Suggestions alternatives de financement, préparation d’une déclaration commune et d’un rendez-vous avec le premier ministre, organisation de manifestations publiques pour soutenir la réalisation dans les temps du Grand Paris Express, le Conseil d’administration d’Orbival, l’association d’élus du Val de Marne à l’origine du tronçon départemental du supermétro, n’a pas chômé ce lundi 21 janvier.
Durant deux heures, maires et parlementaires PS, UMP, Front de gauche ou écologistes et encore représentants de chambre de commerce du Val de Marne mais aussi de l’Essonne (venu en invité) ont fusé d’arguments et de propositions pour défendre la réalisation complète du métro périphérique d’ici à 2030. Le lieu de la réunion, l’aéroport d’Orly, n’avait pas été choisi au hasard puisque le groupe Aéroports de Paris (ADP) a officiellement rejoint l’association à l’occasion de cette séance et que le prolongement de la ligne 14 (ligne bleue) jusqu’aux pistes figure parmi les grands enjeux du Grand Paris Express.
Pour rappel, deux éléments ont alarmé les élus du sud-est parisien fin 2012 : le report de dotation de l’Etat d’un milliard d’euros au capital de la Société du Grand Paris (SGP), maître d’œuvre du projet, au prétexte qu’il n’y avait pas d’urgence, et les conclusions du second rapport Auzannet, réévaluant le budget total du réseau à 30 milliards d’euros (au lieu de 22 milliards) et invitant à échelonner la construction jusqu’en 2040 en reportant certains tronçons comme celui qui doit relier Champigny à Noisy sur la ligne rouge, une partie de la ligne orange et encore le prolongement de la ligne 14 jusqu’à Orly. Alors que le dossier doit être arbitré par le premier ministre d’ici le 15 février, l’heure est donc à nouveau à la mobilisation, sur le terrain comme dans les bureaux ministériels.
Comment trouver l’argent ?
Confrontés à l’équation économique posée par Pascal Auzannet, les élus ont à la fois remis en question une partie de la réévaluation calculée par le rapporteur et proposé de nouvelles pistes de financement.
Un coût total de 28 milliards € au lieu de 30 milliards €
Dans ses contre-conclusions, l’association Orbival pointe le fait que le prolongement de la ligne 14 au nord a fait l’objet d’une dotation spécifique d’1 milliard d’euros, négociée notamment avec la Seine Saint Denis, mais que cette ressource n’a pas été prise en compte dans le rapport Auzannet, de même que n’a pas été comptabilisée l’économie réalisée en substituant un matériel plus léger que celui prévu initialement sur la ligne verte (Plateau de Saclay). Orbival considère également que le montant de 1,8 milliard d’euros pour les interconnexions est légèrement surévalué. Au total, l’association adjuge donc le budget à 28 milliards d’euros.
Emprunter plus et plus longtemps
Parmi les principales propositions pour donner du souffle au financement : l’augmentation du montant et de la durée de l’emprunt car le Grand Paris Express constitue un investissement de très long terme comme l’a été le métropolitain au siècle dernier. «Les petits enfants de nos petits-enfants emprunteront les tunnels du Grand Paris Express», note ainsi Franck Meyrède, directeur de l’aéroport d’Orly. Orbival suggère donc d’emprunter 15 milliards d’euros sur 50 ans, au lieu de 10 milliards sur 35 ans, en profitant de la conjoncture actuelle avantageuse des taux, et en s’adressant aux grands financeurs publics. Cette proposition, si elle fait consensus auprès des adhérents, pourrait être compliquée à monter. Jean-Yves Le Bouillonnec, député-maire PS de Cachan et président du Comité stratégique de la SGP, a ainsi rappelé en séance qu’il n’était pas possible actuellement d’emprunter sur 50 ans.
Fiscalité : supprimer le plafonnement des ressources dédiées au Grand Paris Express
Rappel de la situation actuelle
Afin d’assurer une partie du financement de la SGP, la loi de finances rectificative 2010 a institué des ressources fiscales de trois types :
1° Une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) s’appliquant au matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun des voyageurs en Île-de-France (cette taxe concerne en pratique le STIF, syndicat des transports d’Ile de France). Cette ressource est évaluée à 60 millions d’euros pour 2012.
2° Une part du produit de la taxe sur les locaux à usage de bureaux (TLB), les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement. Cette ressource est actuellement plafonnée à 168 millions d’euros pour 2012. (Si elle n’était pas plafonnée, elle pourrait rapporter 25 millions d’euros de plus en 2013, voir avis du Sénat sur cette question)
3° Une taxe spéciale d’équipement qui est payée par tous les redevables franciliens de taxe foncière, taxe d’habitation ou cotisation foncière d’entreprise. Cette taxe ajoute environ 0,2% à la taxe d’habitation. Cette ressource est évaluée à 117 millions d’euros pour 2012.
En plus du plafonnement de la TLB, 95 millions d’euros sont prélevés pour contribuer au financement de l’ANRU, depuis l’institution de ces recettes. En décembre dernier, deux amendements déposés respectivement par Gilles Carrez (député UMP du Val de Marne et président de la Commission des finances) et François Puponni (député PS du Val d’Oise) proposaient de supprimer le plafonnement de la TLB à 168 millions d’euros par an, arguant de la nécessité de budgéter suffisamment la SGP pour financer les études à venir, mais ces amendements n’ont pas été adoptés
Parmi les pistes de financement, l’association Orbival revient sur ces plafonnements.
«Il faut supprimer l’écrêtement institué par la loi de finances rectificative 2012 sur les ressources de la SGP», a insisté le président d’Orbival et du Conseil général, Christian Favier, en préambule de la réunion, tandis que Dominique Adenot, maire Front de gauche de Champigny, revenait sur la ponction dédiée au financement de l’ANRU : «Les impôts destinés à financer le métro doivent aller au métro !»
L’augmentation de la fiscalité ne fait pas consensus
Une autre suggestion fiscale, consistant à réévaluer le taux de la TLB, n’a en revanche pas fait consensus, notamment parmi les élus UMP et les représentants des entreprises «Le monde économique est partie prenante du Grand Paris Express, il serait dommage de lui envoyer des signaux négatifs en proposant une augmentation de la TLB», a remarqué Gérard Delmas, président de la Chambre de commerce du Val de Marne. Sur ce sujet, le maire de Champigny a évoqué la position des grandes enseignes commerciales, et l’intérêt qu’elles auraient à bénéficier d’une gare à proximité, susceptible de les inciter à participer financièrement, tandis que Jacques Leroy, conseiller général et maire-adjoint UMP au maire de Saint-Maur, défendait la situation des PME-PMI qui risqueraient d’être pénalisées par une augmentation des taxes.
Maitriser la spéculation foncière
De son côté, le maire-conseiller général Front de gauche de Chevilly Larue, Christian Hervy, a alerté les élus sur les risques de dérapage financier lors de l’indemnisation des propriétaires dont les tréfonds seront traversés par des tunnels, ainsi que lors des acquisitions de terrain destinés à la construction des gares : «Les évaluations du service des domaines sont calquées sur celui des transactions immobilières récentes du secteur et contribuent à amplifier la spéculation. Il serait plus avantageux de se baser sur l’indice notarial.»
Calculer le manque à gagner d’investissements non réalisés
«Il faut aller vite car si le développement économique ne se fait pas ici, il se fera ailleurs. Or les entreprises qui souhaitent s’implanter ont besoin de transports», a insisté le président de la Chambre de commerce de l’Essonne, Philippe Lavialle, venu témoigner de sa solidarité avec le Val de Marne concernant ce projet. «La construction corrélée au Grand Paris Express va apporter de la richesse pendant 15-20 ans, cela dès le premier coup de pioche. Et cela ne concernera pas que l’Ile de France car ce projet fera appel à de nombreux prestataires, concernant la construction des rames par exemple», a pointé également Jacques JP Martin, maire-conseiller général UMP de Nogent sur Marne et secrétaire général d’Orbival.
Un groupe de travail pour finaliser le financement
En conclusion de ses pistes, l’association veut proposer au gouvernement la constitution d’un groupe de travail qui associerait l’Etat, la région, les parlementaires, les conseils généraux et un représentant du monde économique.
Mieux vaut tenir que courir
Au-delà des questionnements sur le financement global, un autre point qui fait consensus est la nécessité de poursuivre les étapes préalables sans délai, afin d’éviter de donner davantage prise à la remise en question et de prendre du retard. Plusieurs élus ont ainsi insisté sur l’urgence à mettre en œuvre l’enquête publique concernant la ligne rouge sud et de lancer la concertation concernant la ligne orange. Cette dernière est déjà prévue, qui se déroulera du 12 février au 31 mars.
Mobilisation dans le Val de Marne
D’ici au 15 février, le calendrier de la mobilisation autour du Grand Paris Express devrait aller crescendo. Déjà lors des vœux d’un certain nombre de villes et du département, quelques 2000 pétitions ont été récoltées, en faveur de l’ouverture de l’enquête publique sur le tracé rouge sud (Pont de Sèvres – Noisy Champs), du maintien intégral du tracé et de la mise en service des premières rames dès 2018.
Conseil municipal extraordinaire à Champigny
Jeudi 24 janvier, Champigny sur Marne organise un conseil municipal extraordinaire pour voter un vœu en faveur du projet.
Manifestation de quatre communes à Villiers sur Marne
Mardi 29 janvier à 19 heures, les maires des quatre communes de Bry, Villiers, Champigny et Chennevières, concernées par la gare intermédiaire entre Champigny et Noisy, l’un des tronçons dont la réalisation risque d’être reportée dans le temps, se retrouveront sur le pont de l’avenue Jean Monnet à Villiers (près de Bricorama), avant de rejoindre les manifestants au gymnase Jean Macé de Villiers pour une déclaration commune.
Manifestation à Villejuif
Le 5 février, c’est à Villejuif, aux Esselières, que la mairie propose de se rassembler avec d’autres conseils municipaux afin de demander t la réalisation des lignes rouge et bleue.
Rendez-vous avec le premier ministre
En parallèle de ces manifestations, les discussions se poursuivent avec les ministres concernés et l’association a obtenu le principe d’une audition par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
Plusieurs élus ont en revanche rappelé le risque des discussions bilatérales, enjoignant chacun à ne pas plaider pour son propre territoire mais à jouer la force de l’union.
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