Ce n’est pas un contrat signé à la hussarde qu’ont contracté hier huit des communes de la vallée de la Bièvre, donnant consistance au premier contrat de développement territorial (CDT) de la région Ile de France dans l’amphithéâtre bondé de l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, mais une étape intermédiaire, après déjà quinze ans de mise en commun de leurs enjeux de territoire. Il reste désormais aux élus à l’unisson à faire partager leur enthousiasme aux habitants et à incarner ce territoire dans la future Métropole du Grand Paris. Pas si simple.
Initiée dès la fin des années 1990 et formalisée en 2003 par la création d’une conférence territoriale, la vallée de la Bièvre*, dont le périmètre s’étend au-delà des seules huit communes** concernées par le CDT, a commencé à se projeter depuis quinze ans. «C’est le fruit d’un travail de longue haleine, commente Claudine Cordillot, maire de Villejuif. Au début, la difficulté a été de faire échanger les acteurs entre eux. Lorsqu’on nous avons commencé à nous réunir, les directeurs des différents hôpitaux du secteur ne se connaissaient pas», se souvient l’élue.
Et puis il a fallu rentrer dans les détails. Pour Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire de Cachan, le principal défi a alors été la capacité de se projeter, de «voir la réalité au-delà des apparences» pour évaluer ce qui était susceptible d’évoluer. «Il n’y a pas eu de problème de concurrence entre communes. Tout le monde a compris l’intérêt de développer notre stratégie au niveau du territoire. Nous ne sommes par exemple pas en concurrence avec le plateau de Saclay, nous travaillons avec», confie l’élu. «Vous vous êtes appropriés la création de ce CDT », a résumé la ministre de l’Egalité des territoires, Cécile Duflot, à l’attention des élus, lors de sa signature, reconnaissant «le lourd tribut» payé par les villes de ce sud parisien dans le cadre de l’expansion de la capitale, accueillant à la fois les populations rejetées par le centre de Paris et les grandes artères automobiles qui ont décousu les villes.
Comment convaincre les habitants ?
Si cette projection du territoire est aujourd’hui défendue par les élus, il reste en revanche à la faire partager par les habitants, pointe Claudine Cordillot. «C’est notre prochain défi. Pour l’instant, les citoyens se sont appropriés le volet transport, avec le projet de métro Grand Paris Express.» Mais si les habitants, qui n’en peuvent plus des métros bondés et des secteurs mal desservis, plébiscitent les nouvelles lignes de transport public, ils sont beaucoup moins prompts à réclamer du béton. Il n’est qu’à constater les premiers discours de campagne des listes dissidentes, à droite comme à gauche, dans le Val de Marne, qui promettent chacune de moins densifier que le maire en place, et les réactions des riverains aux grands projets urbains, pour réaliser que la densification ne fait pour l’instant pas l’unanimité. Le déroulement même de l’enquête publique sur ce CDT Campus sciences et santé témoigne des réticences, avec la remise en cause des fiches action qui précisaient les modalités d’urbanisation de plusieurs sites (lire à ce sujet la réaction de l’écologiste Alain Lipietz suite à notre article d’hier sur le détail du CDT).
Le CDT aura-t-il sa place dans la Métropole du Grand Paris ?
Au-delà de cet enjeu d’appropriation par les citoyens. S’annonce aussi celui de l’intégration de ce territoire dans la future métropole de Paris. Un vaste sujet sur lequel les élus ne sont pour le coup pas tous en phase. En atteste le communiqué du député-maire MRC du Kremlin-Bicêtre, Jean-Luc Laurent, faisant suite à la signature du CDT. «Je salue la signature de ce premier contrat de développement territorial qui, avec la création de la ligne 15 et le prolongement de la ligne 14, porte une grande ambition pour nos villes, tant en termes d’emplois, d’activités que de logements. Alors que le projet de loi sur les métropoles est encore en discussion au Parlement, il est difficile de ne pas voir les contradictions entre notre démarche et le parti-pris du projet de loi tel qu’il est ressorti du Sénat. Les projets prévus dans le Contrat de Développement Territorial ne tombent pas d’en haut mais viennent des acteurs publics et privés. En l’état actuel, le projet de loi nous renvoie aux vieux modèles centralisateurs dont la qualification de métropolitain ne suffit pas à masquer la désuétude. On propose à l’Ile-de-France une organisation digne des années 60, on fait l’agglomération à l’âge des métropoles. Le pilotage opérationnel du contrat de développement territorial doit se faire par une zone d’aménagement concertée communautaire (c’est-à-dire portée par la Communautaire d’Agglomération du Val-de-Bièvre) alors que cette intercommunalité est menacée de disparition par son absorption dans un ensemble de 7 millions d’habitants. Conçu sur nos territoires, le projet serait piloté demain depuis le centre de Paris ?», questionne l’élu.
Tel que finalement voté par le Sénat, le projet de loi sur la métropole prévoit en effet la disparition des communautés d’agglomération, posant la question de toutes les compétences déjà partagées par les communes. Ce problème devrait toutefois être abordé lors de l’étude du texte par l’Assemblée nationale, prévu d’ici quelques semaines.
Le CDT du cône sud
Dans la dynamique du plateau de Saclay de part son positionnement scientifique, le CDT Campus Sciences et santé fait-il partie de l’Est parisien ou se positionne-t-il finalement dans le début de l’Ouest parisien dont la zone d’influence économique ne cesse de s’étendre? «Ni l’un ni l’autre, nous nous positionnons dans le cône sud francilien, répond Jean-Yves Le Bouillonnec. Celui-ci part de Paris Sud et ses universités, jusqu’au plateau de Saclay et au génopôle d’Evry.»
*la Vallée scientifique de la Bièvre regroupe 18 communes : Arcueil, Cachan, Fresnes, Villejuif, Le Kremlin-Bicêtre, Gentilly et L’Haÿ-les-Roses dans le Val-de-Marne; Bagneux, Clamart, Châtenay-Malabry, Fontenay-aux-Roses, Sceaux, Malakoff, Montrouge, Châtillon,Le-Plessis-Robinson, Sceaux et Antony dans les Hauts-de-Seine.
**Le périmètre du CDT Campus Sciences et santé comprend à la fois les 7 villes de la Communauté d’agglomération de la Vallée de la Bièvre (Arcueil, Cachan, Fresnes, Gentilly, L’Haÿ-les-Roses, Le Kremlin-Bicêtre et Villejuif), toutes situées dans le Val-de-Marne, et Bagneux (Hauts-de-Seine) membre de la Communauté d’agglomération Sud de Seine.
Difficile à Villejuif d’échapper à la Sadev… Sur l’histoire de la Sadev et de son ancêtre la Sidéco, à Villejuif notamment, voyez “La politique foncière d’une municipalité communiste”, http://www.laveniravillejuif.fr/spip.php?article71
Eh bien , si la sadev 94 est dans la boucle , un récent rapport de la cour régionale des comptes nous conduit à être particulièrement vigilants : http://fresnes2014.wordpress.com/2013/02/18/cuba-le-mali-et-la-cite-saint-exupery-de-fresnes/
La grande difficulté, comme vous le remarquez dans vos notes finales, est que le CDT “Campus sciences et santé ” ne correspond à rien dans le système des institutions de la République, les électeurs ne savent même pas contre qui ils doivent voter s’ils ne sont pas d’accord.
Il existe un lieu de débat et de partenariat appelé “Vallée scientifique de la Bièvre” qui comprend 18 communes. Il existe d’autre part une Communauté d’Agglomération Val de Bièvre de 7 communes, dont les conseillers seront élus au suffrage universel direct en mars prochain , ce qui est une bonne chose. Mais le CDT est signé entre l’Etat et “Campus Scinces et Santé” qui n’a aucune existence : c’est l’Agglo Val de Bièvre (que les Valdebievrains connaissent déjà fort mal) + la ville de Bagneux. Quel rapport ? le passage de la ligne Rouge M15 du métro Grand Paris, et deux terrains libres, Edf à Villejuif et la DGA à Bagneux. Ce n’est pas un contrat entre la population de ce territoire inconnu et l’Etat, mais entre des maires ayant noué des relations avec des prompteurs tels la Sadev. Il y a là quelque chose de vicié qui n’est pas sans rappeler le “déficit démocratique européen”.
La SADEV 94 n’est pas un promoteur mais un aménageur (statut de SEM, détenue à majorité par des collectivités locales), qui a obtenu une convention d’aménagement de la ZAC Campus Grand Parc après appel d’offre. La SADEV est chargée du portage foncier, du plan directeur, de l’aménagement et la viabilisation des terrains, de la réalisation des équipements publics, et des montages financiers permettant de faire financer les équipements, aménagements et ouvrages publics par la ventes des droits à construire aux promoteurs.
La Sadev est et un bureau d’étude, et un aménageur, et un promoteur, et même un constructeur, comme elle se qualifie elle même sur les différents sites professionnels.
Elle ne devrait pas être « porteur foncier » pour le villes (c’est le rôle du SAF) mais elle le fait parfois aussi.
Si vous préférez réserver le terme de « promoteur » à l’agent qui achète les terrains et fait bâtir des logements et des bureaux pour les revendre après (par opposition à l’aménageur qui fait bâtir des voies et réseaux divers puis revend des droits à construire à des « promoteurs immobiliers »), OK, mais alors regardez sur le site même de la Sadev94, onglet « Nos opérations » : la première est « City Zen Parc » à Arcueil où la Sadev est bien le « maitre d’ouvrage », c’est à dire le promoteur (et non le « maitre d’œuvre », celui qui dirige les travaux, qui est TVK et Berim).
Ces multiples casquettes de la Sadev ont été sévèrement dénoncées par la Chambre Régionale des Comptes (voir ici le texte http://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/val-de-marne-des-depenses-de-la-sadev-94-epinglee-dans-un-rapport-30-01-2013-2525917.php
et voir la page 4 qui résume). Elles lui permettent par exemple d’empocher tous les appels d’offre d’aménagement… puisqu’elle s’est vue confier auparavant l’étude préalable, et a pu acheter les terrains !
Dans le cas du projet de ZAC Campus Grand Parc, à Villejuif (qui n’a même pas encore été mis à l’enquête publique devant les citoyens !! ) la Sadev se permet déjà de formuler des projets (et sans doute de pré-vendre de juteux « droits à construire ») jusque DANS le parc des Hautes Bruyères et sur les derniers terrains agricoles de la ville !
(voyez ces projets ici : http://www.campusgrandparc.com )
Heureusement, le 28 octobre, le Conseil Régional a voté un amendement de EELV repris par l’exécutif, qui lui interdit cette spoliation de la population de l’Ouest-Val de Marne, déjà en déficit d’espace verts.
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