) sont détériorés.

Controverse sur la provision de la ville

Le total des dommages collatéraux est évalué à 6 millions €. Fin 2003, un rapport d’expertise met hors de cause l’exploitant du parking Saint Germain. Une première expertise technique du véhicule met en revanche la ville de Nogent en responsabilité, en indiquant que c’est la voiture qui a pris feu suite à un entretien défectueux par les services municipaux. La ville provisionne alors la somme de 3,9 millions € dans le budget 2004 pour faire face à de futures poursuites. L’assurance de la ville doit pouvoir couvrir à hauteur de 1,9 millions €.
Alors que les impôts locaux connaissent une brusque hausse à la même époque, le maire, Jacques J-P Martin, à mi-parcours de sa première mandature, justifie en grande partie l’augmentation par cette provision tandis qu’Estelle Debaecker, maire de la ville au moment des faits et dans l’opposition depuis 2001, réfute cette explication, arguant que cette provision n’est pas justifiée à ce stade. A l’époque, le nouvel et l’ancien édile de la ville sont dans une posture d’opposition viscérale et les débats sont enflammés (sans mauvais jeu de mots).

Fin 2004, l’assureur de l’exploitant du parking assigne la ville à payer 3 millions €. La ville fait appel. La provision est maintenue mais ramenée à 2,5 millions € en 2007, occasionnant une baisse d’impôts de 9,10% (elle figure toujours pour ce montant dans le budget 2011). Entre temps, la couverture potentielle par l’assurance a été revue à la baisse, à hauteur de 1,5 millions €.

Une durite allergique au sans-plomb ?

Pour dégager sa responsabilité, la ville demande une nouvelle expertise du véhicule. La ville argue du fait que le technicien qui a effectué la révision n’est pas du tout intervenu sur les pièces à l’origine de l’incendie, à savoir la durite (conduite en caoutchouc pour les raccords de canalisations du moteur). Elle suggère une autre piste qui serait liée à la conception même de la durite, qui la rendrait sensible à l’usage de l’essence sans plomb. Cette thèse est accréditée par une étude réalisée par un laboratoire spécialisé en caoutchouc. La ville demande donc une contrexpertise afin de vérifier le bien-fondé de cette nouvelle piste, et obtient gain de cause auprès du Tribunal de grande instance de Paris en mai 2007.

Un expert peut en cacher un autre

L’expert initial est à nouveau désigné mais il demande à être adjoint d’un autre expert. Un second expert se présente donc mais refuse de se positionner en novembre 2008. Un troisième expert est alors désigné en mars 2009 mais il ne réalise pas les tests complémentaires pour lesquels il était missionné et conclut que «Le risque que la dégradation de la durite, due aux différents carburants sans plomb utilisés, soit à l’origine de l’incendie est quasiment nul.» L’expert initial reprend alors ses conclusions et dépose un rapport définitif en février 2011. Non satisfaite des conditions d’exécution de cette contrexpertise, la ville en réclame une complémentaire le 6 mai 2011. L’affaire en est là aujourd’hui.

Soit cette nouvelle demande est acceptée et un nouvel expert devra alors réaliser les tests demandés. Soit cette requête est rejetée et le dossier sera alors jugé en l’état. L’issue de ce dossier reste donc incertaine. «Rien ne permet de savoir si la ville aura ou non à payer pour rembourser les dommages liés à cet incendie. Et le problème, explique Yves Dellmann, maire adjoint en charge des affaires juridiques, est que si jamais la ville est tenue pour responsable et assignée à payer les 3 millions demandés par l’exploitant du parking, nous risquons alors d’être attaqués par d’autres victimes du sinistre puisque le total des dommages a été évalué à 6 millions € et ne concernait pas que le parking.»

Contentieux dans le contentieux

En parallèle de l’action en justice menée par l’exploitant du parking contre la ville. La ville s’est de son côté retournée contre la conductrice du véhicule, indiquant que cette dernière n’était pas habilitée dans ses fonctions à conduire ce véhicule en dehors de son travail, et lui demandant de rembourser le montant du véhicule détruit -soit environ 2800 €. Celle-ci a refusé et a justifié cet usage du véhicule par une lettre du maire de l’époque, datée de janvier 1999 (soit quelques mois après l’incident). Cette lettre rappelait que l’utilisation du véhicule à des fins privées par cette personne correspondait à un usage en vigueur à la mairie de Nogent sur Marne, évitant ainsi de faire peser sur la conductrice toute la responsabilité de l’incident.

Le Tribunal administratif de Melun a donné raison à la ville en février 2009, considérant que la lettre rédigée en janvier 1999 n’avait pas de valeur légale. La conductrice a fait appel de la décision et le Conseil d’Etat lui a donné raison le 8 avril 2011, rappelant que la voiture n’a pas pris feu à cause de la conductrice.

Affaire à suivre !

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