L’immense tas de 150 000 m3 d’ordures (plastiques, gravats…), visible à des kilomètres à la ronde, va être évacué. Cette décision, très attendue par les riverains et la municipalité, a été actée par un arrêté préfectoral du 3 août. Situé dans la ZAC de la Ballastières, à Limeil Brévannes, ce terril de 25 à 30 mètres de haut s’étend sur plusieurs centaines de mètres et suscite la gêne des habitants depuis de longs mois.
L’exploitant de ce centre de déchets, LGD, est aujourd’hui en liquidation judiciaire. Outre son aspect visuel peu esthétique, cette concentration de rebuts divers produit du méthane et, au printemps, des incendies ont démarré de l’intérieur, dégageant une fumée nauséabonde et potentiellement dangereuse pour la santé (les toutes premières analyses se sont depuis plutôt montrées rassurantes). Pour les riverains et élus locaux, déjà en lutte contre cette pollution depuis plusieurs années, la situation est devenue insupportable et la mobilisation a redoublé, milliers de pétitions à l’appui.
Face à cette situation, de premières mesures d’urgence sont prises début juin -relayées par la Ministre de l’environnement, Nathalie Kosciusko Morizet, en personne – consistant à éteindre les feux en arrosant abondamment. Une solution qui a eu le mérite de rendre l’ambiance autour du site moins apocalyptique mais qui consomme beaucoup d’eau et risque de la polluer. L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a donc été chargée de surveiller le site et analyser l’eau de ruissellement et les fumées qui se dégagent pour identifier d’éventuelles substances toxiques.
Cette mesure ne résolvait toutefois pas le problème sur le fond. Les habitants, exigeaient, eux, que ce volcan disparaisse et que les déchets soient évacués. Le hic : cette opération est évaluée à quelques 9 millions €. Qui va payer ? Pour l’Etat, il ne fait nul doute que c’est au pollueur, mais la procédure judiciaire avec l’exploitant, actuellement en liquidation judiciaire, s’annonce longue (voir ci-après). C’est donc dans ce contexte que l’Etat a finalement accepté de mettre en œuvre l’évacuation du site et d’en avancer la prise en charge financière.
Neuf mois d’évacuation
Concrètement, l’arrêté du 3 août stipule que l’enlèvement s’effectuera progressivement, sur une période totale de 9 mois. Les opérations seront réalisées sous l’égide de l’Ademe et consisteront d’abord à trier et entreposer les déchets dans des sites provisoires (ne pouvant en principe accueillir plus de 5000 m3, et ce pendant une période maximale de deux semaines) avant de les envoyer vers des centres de traitement. Une surveillance environnementale des eaux souterraines et de l’air sera assurée par l’Ademe grâce notamment à 3 puits de forage creusés à proximité du site, à Limeil Brévannes et Valenton. Voir le détail de l’arrêté.
Afin que l’histoire ne se répète pas, l’activité d’entreposage de déchet de LGD Développement à Villeroy (en Seine et Marne) a également été suspendue par arrêté dès la fin mai.
Feuilleton judiciaire
En parallèle, le traitement judiciaire de l’affaire se poursuit. Le 1er juillet, le Tribunal administratif de Melun a condamné le gérant de la société, Patrick Bueno (également l’un des meilleurs joueurs de Poker de France), à 18 mois de prison avec sursis ainsi qu’à des dommages et intérêts pour la ville et les riverains, et, surtout, à financer la réhabilitation du site (soit près de 10 millions € !). S’étaient portées parties civiles les associations de quartier ainsi que les municipalités de Limeil Brévannes et de Valenton. Une sentence contre laquelle le plaignant a décidé quelques jours plus tard de se battre en appel, ce qui renvoie la décision à dans plusieurs mois. Pour se défendre, l’as du poker dispose d’une carte maitresse du barreau en la personne de Me Olivier Pardo, qui s’est récemment illustré dans la défense d’Eric Zemmour et d’autres dossiers assez complexes notamment dans l’affaire Clearstream.
Principe de responsabilité élargie du producteur
La somme en jeu étant colossale, l’Etat devrait aussi recourir au principe de responsabilité élargie du producteur (REP) instauré dans la loi Grenelle 2 de juillet 2010, permettant d’obliger à participer les entreprises ayant fourni les déchets an amont. Objectif : responsabiliser jusqu’au bout de la chaîne et trouver les sous là où ils sont.
Le présumé pollueur d’abord défendu par le cabinet de Corinne Lepage
Comble de l’histoire, c’est aux services de la société d’avocats de l’ex-ministre de l’environnement Corinne Lepage (le cabinet Huglo-Lepage), que la société LGD, contestée dans son implantation peu après son installation en 2002, avait auparavant fait appel à plusieurs reprises, pour défendre ses droits à continuer d’exploiter…
Après les déchets, l’éco-quartier
Pendant ce temps, les travaux se poursuivent dans la Zac de la Ballastière qui doit accueillir un éco-quartier de près d’un millier de logements, avec moult espaces verts et pas de voiture (celles-ci allant en sous-sol). Forcément, une montagne de déchets fumant devant, ça ferait tache !
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