Ils sont neuf dans le Val-de-Marne, tous bénévoles. Les délégués du Défenseur des droits, incarné au niveau national par Dominique Baudis, reçoivent les citoyens au bout du rouleau administratif, épuisés de se heurter à un serveur téléphonique ou une plate-forme de contact anonyme sur Internet pour expliquer une situation qui ne rentre pas dans les cases ou tenter de démontrer une erreur en leur défaveur.
Parfois, ces citoyens perdus n’ont pas raison, parfois, ils n’ont pas frappé à la bonne porte car leur problème ne relève d’un problème avec l’administration, d’une question relative à la discrimination ou aux droits de l’enfant. Mais toujours, les délégués écoutent, aiguillent, expliquent. «J’écoute et je fais beaucoup de pédagogie. Nous avons avant tout un rôle humain », témoigne Christian Gimel qui tient permanence au point d’accès aux droits de Fontenay-sous-Bois, à l’occasion d’une conférence de presse destinée à rendre compte de l’activité des délégués du Val-de-Marne.
En 2012, les neuf délégués du Val de Marne ont reçu 1700 personnes. Près de 90% des demandes concernaient les relations avec les services publics, avec, spécificité de ce département de proche couronne parisienne, une fréquence plus importante des litiges liés au séjour des étrangers qui ont concerné 13% des dossiers, le double de la moyenne nationale.
Concernant les relations avec les services publics, 339 affaires ont donné lieu à une médiation dont 70% ont eu un dénouement favorable. C’est l’histoire de cette jeune femme, gérante en prête-nom d’un amant peu scrupuleux qui l’a laissée encaisser seule la faillite de l’entreprise et les dettes qui vont avec, se retrouvant seule avec un enfant à charge au RSA pour éponger 150 000 euros. Pas de baguette magique. Le médiateur n’a pas effacé l’ardoise, mais il a pu plaider l’indigence auprès du Trésor et obtenir l’étalement de sa dette à raison de cinquante euros par mois. C’est l’histoire aussi d’une mère de famille, cadre supérieur dans une entreprise, qui en revenant de son troisième congé maternité s’est vue mise au placard.
Parfois, la situation est moins dramatique, comme cette femme mariée dont le titre de séjour stipulait qu’elle était veuve… au grand dam de son époux ! A la prison de Fresnes, c’est encore autre chose. «Un tiers des personnes ont un litige avec l’administration pénitentiaire, les autres, avec les administrations, la Caisse d’allocations familiales, la Sécurité sociale… », explique Alain Daboval qui y tient une permanence.
Pas question d’être angélique non plus. Il arrive que la victime ne soit pas celle que l’on pense, comme l’a constaté Liliane Giraud, alors qu’une personne tentait d’usurper l’identité d’une autre à la CAF en se faisant passer elle-même pour une victime d’usurpation d’identité…
Du cas concret à l’inflexion législative
Pour résoudre les problèmes, les délégués plongent dans les dossiers, identifient leur logique, aident à récupérer les papiers qu’il faut, contactent directement des référents dans chaque administration pour tenter de débloquer directement les problèmes, renvoient au siège du Défenseur des droits lorsque le dossier est trop lourd, remettent de l’huile dans les rouages. «Nous jouons un rôle de dégrippant de la société», résume du reste Louis Trujillo, coordonnateur départemental des délégués.
Au-delà du traitement individuel des dossiers, ces médiateurs rencontrent aussi de temps en temps leurs référents de telle ou telle administration pour faire le point, pointer des dysfonctionnements. L’information remonte aussi au Défenseur des droits qui peut faire des propositions pour améliorer la loi. A partir de cas traités sur le terrain, c’est ainsi parfois la législation qui se transforme, comme cela a été le cas avec le libellé des contraventions automobiles pour distinguer le paiement de l’amende et d’une consignation (permettant de contester le PV).
«Cela fait plaisir, c’est gratifiant d’aider les gens sur le terrain, d’apprendre en permanence en rencontrant de nouvelle situations, et de voir que parfois on peut faire évoluer la loi», témoigne Dalila Nemiri (photo ci-dessus), trentenaire qui s’investit dans cette mission, par «goût du service public», depuis déjà onze ans, tout en travaillant par ailleurs. «C’est important de continuer à s’investir. On fait cela pour les autres et cela nous apporte aussi de nous rendre utile et de nous retrouver entre nous pour partager sur notre activité. Même si l’on ne peut pas tout régler, car il y a la situation triste, et il y a le droit», ajoute Chantal Kanelopoulo, jeune retraitée qui tient permanence à l’accès aux droits de Valenton et Villejuif.
Auparavant, ces délégués s’occupaient soit de la médiation avec les services publics, soit de la question des droits de l’enfant, soit des discriminations, jusqu’à ce qu’il y a deux ans, la Halde (haute autorité de lutte contre les discriminations), la Défenseure des enfants et le Médiateur de la République ne soient réunis au niveau national au sein d’une même entité, le Défenseur des droits. Sur le terrain, les neuf délégués sont désormais polyvalents même s’ils peuvent se repasser des dossiers en fonction de leurs compétences.
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