Culture | | 20/04/2013
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La Manufacture des Œillets à Ivry, un héritage américain

La Manufacture des Œillets à Ivry, un héritage américain

Manufacture des Oeillets 2-Briques rouges et baies vitrées : plutôt atypique pour une façade ivryenne. A l’intérieur de ce bâtiment singulier, la canopée urbaine est à portée de regard. Aujourd’hui centenaire, l’ancienne manufacture des œillets d’Ivry sur Seine accueille un centre d’art contemporain (le Crédac) et une école, l’EPSAA, qui forme graphistes et architectes. Une nouvelle vie dans la logique de l’esprit avant-gardiste qui a guidé sa construction.

Un passé industriel

En 1913 commencent rue Raspail à Ivry des travaux qui vont considérablement modifier la topographie du lieu. Ils sont le fruit de l’architecte français Paul Sée, chargé d’agrandir ce que l’on appelle déjà à cette époque la « Manufacture des Œillets ». En 1905, le site érigé quinze ans plutôt par Charles Bac pour la production d’œillets métalliques a été racheté par United Shoe, firme américaine qui commence à dominer le marché de la chaussure. Les deux bâtiments préexistants, la grande halle et le pavillon du gardien ne suffisent maintenant plus à accueillir toute la production. Paul Sée imagine donc une nouvelle aile directement inspirée de l’architecture d’Outre-Atlantique.

La “daylight factory” américaine comme modèle

L’usine-mère d’United Shoe se trouve à Beverly aux Etats-Unis. Elle a été imaginée par Ernest L. Ransome et construite en 1905. Elle rassemble toutes les caractéristiques d’une nouvelle façon de penser l’architecture industrielle. Trois bâtiments identiques présentent une structure de béton armé que l’architecte ne cache pas sous les ornements, ce qui constitue une rupture avec ce que l’on a pu connaître aux Etats-Unis et ce que l’on voit encore beaucoup en Europe (à la même époque, Georges Nachbaur délie encore ses volutes à Nogent et Le Perreux). Ce squelette de béton armé permet de larges ouvertures vitrées qui baignent de lumière les ateliers, rendant plus agréable le travail aux ouvriers. C’est le modèle de la “daylight factory”. Il est lui-même issu des avancées architecturales de Chicago à la fin du 19e : rationalisme, utilitarisme, durabilité. Autant de valeurs et de matériaux nouveaux qui permettent la construction des premiers gratte-ciels sans façade porteuse. Ces principes sont appliqués à l’usine-mère de Beverly et donnent les grandes lignes du futur “bâtiment américain” d’Ivry.

A gauche : la Manufacture avant la construction du bâtiment américain, 1900-1910,© Archives municipales d’Ivry-sur-Seine. A droite : le bâtiment américain et le pavillon du gardien, 2010, © Ville d’Ivry-sur-Seine

La reconversion artistique

A Ivry, les briques rouges cachent une ossature métallique solide, qui permet des façades presqu’intégralement vitrées. Le plancher des 4 étages, quant à lui, reste libre grâce aux poteaux porteurs. La tour extérieure accueille toutes les fonctions qui ne sont pas liées à la production (escaliers, vestiaires, sanitaires). Paul Sée pense fonctionnalisme avant tout. Cette extension de la Manufacture des Œillets est l’un des rares témoignages français de cette pensée avant-gardiste qui a par la suite infusé le modernisme et notamment le Bauhaus (années 20). Aujourd’hui, le bâtiment américain accueille l’Ecole Professionnelle Supérieure d’Arts graphiques et d’Architecture (EPSAA) ainsi que le Centre d’Art Contemporain (Crédac). Les fonctionnalités du lieu permettent une liberté d’aménagement exceptionnelle. Grâce à celles-ci, Koenraad Dedobbeleer présenté dernièrement au Crédac a notamment pu décomposer à sa guise l’espace d’exposition. Une reconversion qui démontre l’utilité de la conservation de notre patrimoine industriel.

L'entrée actuelle du bâtiment américain

L’entrée actuelle du bâtiment américain

Manufacture des Oeillets, 25 rue Raspail, 94200 Ivry-sur-Seine

Expositions au Credac

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