Le 26 août 2012, une circulaire interministérielle a réaffirmé le principe d’une application des décisions de justice concernant l’évacuation des campements illicites, tout en l’assortissant de mesures d’accompagnement (diagnostic social, de santé, aide au logement…). Deux mois après, comment cette circulaire arrive-t-elle à s’appliquer sur le terrain ? Témoignages dans le Val de Marne.
Dans le département, deux campements ont fait l’objet d’une évacuation depuis la circulaire du 26 août, celui de Créteil l’Echat (une soixantaine de personnes) le 30 août et celui de Villeneuve le Roi (une centaine de personnes) le 10 septembre. A Sucy en Brie, un immense campement d’environ 800 personnes qui devait être évacué le 15 septembre s’est en revanche vu déserté spontanément de ses habitants quelques jours avant cette date.
Un retour d’expérience qui varie d’une ville à l’autre
“Nous appliquons la circulaire, indique Patrick Dallennes, directeur de cabinet du préfet du Val de Marne. Les deux évacuations (Créteil l’Echat et Villeneuve le Roi) qui ont été effectuées depuis sa publication ont été précédées d’un diagnostic du Samu social faisant un état du suivi médical des personnes, de leur âge, de la situation de scolarisation des enfants… Les difficultés que nous rencontrons dépendent de la volonté réelle des habitants de s’intégrer dans la société française en respectant les lois de la république, concernant par exemple la scolarisation des enfants. Il est aussi plus facile de trouver des solutions lorsque nous avons face à nous des comités de suivi organisés (ndlr : associations ou riverains qui aident et suivent régulièrement les habitants d’un campement, parfois épaulés par des élus) car cela inscrit les habitants dans un parcours d’intégration. A Créteil, nous avons eu trois réunions de travail avec le comité de suivi, et, deux mois après l’évacuation, nous savons exactement ce que sont devenus les anciens habitants du campement. Les enfants sont scolarisés et des solutions de relogement sont à l’étude avec la ville de Créteil et le Conseil général. Nous n’avons pas pu avoir le même suivi à Villeneuve le Roi où seules 40 personnes se sont présentées alors que nous avions réservé 121 places à l’hôtel.”
L’impossible équation du relogement
“L’application de la nouvelle circulaire a permis des évacuations plus en douceur, d’autant qu’il y avait sur place élus et caméramen, mais cela reste surtout de l’enrobage, estime pour sa part Joël Rosso, membre de l’association Romeurope et du comité de suivi des Roms de Villeneuve le Roi. Concrètement, les gens du 115 (Samu Social) n’ont pas les moyens de réaliser un véritable audit social car ils sont déjà complètement débordés. Concernant le relogement, les habitants du terrain de Villeneuve le Roi se sont vus remettre des bouts de papier avec des adresses d’hôtel mais certains se sont révélés introuvables tandis que d’autres hôteliers, qui ne s’attendaient pas à recevoir ce type de population, leur ont demandé de partir quelques jours plus tard. En outre, ces hôtels étaient très éloignés, en Seine Saint Denis et dans le Val d’Oise, et l’installation dans les chambres ne permettait pas aux personnes de pouvoir faire la cuisine. Au final, les quelques familles qui y étaient allées en sont reparties très rapidement et pour nous, il est devenu très difficile d’effectuer un suivi. Nous savons que plusieurs d’entre elles se sont installées à Champs sur Marne qui accueille désormais trois campements dont l’un a vu affluer pas mal de personnes issues du grand terrain de Sucy en Brie. La politique de la patate chaude qui conduit à des déménagements de terrain en terrain se poursuit donc alors que le problème ne serait pas si ingérable si l’on laissait travailler les gens en leur reconnaissant le droit commun de tout citoyen européen. Ces familles ne demandent qu’à s’intégrer et envoyer leurs enfants à l’école. Mais pour cela, il faut leur laisser du temps.
“C’est vrai que certains hôtels sont éloignés mais l’on fait ce que l’on peut, pointe Patrick Dallennes. Il est difficile de trouver des établissements qui acceptent. A Villejuif, nous travaillons en partenariat avec le GIP HIS (Groupement d’Intérêt public habitat et interventions sociales) pour étudier les solutions de relogement.”
D’autres évacuations devraient intervenir dans les mois qui viennent, comme à Créteil ou à Villejuif . “Nous avons déjà eu une réunion avec la préfecture, indique Laurent Godin, membre de Romeurope et du comité de suivi du campement de Créteil Mondor qui accueille entre 150 et 200 personnes. Nous attendons la prochaine réunion mais il nous été expliqué qu’il serait plus difficile de trouver des solutions de relogements pendant la période d’hiver car il y a déjà de nombreuses demandes.”
En parallèle, les associations réclament un gel des expulsions pendant cette période, à l’instar des expulsions locatives. “Il y a déjà eu une décision de justice en ce sens au TGI de Nantes, nous espérons que cela fera jurisprudence politique“, reprend Joël Josso.
Symbole de bonne pratique, le village de Roms installé à Orly depuis fin 2011 avec le soutien financier de l’Union européenne, le Conseil général et la ville d’Orly, a pour sa part été primé par l’Europe ce mois-ci, et une visite du secrétaire général de la préfecture, Christian Rock, est même prévue sur place la semaine prochaine.
Voir aussi enquête sur les Roms dans le Val de Marne : réponses politiques et actions concrètes et les autres articles parus sur ce sujet.
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