En proie à une crise sociale d’ampleur entre sa direction, les syndicats et la Commission médicale d’établissement (CME), et confrontée à un déficit budgétaire préoccupant, l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud, qui prend chaque année en charge 21 000 patients des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne, a fait cet été l’objet d’une enquête de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) pour identifier les causes de cette crise et proposer des solutions. Son rapport a été rendu la semaine dernière, qui confirme la crise,
impute à chaque partie une part de responsabilité et préconise des mesures de réorganisation avec le soutien d’une mission conseil de l’ARS.
Le défi de la relocalisation des secteurs du 92
Le rapport dresse en préambule un tableau de la situation financière et organisationnelle de l’établissement. Il pointe le fait que l’hôpital psychiatrique, qui couvre une partie de la population du Val de Marne et une partie de celle des Hauts-de-Seine, n’a pas achevé son réaménagement immobilier pour rapprocher ses sites de soins de ses populations. Si une partie des services dédiés aux habitants des Hauts de Seine a bien déménagé à Clamart, trois secteurs du 92 sont encore hébergés sur le site de Villejuif, ce qui complique la vie des patients et du personnel qui fait la navette entre l’hôpital de Villejuif et les structures extra-hospitalières situées dans les Hauts de Seine. La poursuite de ce transfert sur un site qui avait été identifié par la direction n’a pu se faire faute d’accord en interne, syndicats et CME en contestant le coût.
Crise budgétaire
Le rapport pointe en effet la situation budgétaire fragile de l’établissement depuis 2012 et impute ce déficit à des recrutements excessifs en 2012. Il reconnaît les mesures correctives prises en 2013 comme la réduction du recours à l’intérim et aux heures supplémentaires mais considère qu’elles ne suffiront pas à revenir à l’équilibre.
En termes d’organisation, le rapport remet en question le bien-fondé d’une direction de la communication à part entière, dont il estime les résultats contre-productifs. Il préconise également plus de rigueur dans la gestion des ressources humaines, notant que l’accord local sur le temps de travail propose actuellement 27 jours de RTT par an, et pointe un recours excessifs aux heures supplémentaires.
Partage des torts dans la crise sociale
Concernant les dissensions internes, le rapport considère que les orientations stratégiques de l’établissement (notamment la réorganisation en pôles chapeautant un plusieurs secteurs) ont été insuffisamment définies et partagées, ce qui a conduit à une perte de repère des personnels, ceci bien que le projet d’établissement ait été validé en 2012.
Le rapport impute également la dégradation des relations, accélérée à partir de 2012, par les désaccords portant sur le schéma directeur immobilier (relocalisation de secteurs 92 envisagée sur un site considéré comme trop onéreux dans le 92), la politique de communication (jugée excessive par les syndicats et la CME) et les mesures d’économies.
Le rapport constate par ailleurs que le mauvais climat social est endémique à l’établissement, au-delà de ses directions successives, toutes confrontées à des revendications syndicales «s’exerçant dans des conditions qui dépassent l’acceptable, prenant la forme de manifestations violentes et de diffusion de tracts au caractère polémique très marqué». Sur le fond, le rapport se demande même si l’intensité des désaccords entre le président de la CME, les syndicats et la direction ne s’expliquent pas par une «rivalité entre chaque camp pour assurer l’entièreté du pouvoir sur l’établissement.»
Face à ces dissensions, l’IGAS considère la position du président du Conseil de surveillance, incarné par un élu du Conseil général, comme trop hésitante, à la fois attaché à sa proximité avec les représentants du personnel et apportant son soutien au directeur. L’IGAS estime également que l’ARS (Agence régionale de santé) n’a pas joué son rôle et aurait dû accompagner l’hôpital dans sa quête de relocalisation immobilière des secteurs 92.
Nouvelle gouvernance, schéma immobilier, réduction des coûts et appui de l’ARS
En conclusion, le rapport de l’IGAS préconise une nouvelle feuille de route, sans remettre en question le directeur actuel, dont il estime qu’il a respecté les objectifs qui lui avaient été assignés lors de sa nomination en 2009. Il recommande en revanche le renfort d’une mission de conseil composée de deux professionnels expérimentés, auprès de l’ARS, afin de s’assurer de manière impartiale du respect des engagements du directeur comme du président de la CME pour retrouver un pilotage normal de l’établissement. Cette mission d’appui et de conseil portera sur l’élaboration des orientations stratégiques, du schéma directeur immobilier et d’un accord de gouvernance. Le rapport insiste aussi sur la nécessité de diminuer les dépenses excessives pointées dans le recours aux prestations extérieures, aux heures supplémentaires, à la communication et de mettre en œuvre un plan de retour à l’équilibre budgétaire.
Réactions au rapport de l’IGAS
Le directeur de l’hôpital, Henri Poinsignon, exprime le souhait «que l’établissement retrouve, grâce à la mise en œuvre des préconisations de ce rapport, les conditions de la sérénité et de l’efficacité dans son fonctionnement.»
De son côté, le syndicat Sud Santé, s’il partage l’analyse de l’IGAS sur certains points, notamment les dépenses excessives et les remarques sur le schéma directeur immobilier, considère le rapport comme trop indulgent par rapport aux choix de gestion qui ont été menés et s’alarme des remèdes préconisés par l’IGAS, à commencer par la possible remise en cause l’accord sur les RTT, l’une des questions qui opposent justement les syndicats à la direction : «Les sources principales d’économies devraient en effet être supportées par le personnel par le truchement de la remise en cause de l’accord RTT et par une attaque en règle contre le déroulement de carrière des agents. Si c’est ainsi qu’ils recherchent l’apaisement, le personnel de Paul Guiraud risque de les surprendre !! Comment pourrions-nous accepter en effet que les équipes qui ont travaillé pendant des années en sous-effectif, permettant ainsi de constituer des excédents budgétaires et qui ont largement participé au financement des investissements importants de l’hôpital, puissent à nouveau être mises à contribution ? Comment pourrions accepter de payer les frasques d’une direction qui s’est régalée au château de la légion d’honneur, qui a enrichi les avocats, les boites de com, les coachs, scénographes… et autres prestataires inutiles, alors que les personnels se consacraient sans compter et dans les pires conditions d’exercice, à soulager la souffrance des patients qui se confiaient à eux ? Les pouvoirs publics avaient annoncé écoute et apaisement au travers de cette mission IGAS sur notre groupe hospitalier. Il en ressort bien au contraire un programme fortement restructurant dont soignants et soignés sont appelés à subir les sévères conséquences», prévient le communiqué du syndicat.
Dans l’immédiat, le rapport ne semble donc pas tout à fait avoir apaisé les mœurs. En témoigne l’assignation en référé (audience le 7 janvier) de la direction de l’hôpital par le CHSCT (Comité hygiène et sécurité des conditions de travail) de l’établissement à propos de l’audit social réclamée par le CHSCT en août. La direction qui s’était opposée au recours à un cabinet extérieur, jugé trop onéreux, a en effet perdu en justice, fait appel de la décision et n’a pas encore lancé l’audit.
Fin octobre, l’hôpital avait publié les résultats de son enquête sociale interne (voir article).
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