Alors que le MIN de Rungis vient de fêter les quarante ans de la venue de ses viandards, les bouchers se font de plus en plus rares en ville et chaque départ à la retraite peine à trouver son successeur. Reportage dans le Val de Marne.
Première raison de cette désaffection selon les bouchers : la dureté du métier. «Les horaires sont difficiles. Je me lève à 5h du matin. Il faut travailler le samedi, et certaines boucheries ouvrent même le dimanche», indique Thierry Pitet, boucher au Kremlin-Bicêtre. «Je me lève deux fois par semaine à trois heures pour être à Rungis à quatre heures. La préparation de l’étalage des vitrines prend également du temps», confirme Nicolas, boucher à Saint-Mandé. Des horaires trop contraignants. «Les jeunes tiennent trop à leurs sorties et leurs week-ends», pointe Jafar, boucher dans l’épicerie « Casher Shop » de Saint-Maur.
Problème d’image
Les bouchers ressentent également leur profession comme dévalorisée. «Aujourd’hui, les parents poussent leurs enfants à faire de longues études, et puis l’image du boucher est dégradante culturellement», constate Nicolas. «On nous envoie parfois des jeunes parce qu’ils sont en échec scolaire, ils se rabattent sur la boucherie en désespoir de cause, mais lorsqu’ils ne sont pas motivés, ce n’est pas la peine», regrette Thierry. «Le peu de jeunes intéressés par ce secteur veulent souvent travailler pour les traiteurs. Seuls ceux qui ont grandi dans la boucherie, et pour qui c’est une passion, sont prêts à reprendre le flambeau car la profession pâtit d’une image négative : un métier physique et salissant, aux horaires particulier», résume Jafar.
Changement d’habitudes de consommation et crise
Au-delà de la crise des vocations, les changements d’habitude de consommation ont contribué à la constante diminution des boucheries depuis des années, et la crise économique actuelle ne contribue pas à inverser la tendance. «Les clients achètent de moins en moins ce qui nécessite un certain temps de cuisine. Ils préfèrent ce qui est plus rapide à préparer», remarque Thierry. Mais pour ce qui est du prêt à consommer, les grandes surfaces, et les enseignes qui proposent des produits surgelés ou déjà cuisinés sont mieux positionnées, comme le relève Pierre, boucher à Saint-Mandé. «La crise a causé une perte de 30 à 40% de mon chiffre d’affaire», pointe aussi Didier, responsable de la Boucherie Patrick à Créteil. «Les loyers de ce centre commercial sont tellement chers que les commerçants désertent peu à peu les lieux…et les clients avec ! Sans parler du prix d’achat de la viande hallal… », relève de son côté Saïd, propriétaire de la Boucherie du centre à Boissy-Saint-Léger.
Pourtant, la profession ne connaît pas le chômage. «Il n’y a qu’à regarder les annonces par dizaine dans les journaux» s’exclame Nicolas, en quête de personnel. Et le métier est plutôt correctement payé, autour de 1500 euros net pour commencer et nettement plus par la suite, apprécient les commerçants interrogés. Plus récemment, la tendance du bio et la mode des émissions de cuisine à la TV ont aussi un peu redoré le blason de la profession. De quoi convaincre certains. Matthieu, jeune boucher de la très chic boucherie du Théâtre à Saint-Maur, est l’un de ces rares jeunes que le métier a attiré sur le tard. «J’étais diplômé d’une licence dans le commerce, mais le chômage et une opportunité immanquable m’ont amené vers la boucherie. Aujourd’hui, je ne compte pas mes heures mais je gagne près de 2800 euros par mois. Quant au chômage, je ne me pose même plus la question… ».
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