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Société | | 06/12/2012
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Pôle RER A : 9 requérants condamnés à payer chacun 200 € à la ville

 Le Tribunal administratif de Melun a rendu son jugement concernant le dernier recours en justice contre le projet immobilier Eiffage du pôle RER A (Cité d’affaires Nogent Baltard) de Nogent sur Marne. Ce recours concernait non pas les permis de construire mais la déclaration de projet votée en conseil municipal d’octobre 2010. Plusieurs requérants s’étaient désistés avant l’audience suite au compromis négocié avec la mairie cet été.

Le Tribunal administratif a condamné les neuf requérants qui avaient initié la procédure, qu’ils se soient ou non désistés avant l’audience, à payer 200 euros chacun à la ville de Nogent. Les personnes qui s’étaient simplement associées à la requête n’ont pas été condamnées.

Voici en bref les griefs présentés par les requérants, les réponses de la ville et les conclusions du tribunal.

1° Objet de la requête

L’objectif des requérants était d’annuler deux délibérations votées lors du conseil municipal du 18 octobre 2010, la première concernant l’approbation du bilan de l’enquête publique (condition préalable pour modifier le POS, plan d’occupation des sols), la seconde concernant la déclaration de projet votée lors du conseil municipal du 18 octobre.

La commune demandait le rejet de cette requête, assorti du versement de 1000 euros par requérant.

2° Principaux arguments, contre-arguments et conclusions du tribunal administratif

Concurrence entre les promoteurs
Les requérants : la concurrence entre les opérateurs a été faussée car entre le cahier des charges proposé en 2007 aux opérateurs, et le projet voté en 2010, beaucoup d’éléments ont changé et les caractéristiques du  projet final ne sont plus celles du cahier des charges qui a permis d’éliminer Vinci et Sogeprom au profit d’Eiffage.
Le tribunal considère que la déclaration de projet votée en 2010 et le contrat de programme sont indépendants l’un de l’autre et que “le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’appel d’offres ayant conduit le conseil municipal de Nogent sur Marne à retenir la candidature de la société Eiffage dans le cadre de la procédure du contrat de programme  est sans influence sur la légalité de la délibération litigieuse ” Sur ce point, le tribunal ne répond pas exactement à la question des requérants qui ne mettaient pas en parallèle le contrat de programme  (contrat signé entre Eiffage, la ville et la RATP en avril 2010)  et la déclaration de projet d’octobre 2010, mais le cahier des charges de 2007 et la déclaration de projet de 2010.

Validité de la concertation publique
Les requérants : la consultation a été biaisée par une désinformation des habitants et des conseillers municipaux de la part de la commune, via notamment des communications partiales. Le commissaire enquêteur s’est comporté de manière partiale dans ses conclusions, en relativisant notamment le poids des centaines de pétitions contre le projet.
La ville : la délibération d’une concertation publique est un acte préparatoire qui ne peut faire l’objet d’un recours contentieux, les associations requérantes n’ont pas démontré leur qualité à agir, le public et les conseillers ont été parfaitement informés du projet, la partialité du commissaire enquêteur n’est pas établie.
Réponse des requérants : ils ont agi en leur nom propre et pas au nom d’associations, ils sont légitimes à intervenir en tant que citoyens de la ville
Le Tribunal considère que les informations au public et aux conseillers municipaux n’ont pas été erronées car il y a eu 3 réunions publiques sur le sujet, avant la tenue de l’enquête publique. Il considère que l’absence de dossier financier et d’avis de France Domaine sur l’évaluation du terrain ne rend pas le dossier de l’enquête publique incomplet car la présentation dans le dossier d’une appréciation sommaire des dépenses n’est obligatoire que lorsque le maître d’ouvrage est une personne publique, or, la ville ne peut pas être considérée comme maître d’ouvrage car les terrains vendus par la RATP et le STIF seront revendus le jour-même de leur acquisition par la ville, à l’aménageur Eiffage. Le Tribunal considère par ailleurs que le commissaire enquêteur n’a pas été partial car il a reconnu qu’il y avait eu une très forte mobilisation, a répondu à toutes remarques alors qu’il n’y était pas obligé, et a bien mentionné qu’il y avait eu 463 observations, tout en précisant que 419 émanaient d’un tract distribué par un collectif d’associations.

Dérogations au POS (Plan d’occupation des sols)
Les requérants : les dérogations sont excessives et dénaturent l’esprit du POS.
La ville : le POS n’a pas été modifié mais juste mis en compatibilité avec le projet car celui-ci est d’intérêt général
Le Tribunal estime que la mise en compatibilité du POS  ne modifie par le règlement concernant la soumission des autorisations du sol à l’avis des architectes des bâtiments de France (ABF) et que le projet ne porte pas atteinte ni au pavillon Baltard, ni au Jardin Tropical du Bois de Vincennes avoisinants.

Place Pierre Sémard 
Les requérants : la place Pierre Sémard ne devait pas faire partie du projet initialement, lors du cahier des charges pour l’appel d’offres de 2008,  et elle a été rajoutée après. Elle ne faisait du reste pas partie du contrat de pôle de 2006. La ville a présenté une fausse carte du contrat de pôle de 2006 pour justifier de l’inclusion de la place Pierre Sémard dans le projet.
La ville : La place Pierre Sémard fait partie du périmètre du projet depuis 2006.
Le Tribunal : les allégations concernant l’inauthenticité de la carte présentée par la ville manquent de précision et ne permettent pas au tribunal d’en apprécier le bien fondé. Le tribunal estime en outre que même si la place Pierre Sémard n’était pas incluse dans le projet initial, cela n’avait pas d’incidence sur la validité de la déclaration de projet votée en octobre 2010 car celle-ci était incluse dans le périmètre du projet lors de l’enquête publique de l’été 2010. Le tribunal considère également que l’inclusion de la place Pierre Sémard dans le projet  s’inscrit dans la continuité du projet d’aménagement et qu’elle vise à renforcer l’offre commerciale du quartier et à compléter le parc de logements de la RATP à destination de ses salariés.

Montage financier et densification
Les requérants estiment que le projet en l’état entraîne un surcoût financier au détriment de la commune et que le projet est trop dense en volumes et hauteurs.
Le tribunal rappelle que le projet s’inscrit dans le cadre du Plan de déplacement urbain d’Ile de Franc (PDUIF) qui a identifié la gare RER A de Nogent sur Marne comme un pôle prioritaire, qu’il s’inscrit également dans le cadre de la requalification de l’entrée de la ville “en développant une opération urbaine et durable comprenant un pôle d’affaires créateur d’emplois, en créant des immeubles de logements proches de la gare RER...” Le tribunal considère donc qu’il s’agit d’une opération à caractère d’intérêt général.

Stationnement
Les requérants : le projet ne comporte pas suffisamment de places de stationnement
Le tribunal  indique qu’il n’est pas contesté par les requérants que le parc de stationnement automobile actuel est utilisé à 40 % de sa capacité.

3°Conclusions

Le tribunal conclut que les deux délibérations du conseil municipal d’octobre 2010, celle concernant l’approbation du bilan de l’enquête publique, et celle concernant la déclaration de projet, ne sont pas entachées d’irrégularités, et il rejette la requête. Le tribunal condamne 9 des requérants, ceux qui ont déposé la requête initiale, pas les autres, à verser chacun 200 euros à la commune de Nogent sur Marne.

 

Réactions des requérants : le tribunal administratif est-il professionnel ?

Michel Gilles, mandataire et initiateur de la requête, qui s’est désisté suite au compromis négocié avec la ville cet été :
Michel Gilles est par ailleurs conseiller municipal d’opposition (groupe divers droite Nogent avec vous) et membre du parti local Nogent Démocratie.
Ce jugement pose quelques questions. Pourquoi par exemple punit-il partiellement les requérants ? Surtout, il donne l’impression qu’il n’y a pas eu d’examen du fond du dossier. Les conclusions confondent par exemple grossièrement l’appel d’offres lié au cahier des charges de 2007 avec le contrat de programme de 2010, la carte falsifiée extraite du contrat de pôle de 2006 est également considérée comme un élément non probant par le tribunal pour convenir que la place Pierre Sémard ne faisait pas partie du contrat de pôle de 2006. Ces conclusions interrogent sur le professionnalisme du Tribunal administratif. Le tribunal fait-il du droit ? Est-ce un problème de compétence ou une forme de partialité ? Il est vrai que les tribunaux administratifs sont confrontés à une inflation de recours.  Il y a en tout cas matière à faire appel mais cela dépendra du souhait des autres requérants.”

Nicolas Mauduit, parmi les requérants initiaux. Ne s’est pas désisté.
Nicolas Mauduit est par ailleurs président de l’Association des contribuables nogentais (ADCN)
Je pense que le désistement  de plusieurs requérants quelques jours avant l’audience a agacé la justice. Concernant les conclusions du jugement, les arguments me semblent légers. Je réfléchis à la possibilité d’un pourvoi en appel car je crois de plus en plus que l’étape de justice “sérieuse” ne se situe pas au niveau du tribunal administratif. Toutefois, je dois auparavant évaluer plus précisément les chances de gagner en m’entourant de professionnels et je n’ai donc pas encore pris ma décision.

William Geib, parmi les requérants initiaux qui se sont désistés avant l’audience
William Geib est par ailleurs tête de la liste d’opposition socialiste au sein du conseil municipal
Je me rends compte que les recours juridiques, malgré des dossiers longuement étayés, sont systématiquement rejetés sans que n’aient vraiment été étudiées les requêtes sur le fond. C’est un peu décourageant. Je n’ai pas l’intention de faire appel car je crois que cela reviendrait encore plus cher en avocats et il y a risque que l’instance suivante inflige une amende plus importante. Je considère que cette amende sera une petite prime supplémentaire à ma taxe d’habitation !

Jacques JP Martin, maire de la ville.
“Je suis surpris que pour certains des requérants, les décisions du Tribunal Administratif soient justifiées lorsqu’elles vont dans le sens de leur recours et qu’elles soient partiales lorsqu’elles sont contraires à leurs attentes. Personnellement, je ne commente jamais les décisions de justice. Je trouve déplacée la question que pose l’un des protagonistes : ‘ le Tribunal fait-il du droit ?’ Mais je ne me priverai pas de dire que lorsqu’on essaie d’instrumentaliser la justice pour des raisons qui relèvent d’une contestation purement politique, il ne faut pas jouer les étonnés lorsque le Tribunal Administratif rend un jugement argumenté et professionnel sur le fond et non sur la forme, (contrairement à ce que disent les requérants). Il est temps de tourner la page de cette histoire et de regarder où se trouvent les intérêts des Nogentais et de leur ville.

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