Sujet brûlant et stratégique pour l’agglomération parisienne, le projet de métropole de Paris s’apprête à attaquer un second round au Sénat, après avoir été repêché par l’Assemblée nationale cet été. Sur cette question sensible : nos sénateurs du Val de Marne ne sont pas sur la même longueur d’onde…
Résumé des épisodes précédents
Alors que le chapitre consacré à la métropole de Paris avait été traité à l’effaceur en première lecture du Sénat au printemps, un nouveau texte a été voté à l’Assemblée nationale en juillet, essentiellement nourri d’amendements déposés par le gouvernement. A partir du 7 octobre, c’est ce nouveau texte, qui va encore plus loin que la première mouture, qui sera servi aux sénateurs. En guise d’apéritif, un peu plus de 200 amendements sont déjà à l’étude en commission des lois du Sénat depuis le début de la semaine.
Ce que dit le texte voté par l’Assemblée nationale
La métropole du Grand Paris devra être opérationnelle le 1er janvier 2016 et englobera Paris, les trois départements de la petite couronne (92, 93 et 94) ainsi que les intercommunalités à cheval avec ces départements. Elle sera gouvernée par un Conseil composé pour 25% de représentants du Conseil de Paris et 75% de représentants des autres communes à raison d’au moins un conseiller métropolitain par commune. A partir de 2020, le Conseil métropolitain sera composé à la fois d’un collège de conseillers métropolitains élus au suffrage universel direct et d’un collège de représentants des communes. La métropole sera compétente en matière d’environnement, développement urbain (par exemple les PLU -plans locaux d’urbanisme et le logement), développement économique et culturel. Les intercommunalités existantes disparaîtront mais la métropole sera structurée en conseils de territoire d’au moins 300 000 habitants. Ces conseils de territoire, sans disposer d’un statut juridique propre, constitueront un échelon de gouvernance intermédiaire entre la métropole et la commune. Voir article détaillé sur le projet tel que voté à l’Assemblée nationale en juillet.
Ce qui divise les sénateurs du Val de Marne
Dans le Val de Marne, six sénateurs représenteront la voix du département lors du vote de cette nouvelle mouture : deux communistes, deux UMP, une écologiste et un socialiste. Entre eux, les désaccords persistent.
«Alors que le Sénat avait refusé le projet, c’est une proposition encore plus radicale qui nous est tombée dessus en juillet, regrette Christian Favier, sénateur PCF – président du Conseil général. La concentration des ressources fiscales des taxes économiques au sein de la métropole va à l’encontre du principe de décentralisation.» Le président du Conseil général regrette aussi la perte d’influence progressive du département et même leur disparition en petite couronne à l’horizon 2020.
Côté UMP, le sénateur-maire de Saint-Maurice Christian Cambon goûte peu la méthode avec la quelle a été imposée à l’Assemblée cette nouvelle mouture et craint le chamboulement suscité par la suppression des établissements publics de coopération intercommunale existants. «Les syndicats intercommunaux sont le fruit d’années de travail entre les villes et constituent des outils essentiels d’aménagement. On ne peut passer les faire passer par pertes et profits du jour au lendemain, eux et leur personnel, s’indigne-t-il. C’était à la région de jouer le rôle de métropole mais elle n’y a malheureusement pas réussi», égratigne au passage le sénateur UMP.
Favorable à une fusion des départements, le sénateur-maire socialiste d’Alfortville, Luc Carvounas, défend en revanche la nouvelle version. «Faut-il créer une couche supplémentaire de mille-feuille ou construire une vraie logique de territoire ? La métropole ne retirera pas la souveraineté aux maires car elle sera dirigée par un Conseil des territoires dont les élus seront tous membres de droit et au sein duquel ils pourront réfléchir à l’échelle de la métropole. Il faut arrêter avec cette petite musique de la disparition de la souveraineté municipale. D’ores et déjà, beaucoup de projets font l’objet de décisions intercommunales, à l’instar des PLH (Plan local d’habitation). Et lorsque l’on est membre d’un OIN (Opération d’intérêt national), on fait déjà du développement stratégique avec l’Etat et les autres collectivités locales. Au sein du Val-de-Marne encore, les villes ont réussi à travailler toutes ensemble au service du projet Orbival, preuve que le consensus peut émerger de l’intérêt commun», démontre le patron du PS 94.
Pour Christian Favier, c’est au contraire, la coopération volontaire des communes qui permet de construire le consensus. «Quel poids pèsera le maire d’Alfortville au sein d’un conseil de territoire de plusieurs centaines de membres s’il se retrouve dans l’opposition?» questionne de son côté Christian Cambon, patron de l’UMP 94.
De son côté, Esther Benbassa, sénatrice écologiste du Val de Marne, entend défendre les «acquis» obtenus par son groupe lors de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale, à commencer par l’élection de la moitié des conseillers de la métropole au suffrage direct dès 2020. Une disposition que le sénateur socialiste Luc Carvounas ne partage pas tout à fait, bien que dans la majorité présidentielle, défendant au contraire le siège de plein exercice des élus municipaux.
Un compromis est-il possible ?
Dans ce dossier stratégique pour les territoires franciliens, le compromis est-il envisageable ou chaque assemblée va-t-elle se renvoyer la balle avec la violence d’un smash jusqu’à ce que l’Assemblée nationale finisse par trancher ?
Paris Métropole à la rescousse ou partisan ?
«Lors de la première lecture au Sénat, le rejet de l’article concernant la métropole de Paris avait conduit à une page blanche. Cette fois, nous travaillons en amont à une proposition alternative au sein de Paris Métropole. Un texte doit être discuté au Conseil de ce syndicat cette semaine. Tous les élus s’accordent sur la nécessité de construire la métropole mais en privilégiant la coopération et en développant le polycentrisme», plaide Christian Favier. Luc Carvounas semble moins enthousiaste. «Paris Métropole n’a jamais été un outil contre le gouvernement mais plutôt de consensus. Il serait dommage qu’il adopte une posture clivante», met-il en garde, s’inquiétant d’un texte qui serait issu d’un consensus entre la droite et les communistes, alliance qui a déjà conduit au rejet du projet lors de sa première lecture au Sénat.
«Nous sommes prêts à amender le texte, en examiner toutes les possibilités et faire honneur au sénat, mais à condition que l’on ne nous dise pas que toutes façons c’est l’Assemblée nationale qui tranchera. Inspirons-nous de la métropole de Lyon où Michel Mercier (ancien président Modem puis UDI du Conseil général du Rhône) et Gérard Collomb (maire PS de Lyon) ont su travailler ensemble», indique Christian Cambon.
Intercommunalités : adjugé à 200 000 ?
Au-delà des désaccords de fond en termes de gouvernance, certains compromis semblent toutefois possibles. Pour Christian Favier, le seuil d’intercommunalité, s’il passait de 300 000 à 200 000 habitants, pourrait être envisageable, cohérent avec celui qui est proposé pour les communes de grande couronne. Luc Carvounas se déclare aussi plutôt favorable au seuil des 200 000 habitants. «La question n’est pas d’arbitrer la taille des intercommunalités à 200 000 ou 300 000 habitants mais de s’appuyer sur des entités où les élus aient envie de travailler ensemble et qui ne soient pas artificielles, faute de quoi ils paralyseront les décisions», prévient Christian Cambon.
Luc Carvounas convient également que la date butoir du 1er janvier 2016 est un peu rapprochée, évoquant les 10 000 agents territoriaux concernés par les mutations à venir et la difficulté de mener à bien un tel changement en deux ans. Le même défend aussi l’intégration des deux aéroports parisiens (Roissy et Orly) au sein du périmètre de la métropole. Il a du reste déposé un amendement en ce sens.
Côté logement, Christian Cambon admet la nécessité de travailler en équipe. «Nous sommes d’accord pour que chacun ne gère pas seul la question du logement tant la crise est majeure en Ile de France, mais on ne peut penser logement sans les transports et les équipements publics qui vont avec», tempère-t-il aussitôt. «Quel sens vont avoir les élections municipales si les élus ne peuvent plus maîtriser l’urbanisme de leur commune?», pointe Christian Favier.
Au final, une seule question semble mettre d’accord tous les sénateurs : le choix de voter cette loi à six mois des élections municipales était-il opportun?
En détail : voir le dossier législatif complet sur le site du Sénat.
Pou rinfo, PLH = Programme Local de l’Habitat
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