Etudier l’usage réel du multimédia dans les écoles et centres de loisirs pour adapter le dispositif, tel est l’objet du projet OPPIDUM (Observatoire des pratiques pédagogiques innovantes et des usages du multimédia), mené depuis un an par l’Inspection académique du Val de Marne, l’université Paris Descartes et la ville de Saint Maur des Fossés.
Au terme d’une phase d’observation (OPPIDUM I) auprès de 350 élèves de CM1 et CM2 dans six écoles, une seconde étape (OPPIDUM II) va consister à tester différents outils.
Entre ces deux temps, un premier bilan a été présenté le 10 octobre, à l’occasion de la signature de la poursuite de cette expérimentation par Pierre Moya, inspecteur de l’Académie de Créteil, Henri Plagnol, maire (UMP) de Saint Maur des Fossés et Axel Kahn, président de l’Université Paris Descartes, suivie d’une soirée d’échanges entre parents, enseignants, éducateurs, chercheurs et élus locaux. Si cette étude porte sur un échantillon restreint dans une commune de niveau social élevé, et que les chiffres – notamment en matière d’équipement, doivent être relativisés, les tendances constatées n’en éclairent pas moins les enjeux à relever par la communauté éducative en matière de numérique.
Des élèves habitués au numérique pour l’extra-scolaire
L’un des principaux constats : les élèves interrogés dans le cadre de groupes de parole se révèlent plus à l’aise avec l’informatique que les enseignants, lesquels sont demandeurs de formation pour éviter de sécher devant un gamin de primaire. De fait, un tiers des élèves interrogés (qui, rappelons-le, ont tous moins de onze ans) ont un ordinateur dans leur chambre, un tiers disposent d’au moins deux ordinateurs à la maison, un quart ont un ordinateur portable et 90% ont une console de jeux. Plus de 50 % font usage d’Internet à la maison pour mener des recherches, à peu près autant pour aller sur Youtube (plate-forme de vidéos), et environ un tiers pour aller sur les réseaux sociaux, un tiers pour faire ses devoirs et un peu moins pour accéder à une messagerie. A noter bien sûr un usage plus important de quelques points des élèves de CM2 par rapport aux élèves de CM1.
A l’école, ils ne sont que 11 % à déclarer utiliser souvent ou très souvent l’ordinateur, 15 % jamais et 74 % de temps en temps. L’équipement informatique des écoles concernées consiste en général en une salle informatique dans laquelle se rendent les classes régulièrement. L’une des écoles concernées par le projet possède également un tableau numérique interactif (TNI).
Outre les réticences de certains enseignants, moins à l’aise et désireux de se mieux former ou de se faire accompagner d’intervenants spécialisés, les autres freins constatés à l’usage du numérique concernent la maintenance du matériel (car une salle informatique ne représente pas un investissement matériel une fois pour toute mais nécessite d’être très régulièrement maintenue et mise à jour) et l’organisation logistique (réservation de la salle). Plusieurs indiquent également préférer avoir un ordinateur dans la classe et sont demandeurs d’outils de communication en ligne. Concernant les élèves, les motivations concernant le numérique sont davantage extra-scolaires où ils sont très au fait des différents usages.
Réticences des parents
A l’occasion d’une soirée d’échange autour du projet OPPIDUM, organisée début octobre à la mairie de Saint Maur et animée par Pascale Luciani-Boyer, maire-adjointe déléguée aux nouvelles technologies, plusieurs parents ont également fait part de leurs craintes par rapport à cette intégration du multimédia dans l’école. «Nous, parents, sommes dépassés, comment former un socle de base pour avoir une harmonie dans la formation des parents et enseignants ? Est-il prévu une mise en garde contre l’addiction ? Si l’élève maîtrise mieux l’outil que le professeur, le problème du rapport élève enseignant, ne va-t-il pas se poser ? » Des réserves auxquelles Pierre Moya, inspecteur de l’Académie de Créteil a opposé le spectre de la fracture numérique, insuffisamment prise en compte à ses yeux. «L’usage du numérique devient un facteur discriminent, a-t-il averti avant de revenir sur les défaillances des dispositifs actuellement en place. Il n’y a rien de pire à l’école que la demi-heure d’informatique proposée actuellement, je suis contre la salle informatique, l’informatique doit entrer dans le quotidien de la classe. Un élève a sept compétences fondamentales à maîtriser, l’informatique, au même titre que les mathématiques ou le français, en fait partie depuis 2005.» Ce dernier a également mis l’accent sur la motivation des enseignants. «On ne forcera pas les enseignants, il faut privilégier le volontariat. De même, des plans de formation différenciés doivent être mis en place, selon qu’il s’agit par exemple d’un professeur qui exerce depuis vingt-cinq ans ou d’un jeune diplômé.»
La perspective d’une disparition des livres de classes au profit du tout numérique effraie également les parents. «L’école numérique, c’est aussi un cartable numérique, nos enfants n’auront-ils plus de livres ? », s’est-on inquiété dans la salle. «Un travail est actuellement en cours sur le cartable numérique. Pour les manuels scolaires, la réponse ne peut être basique, il y a la problématique des éditeurs. Le ministère de l’Education Nationale a commencé une expérimentation sur les manuels numériques qui deviendraient des compagnons des manuels papiers », a tempéré Claudio Cimelli, spécialiste de ces questions au sein du rectorat de Créteil.
Lancement de OPPIDUM II
Oppidum II, la deuxième phase de l’étude, vise à mettre en place différents moyens d’information et de partage des résultats, notamment à travers la création d’un site Internet et d’un réseau social dédié aux parents – de tout le département (le mini réseau) Parallèlement, des « comités Oppidum » seront mis en place dans les écoles afin d’ouvrir la concertation entre enseignants, parents et élèves. Enfin, dès janvier, des livrets de contenus pédagogiques seront disponibles pour les parents. «L’étude est inachevée, nous avons besoin davantage des parents et des enseignants, dont les réticences sont légitimes», a déclaré le maire de Saint Maur, Henri Plagnol. «Ce n’est pas l’outil qui va permettre une amélioration mais la pédagogie qu’appliquera l’enseignant sur cet outil», a-t-il précisé. Une enveloppe de 200 000 euros a été votée au conseil municipal de Saint-Maur afin d’accompagner Oppidum I et II. D’autres villes pourraient également être invitées à partager le projet OPPIDUM afin de conforter les résultats à venir et mutualiser les moyens.
Si l’équipement informatique des écoles est du ressort des communes, l’enjeu du numérique à l’école est bien national. Alors que la France se place au septième rang concernant l’équipement numérique à l’école en Europe, elle se retrouve en effet en vingt-quatrième position lorsqu’il s’agit de son utilisation. Ce qui laisse une belle marge de progression.
Sur ce projet, voir aussi :
Les résultats de l’enquête sur le blog de Pascale Luciani-Boyer, maire-adjointe déléguée aux nouvelles technologies.
La présentation du projet sur le site de l’Université Paris Descartes.
Un salon numérique permanent à Champigny
A noter également que le CDDP de Champigny sur Marne (Centre départemental de documentation pédagogique) propose depuis le mois de février 2011 un salon numérique permanent pour présenter les différentes technologies éducatives aux enseignants, formateurs et collectivités en partenariat avec les constructeurs et éditeurs numériques. Ce salon comprend une médiathèque pour présenter les ressources numériques et leurs nouveaux supports (tablettes numériques par exemple), une salle d’activités «Darwin» dédiée à des présentations et animations sur des matériels et logiciels et une salle de classe mobile, le palier Eole, accompagnée d’un logiciel de supervision et d’un tableau numérique interactif. Voir le site du CDDP 94.
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