Entreprises | | 16/09/2012
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Victoire juridique pour le Laguiole made in Val de Marne

Victoire juridique pour le Laguiole made in Val de Marne

L’affaire qui oppose la petite ville de Laguiole réputée pour son fromage et… ses couteaux et Gilbert Szajner, fondateur de Laguiole Licences SAS basée à de Saint-Maur des Fossés, vient de connaître un nouveau rebondissement. En attendant la décision de faire appel de la ville de l’Aveyron et l’évolution de la législation concernant les indications géographiques protégées (IGP), l’entreprise val de marnaise a remporté une seconde victoire juridique ce vendredi 15 septembre. Explications.

C’est l’histoire d’un entrepreneur inventif, Gilbert Szajner, qui après avoir fait ses armes chez Lafarge et créé sa propre entreprise spécialisée dans la céramique, souhaite développer une gamme de couteaux à lame céramique en s’associant à un produit français existant. Mais à l’époque, les couteaux en céramique ne sont pas encore à la mode en France. Si l’étude préliminaire du chef d’entreprise n’aboutit pas à un partenariat avec un fabricant local, elle lui permet en revanche de réaliser le vide juridique dans lequel flotte la marque Laguiole, que le village ou une association de fabricants locaux n’ont pas protégée en la déposant à l’INPI. A partir de 1993, il dépose donc avec sa famille la marque dans de nombreuses catégories, pas seulement dans la classe 8 qui concerne notamment les couteaux, mais aussi dans d’autres segments variés, des outils de jardin au textile en passant par les stylos.

Choquée par cette appropriation, la commune de Laguiole, certaine d’avoir le droit de son côté, ne négocie pas à l’amiable avec l’entrepreneur et perd un premier procès en 1999. Le tribunal juge néanmoins à l’époque que le nom de Laguiole concernant les couteaux est un terme générique qui n’appartient à personne, ni à la commune ni à l’entreprise, car il y a déjà plus d’une centaine de fabricants de Laguiole en France, dont beaucoup ne sont pas installés à Laguiole mais du côté de Thiers, important site de coutellerie. L’entreprise de Gilbert Szajner ne peut donc prétendre avoir le monopole de la marque Laguiole sur les couteaux, non plus que la commune de Laguiole. En dehors de couteaux, c’est en revanche le premier qui a pensé à valoriser ce nom et le déposer qui est considéré comme légitime, à savoir l’entreprise Laguiole Licences. De quoi monnayer des licences sur des gammes d’accessoires de plus en plus diversifiées au grand dam du village de l’Aubrac.

En 2010, la commune tente un nouveau procès, invoquant l’instrumentalisation du nom de Laguiole pour induire en erreur les consommateurs sur l’origine des produits et accusant l’entreprise Laguiole Licences de “parasitisme” économique pour la ville. Des motifs rejetés par la Tribunal de Grande Instance de Paris ce vendredi 15 septembre, faisant valoir qu’il n’y a pas d’atteinte à la renommée de la commune, une étude de notoriété ayant indiqué qu’une majorité de Français ne connaissent pas l’existence de cette ville, qu’en outre le manque à gagner économique n’est pas prouvé. Les couteaux Laguiole ne sont en effet pas l’apanage de la commune de Laguiole. Au terme de ce procès, c’est du coup la commune de Laguiole qui devra verser 50 000 € à l’entreprise saint-maurienne. (Voir l’arrêt du Tribunal)

Un coup dur pour cette bourgade de 1300 habitants déjà financièrement impactée par l’affaire en raison du précédent procès perdu, et dont le budget n’est pas celui d’une grande ville. Elle devrait décider lors du Conseil municipal qui doit se tenir ce lundi 17 septembre, si elle fait ou non appel.

La situation pourrait aussi évoluer avec la législation. Un projet de loi sur la protection des consommateurs, actuellement en cours de navette au parlement (rejeté en seconde lecture à l’Assemblée nationale), étend les indications géographiques protégées (IGP) aux produits manufacturés alors qu’elles ne concernent actuellement que les produits alimentaires, et permet aux collectivités territoriales d’être informées lorsqu’une marque est déposée avec leur nom.

Qui est légitime pour s’approprier le bénéfice des produits dérivés du nom Laguiole? La petite commune de Laguiole car elle porte ce nom ? Les fabriques de coutellerie situées pour certaines à Laguiole mais pour beaucoup à Thiers et désormais aussi bien au-delà, qui souhaiteraient se diversifier ? L’entreprise saint-maurienne qui a eu l’idée en premier de déposer le nom et d’en tirer largement profit ? Cette affaire complexe est en tout cas devenue un cas d’école.

(Mise à jour avril 2014 : la commune a fait appel mais la Cour d’appel de Paris a à nouveau débouté celle-ci dans un jugement rendu le 4 avril 2014)

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