Inquiets de la stratégie à venir de leur groupe, des salariés de Sanofi Vitry, Alfortville, Chilly Mazarin et même de Normandie rejoindront le mouvement toulousain ce jeudi 13 septembre. Dans le Val de Marne, la position du groupe pharmaceutique, partie prenante de grands projets de dynamisation urbaine, économique et scientifique, interroge également.
Le conseil municipal de Choisy le Roi s’apprête à voter un vœu pour réclamer des comptes, qui devrait être suivi d’autres villes voisines.
Dans le Val de Marne, Sanofi compte un site de recherche implanté à Vitry sur Seine et Alfortville, un site de production à Vitry sur Seine et deux sites tertiaires à Gentilly. Au niveau national, c’est le principal groupe d’industrie pharmaceutique française. Créée en 1973 par Elf Aquitaine (devenu Total) pour se diversifier dans l’hygiène et la santé, la startup a progressivement racheté de nombreux laboratoires, le plus gros morceau étant Aventis (lui-même issu de la fusion entre Rhône-Poulenc Rorer et Hoechst Marion Roussel) en 2004, et est rentrée en bourse de manière autonome. L’industriel pèse aujourd’hui un peu plus de 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires et se situe dans les cinq premiers acteurs mondiaux de ce marché. Cette belle croissance s’est aussi accompagnée de rationalisations régulières depuis la fin des années 1990, qui, si elles se sont déroulées grâce à des mesures d’âge plutôt appréciées des personnes concernées, et sans licenciement sec, sont de moins en moins bien perçues par les équipes restantes. «Le problème de ces plans de départs successifs est qu’ils affaiblissent les équipes de recherche en place. Pour travailler sereinement, il faut du calme. Et être en permanence obligé de se réorganiser ne facilite pas la recherche. D’autant que les budgets baissent aussi en permanence et en fin d’année, nous sommes limités dans l’achat de réactifs chimiques et autres matériels, témoigne Laurent Ziegelmeyer, syndicaliste cégétiste. Pourtant, Sanofi est bénéficiaire. Le groupe a supprimé 4 000 emplois entre 2009 et 2011, alors que le bénéfice cumulé de ces trois exercices s’élevait à 26 milliards ! Ces mesures servent donc avant tout les actionnaires. Il est du reste prévu de passer d’ici deux ans les dividendes des actionnaires de 30% du résultat net à 50%.»
C’est dans ce contexte que, le 4 juillet, l’annonce par le président de Sanofi, Christian Lajoux, d’une restructuration du département recherche en parallèle du plan d’économies de 2 milliards € annoncé début 2012, a suscité des réactions assez vives. Si les sites concernés au premier plan sont ceux de Toulouse et Montpellier, un certain nombre de salariés val de marnais s’interrogent aussi sur le devenir de leurs unités et souhaitent rester solidaires des autres sites. «A Vitry, 300 emplois ont été supprimés par des mesures d’âge sur le site de Vitry -Alfortville lors du plan de 2009-2011 et nous sommes passés de 400 à 150 projets à mener. Sur le long terme, c’est un mauvais calcul, car pour sortir des médicaments, il faut travailler beaucoup de molécules et si nous réduisons le nombre de projets, nous réduisons la probabilité de sortir un médicament. Notre crainte est aussi que le groupe ne préfère racheter des petites entreprises qui ont fait la recherche en amont pour ensuite s’occuper de la phase concrète. Mais si nous ne faisons plus de recherche en interne, nous ne serons plus capables d’évaluer la qualité de ces recherches externes. Et concernant la phase de développement, elle est aussi de plus en plus sous-traitée. Pourtant, le groupe bénéficie d’un crédit impôt-recherche qui finance un emploi de chercheur sur 10, soit 130 postes sur les 1300 de Vitry, reprend Laurent Ziegelmeyer. Et au niveau local, les collectivités ont contribué aux bonnes conditions d’installation du groupe. Sanofi est donc aussi redevable à la société. C’est pourquoi nous avons demandé à la direction et aux ministères concernés une table-ronde pour faire le point sur la situation réelle de l’entreprise. Jusqu’à présent, nous avons eu une écoute polie des ministères (recherche, santé, affaires sociales, redressement productif) et Arnaud Montebourg a même haussé le ton à l’annonce du plan par le PDG, ce qui a fait du bien aux salariés, mais nous aimerions que cela n’en reste pas au ministère de la parole.»
Dans le Val de Marne, la caution du fleuron Sanofi s’est accolée à plusieurs projets d’envergure, de l’OIN Seine Amont au projet de contrat cadre des Ardoines dans le cadre du Grand Paris Express en passant par Medicen. La vitalité de l’entreprise est donc très attendue sur ce territoire, en termes d’emplois, d’attractivité des startups de ce secteur, d’image pour le développement économique local. «Mais nous nous inquiétons de ce qui va se faire concrètement. Il y a quatre ans, le site de production chimique de Vitry, qui était classé Sévéso 2, a été en grande partie démoli avec le projet de le remplacer des unités de production de biotechnologie, moins polluantes. Or, pour l’instant, un seul bâtiment a été reconstruit à cet effet et le reste est en friche», regrette le syndicaliste qui souhaite une concertation avec la direction et les élus locaux.
En attendant, l’intersyndicale (CGT, CFDT, CGC, CFTC, Sud et SD) reste mobilisée. Un car a été affrété par la CGT pour se rendre à Toulouse ce jeudi 13 septembre pour aller manifester à l’Oncopole. Dans le même temps, des débrayages pourraient avoir lieu à Vitry et Chilly-Mazarin. De son côté, la ville de Choisy le Roi a décidé de présenter un vœu lors de son prochain Conseil municipal, pour demander des comptes, soutenir les salariés et réclamer une réunion de concertation avec l’Etat ainsi qu’ouvrir un débat sur la nécessité de créer un pôle public du médicament en France
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