Alors que la situation économique des entreprises n’est guère à la croissance, dans le Val de Marne comme ailleurs, le projet de métro Grand Paris Express va-t-il doper l’économie, faisant office de politique de grands travaux à l’échelle francilienne ?
Ce mardi 12 novembre, en ce début de matinée humide et grise, les experts de la Chambre de commerce d’Ile de France et du pôle local de Médiamétrie, Jean-Luc Biacabe et Guy Detrousselle, venus commenter la conjoncture auprès des entrepreneurs val-de-marnais à la CCI 94 n’étaient pas à la fête, commentant chacun leur tour les chiffres d’affaires qui stagnent, les inquiétudes des chefs d’entreprise, la baisse de notation de la France par Standard & Poors et encore le nombre croissant d’entreprises fragilisées et les emplois qui en dépendent. «On a touché le fond mais on n’a pas encore remonté ! », pointe Jean-Luc Biacabe. «Le fossé se creuse entre les secteurs en croissance et ceux qui sont en souffrance», conclut aussi Gérard Delmas, président de la CCI 94. Petite note d’optimisme, celle de Stéphane Layani, président de la Semmaris, la société qui gère le puissant marché de Rungis : «Le commerce de gros va bien. Chez nous, il y a des entreprises qui ont un taux de croissance à deux chiffres. Et les secteurs qui fonctionnent le mieux sont ceux dans lesquels nous avons investi. Il ne faut pas cesser d’investir !»
Dans cette ambiance morose, le projet du métro Grand Paris Express, qui faisait l’objet d’une table-ronde entre acteurs économiques du département à la suite de ce compte-rendu de conjoncture, apparait comme une fenêtre de ciel bleu.
«Pour les professionnels de la construction, le Grand Paris Express représente un marché considérable. D’autant que nous arrivons à la fin d’un cycle, témoigne ainsi Nicolas Wolff, directeur d’agence de la société de Bâtiment et Travaux publics Jean Lefebvre. Et puis, le Grand Paris Express ne consistera pas qu’en un réseau de transport. Avec les contrats de développement territorial (CDT), des constructions de logements et autres équipements sont aussi en jeu», reprend le représentant de l’entreprise de BTP, tout en pointant les défis qu’il faudra surmonter pour profiter de ce marché. D’abord tenir jusqu’au premier coup de pioche, qui devrait intervenir courant 2016, puis relever le défi de l’emploi alors que 15% des effectifs ont plus de 55 ans.
«Le Grand Paris Express, c’est 70 milliards d’euros induits dans l’économie et 20 000 emplois sur dix ans», insiste pour sa part Pascal Salvodelli, vice-président du Conseil général du Val de Marne en charge du développement économique.
Pour Stéphane Layani, le Grand Paris Express, et surtout le prolongement de la ligne 14 aux portes du MIN de Rungis, est attendu avec impatience pour faciliter l’accès au marché des employés qui n’ont pas tous les moyens de s’acheter une voiture. «Il y a 12 000 salariés sur le MIN», rappelle-t-il, plaidant pour une arrivée anticipée du métro «plutôt 2023 que 2027». Un avis partagé par Claude Samson, président du club Grand Orly Entreprises, qui insiste comme son confrère sur la nécessité de pouvoir relier rapidement Orly et Roissy.
Comment le petit commerce s’appropriera-t-il les nouvelles gares?
Tout en considérant que le Grand Paris Express est un bon projet, Caroline Marti, présidente de Villiers Commerces, association de commerçants du centre-ville de Villiers-sur-Marne, est plus réservée dans son enthousiasme, à l’image des autres commerçants de sa commune. «Nous sommes déjà une ville dortoir. L’accès encore plus facile pour sortir de la commune ne va-t-il pas encore contribuer à nous retirer un peu plus notre clientèle ? », s’interroge-t-elle. L’installation d’une gare à proximité des grands sites commerciaux, et qui accueillera elle-même des commerces, sera-t-elle accessible aux commerçants du centre-ville qui le souhaitent ? se demande –t-elle ensuite, prête pour sa part à y installer une succursale de sa chocolaterie. «Il faudra créer un nouvel outil «discriminant» pour construire autour des gares afin de permettre au petit commerce de s’implanter», répond sur ce point Pascal Salvodelli.
Le métro arrivera-t-il à l’heure ?
Attendu des usagers et entreprises, le métro sera-t-il bien au rendez-vous dans les temps? Sur ce sujet, Christian Garcia, directeur des relations institutionnelles de la Société du Grand Paris, rassure. «Concernant la ligne rouge, nous sommes actuellement parfaitement dans les temps grâce à notre méthode de concertation permanente avec les élus, entreprises, pouvoirs publics, services techniques… Toutes les gares de la ligne15 (ligne rouge sud, ex-tracé Orbival) sont aujourd’hui précisément posées et l’ensemble du foncier sera acquis d’ici début 2014. Nous commencerons la déviation des réseaux à l’été 2015 et espérons bien être le premier métro qui sera achevé dans les temps ! Il n’est pas possible en revanche d’aller plus vite car il s’agit d’un énorme chantier et nous ne pouvons pas paralyser l’ensemble du département. Entre Noisy-Champs et Pont de Sèvres, ce-sont par exemple 6,5 millions de tonnes de déblais qui seront générés par les travaux», détaille-t-il. La ligne bleue (prolongement de la ligne 14), prévue pour 2027, pourrait, elle, gagner quelques mois. Il ne reste plus que la gare de Rungis MIN – Porte de Thiais à positionner, c’est-à-dire à décider qui de Thiais ou de Chevilly-Larue accueillera officiellement la gare sur son sol.
Et la métropole du Grand Paris, qu’en pensent les entreprises ? Pas grand-chose pour l’instant. Autant l’arrivée du métro est appréhendée de manière concrète par les entrepreneurs, autant la métropole reste un objet indéfinissable. «Pour nous, c’est encore trouble», résume Nicolas Wolff. «Nous avons déjà des structures que nous connaissons bien : Etat, département, région», ajoute Stéphane Layani.
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