La 35ème édition du festival Films de femmes lève son rideau ce vendredi 22 mars pour dix jours. Fondatrice et directrice de l’évènement, Jackie Buet revient sur la lutte qu’elle mène depuis toutes ces années pour l’égalité des femmes dans le milieu du cinéma.
Qu’est-ce qui vous a menée à la création de ce festival ?
Cet évènement a deux profondes racines. D’une part, mon goût pour la culture et plus particulièrement les images. De l’autre, mon engagement dans la lutte pour l’égalité des droits. J’appartiens à la génération des féministes du milieu des années 70 et j’ai beaucoup manifesté. Avec Elisabeth Tréad, nous avons eu envie de mettre le public le plus large en contact avec le cinéma fait par les femmes. C’est dans cette optique que nous avons créé le festival.
Quelles évolutions avez-vous constaté ces 35 dernières années quant au rôle des femmes dans le cinéma ?
D’une part, j’ai été très étonnée de voir que la reconnaissance des réalisatrices dans le milieu du cinéma se faisait attendre. De manière sans doute un peu idéaliste, j’ai cru que ce festival leur donnerait une visibilité assez large pour faire entendre leur voix. Malheureusement ce ne fut et ce n’est toujours pas le cas. Le cinéma est organisé en réseaux masculins au sein desquels il reste très difficile de se faire une place.
Qu’en est-il du contenu des productions féminines ?
Au départ, c’est-à-dire dans les années 70, le cinéma des femmes se caractérisait par la révélation de sujets tabous et intimement liés au sort des femmes : inceste, violence conjugale, viol… Mais, à la différence des réalisateurs, leurs productions n’allaient jamais dans le spectaculaire. Au contraire, elles privilégiaient la conscience du non-dit et de l’interdit par des mises en scène plus intimistes. D’autre part, elles interrogeaient aussi beaucoup la hiérarchisation des images. Ainsi, Chantal Akerman a provoqué un véritable séisme dans le milieu cinématographique lorsqu’elle a montré l’actrice Delphine Seyrig éplucher des pommes de terre en temps réel dans Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080, Bruxelles (1976). Cela ne correspondait pas aux conventions iconographiques de l’époque.
Plus tard, les femmes ont élargi leur champ d’investigation, s’emparant par exemple du genre de la comédie. Dans 3 hommes et un couffin (1985), la réalisatrice Coline Serreau traite de manière humoristique les thèmes de la paternité, de la virilité et de la responsabilité. Plus récemment, les films de femmes questionnent des sujets davantage sociaux, sociétaux et politiques.
Quels sont les grands thèmes de cette édition 2013 ?
D’un côté nous présentons une section consacrée aux pays de l’Est intitulée “Europe extrême”. Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Pologne ou encore Ukraine sont riches de productions qu’il est nécessaire de montrer au public. La grande partie des films de cette section prend la forme de documentaire : moins onéreux, il est aussi plus facile pour les femmes sans formation en école de cinéma de s’en emparer. L’autre grande section de cette 35ème édition concerne “Les Bonnes, remue-ménage”. La sélection de films a pour ambition de montrer tous les aspects du travail domestique, salarié ou au foyer, à travers l’image si répandue de la femme de ménage.
Selon vous, en quoi le cinéma peut-il être un vecteur de l’égalité des droits ?
Les images ont un rôle prépondérant dans la formation d’un individu. Elles font l’objet d’une identification vis à vis des personnages. Il est donc nécessaire de changer les stéréotypes et la hiérarchie des images, et montrer la diversité des statuts et des rôles, qu’ils soient masculins ou féminins. Dans le même objectif, je souhaite que le public de cinéma adopte une lecture plus active des films. Nous tentons d’expliquer et de discuter ces codes avec les scolaires. Cette année, nous organisons d’ailleurs un colloque autour de la problématique “Genre et cinéma” (lundi 25 mars). Le festival marque depuis 35 ans l’évolution du cinéma féminin et démontre chaque fois que, malgré tous les progrès en matière d’égalité des droits, rien n’est encore acquis.
Festival Films de femmes, du 22 au 31 mars
Maison des Arts et de la Culture, place Salvador Allende, 94000 Créteil
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