Le collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry sur Seine ne baisse pas les bras. En lutte pour défendre ses membres mais aussi plus globalement pour la régularisation sans condition de tous les sans-papiers, il organise régulièrement des manifestations menées au son des djembés devant la préfecture de Créteil. Hier après-midi encore (jeudi 19), une quarantaine d’entre eux étaient au rendez-vous pour brandir les banderoles et jouer des percussions. L’objectif de cette manifestation était double :
défendre les dossiers de régularisation actuellement en cours d’une part, venir aux nouvelles concernant les nouvelles modalités et conditions à remplir, suite au changement de gouvernement d’autre part.
Une délégation a été reçue à cet effet par le sous-préfet à la ville, Olivier Huisman, et deux autres cadres de la préfecture. «Pour l’instant, rien n’a changé. On nous a expliqué que la circulaire n’était pas encore publiée et que la préfecture n’avait donc pas de nouvelles consignes ni de marge de manœuvre supplémentaire. Ils nous ont indiqué qu’ils continueraient à nous recevoir, notamment lorsque la circulaire serait prête, et à étudier les dossiers que nous leur transmettons. Pour notre part, nous ne sommes pas tout à fait d’accord que la préfecture n’a aucune marge de manœuvre. Par exemple, la préfecture de Paris régularise à partir de critères plus souples concernant le nombre d’années de séjour en France», explique Josiane, membre de la délégation reçue hier en préfecture.
Au total, environ 200 personnes ont rejoint ce collectif. Les travailleurs sans-papiers sont majoritairement issus du Mali et logés dans des foyers de Vitry, Ivry et Alfortville. M. est en France depuis plus de 30 ans. «Je connais plus la France que mon pays le Mali. Je suis venu directement de ma brousse vers 18 ans. A l’époque, j’avais des papiers, et je pouvais retourner régulièrement au pays. Mais à la fin des années 1990, j’ai dû retourner au Mali pendant cinq ans pour des raisons familiales, et quand je suis revenu, les conditions avaient changé et je n’ai pas pu avoir de nouveaux papiers. Du coup, je ne peux plus sortir de France depuis une dizaine d’années sous peine de ne pas pouvoir revenir. Je vis dans un foyer où je partage ma chambre avec deux autres personnes, cela me permet de payer environ 200 euros par moi. J’ai utilisé les papiers d’un ami pour m’enregistrer dans le foyer. Je travaille de manière déclarée pour une société de nettoyage depuis plus de six ans. Mon patron sait que je suis sans papiers. Il s’est renseigné pour me régulariser et me donner le formulaire Cerfa nécessaire mais cela semblait trop compliqué et risqué pour lui. En revanche il a baissé légèrement mon salaire du jour où il a su que j’étais sans-papiers. Enfin, j’ai des vrais bulletins de paie et je dois en principe bénéficier de la sécurité sociale, mais je préfère ne pas aller à l’hôpital ou voir de médecin pour ne pas risquer de me faire repérer. Je me débrouille moi-même quand j’ai un problème. Ce qui est difficile est de ne jamais pouvoir retourner au Mali où j’ai ma famille», témoigne-t-il.
S. également en France depuis plus de 20 ans, a travaillé longtemps sous l’identité de son frère qui avait des papiers et était également salarié. Le cumul de plusieurs bulletins de paie ne posait pas de problème jusqu’au jour où son frère s’est retrouvé en invalidité. «Aujourd’hui, je n’ai plus d’emploi régulier, je travaille au noir quand l’occasion se présente et je vis de la solidarité de mes camarades», explique-t-il.
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