Sénatrice écologiste du Val-de-Marne, Esther Benbassa a fait abroger le délit de racolage des prostituées au Sénat au printemps dernier et conteste l’actuel projet de loi de pénalisation des clients, considérant qu’il n’améliorera pas les droits des personnes prostituées. Pour autant, l’élue dénonce dans un communiqué le manifeste des “343 salauds” publié sur le magazine en ligne Causeur par dix-neuf personnalités, allant de Frédéric Beigbeider à Eric Zemmour, défendant leur droit d’aller aux putes en reprenant les termes du manifeste des “343 salopes” lancé par Simone de Beauvoir en 1971 pour défendre le droit à l’avortement.
“D’abord, parce que la référence au manifeste initié par Simone de Beauvoir en 1971 n’est pas acceptable. Ces femmes défendaient le droit à l’avortement qui était alors un crime et qui coûtait, chaque année, la vie à des centaines d’entre elles. Le détournement du slogan de SOS racisme “touche pas à mon pote”, dénonçant le racisme et promouvant l’égalité des droits, en “touche pas à ma pute” qui fait l’apologie de la “consommation” personnelle, est également indigne“, pose la sénatrice.
“Ensuite, parce qu’il est indécent de revendiquer un droit au recours à la prostitution quand tant de femmes y sont contraintes par des réseaux de proxénètes et quand elles se battent pour leurs droits.
Enfin, parce que c’est aux personnes prostituées qu’il faut donner la parole et non à quelques individus en mal de provocation“, conclut Esther Benbassa.
La mobilisation politique pour l’abolition de la prostitution pose question
Au delà des grands principes, il semble souhaitable d’avoir un regard technique et pragmatique sur cette proposition de loi :
D’une part, vendre son corps à un employeur est la norme : chacun vend son temps, sa fatigue, son apparence, ses muscles, son cerveau… Travailler peut même conduire à la mort pour les métiers à risque comme pour les policiers, les soldats, les pompiers, les métiers du bâtiment, le personnel médical et para-médical par contamination, les ouvriers par épuisement, le personnel du tertiaire par suicide…
La soumission et l’humiliation au travail est également la norme : l’employeur règle jusqu’à notre réveil, mais également par conséquent notre heure de couché, car il faut se lever tôt, être en forme toute la semaine. Partir en vacances aux même dates que son conjoint nécessite toute une stratégie de séduction. Obéir à un petit chef éventuellement hargneux et injuste fait parti du boulot, fermer sa gueule est un impératif, se soumettre à des protocoles et des procédures niant notre savoir-faire et notre expérience est quotidien, enfin, il faut parfois implorer pour aller aux toilettes.
Mais proposer des rapports sexuels tarifés dans notre société est considéré comme davantage humiliant, car l’acte d’accouplement reste relié à une notion procréatrice « sacrée » issue du religieux. Actuellement, la pensée dominante occidentale considère l’acte sexuel comme un moment joyeux libre et gratuit, preuve d’amour pour le partenaire. Encore que les hédonistes le considèrent simplement comme un loisir récréatif, tandis que les supporters du mariages de « raison » (dans lesquels il s’agit simplement de se vendre à vie) sont encore d’actualité,.
Mais en toute logique, les prostituées sont traitées plus bas que terre, le terme putain est même une insulte.
Ce projet d’abolition de la prostitution est adossé à cette représentation de la prostituée qui serait la lie de l’humanité. L’argumentaire souvent employé « tu ne voudrais pas ça pour ta fille », s’appuie sur cette image négative.
Le STRASS qui est un syndicat de travailleu-rs-ses du sexe, lui, réclame une légitimité, un encadrement législatif de la prostitution. Le STRASS souhaite ainsi desserrer l’emprise de la Mafia, la toute puissance des clients, et la stigmatisation.
Mais la société bien pensante veut abolir la prostitution pour le bien des prostituées.
Pour quel résultat ?
Afin de déclarer cette « chose sale » illégale, l’état après avoir taxé les les prostituées souhaitent pénaliser les clients. L’argument serait « sans client plus de prostitution ». Mais il est aisé de constater qu’il n’existe pas de prostitution dans les petites villes, notamment en province, est-ce par manque de clients potentiels ou par absence de prostituées ?
A partir de là, pourquoi ne pas envisager un axe radicalement différent : abolissons la prostitution pour ceux et celles qui y sont contraint(es) par force ou par nécessité économique. Dans ce cadre, un effort gigantesque en terme d’accompagnement social des prostituée(es) est nécessaire. Bien que cet effort soit présent dans la proposition de loi, les travailleurs sociaux vous diront, qu’il est bien difficile d’accompagner des personnes dans l’illégalité car l’emprise mafieuse y trouve naturellement son lit.
Par conséquent, les groupes politiques seraient aviser d’évaluer avec davantage de pragmatisme la logique des « grands principes » et surtout les conséquences contre-productives qui peuvent en découler.
Un des arguments des abolitionnistes est de lutter contre la forme d’esclavage humain qui se nomme proxénétisme. Par conséquence, il s’agit donc d’un constat d’échec des lois précédentes interdisant le proxénétisme. Donc, manifestement les députés ne parviennent pas à faire appliquer la loi par l’ état, mais paradoxalement, n’écoutant que leur grandeur d’âme veulent en ajouter une nouvelle !!
De la même façon, l’usage et la vente de stupéfiants sont interdits et l’on compte officiellement plus de 14 millions d’expérimentateurs par an et 1,2 million d’usagers réguliers… La loi n’est donc pas toute puissante, les moyens dégagés pour la faire appliquer sont en question, mais également les résultats sur le terrain.
Les états majors politiques font rarement preuve de naïveté, et il est navrant que ce projet de loi arrive à point nommé avant les municipales, qu’il pourrait reprendre une partie des électeurs « vertueux » que le « mariage pour tous » a fait fuir.
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