Pendant près de trois heures ce vendredi 31 mai, les sénateurs Front de gauche Laurence Cohen et Pierre Laurent ont visité le Centre de rétention administratif (CRA) du bois de Vincennes qui accueille en permanence un peu plus de 150 étrangers en instance d’expulsion. Une visite sollicitée par l’observatoire citoyen, un collectif local de militants des droits de l’homme.
Instaurés en 1981 pour encadrer officiellement l’enfermement d’étrangers sans titre de séjour, les CRA sont aujourd’hui au nombre de 25 en France. La durée de séjour maximum des personnes qui y sont retenues est progressivement passée de 4-5 jours à 32 puis 45 jours. Ces centres sont surveillés par la police. Si les personnes incarcérées n’ont pas le droit de sortir, elles peuvent en revanche évoluer librement à l’intérieur des murs et ne sont pas en cellule comme dans une prison. Le centre du bois de Vincennes, situé à côté du parking de l’hippodrome, est constitué de trois bâtiments qui accueillent des chambres de 2 à 4 lits et des espaces communs pour la télévision et les jeux vidéo. Le centre est prévu pour 176 hommes majeurs et est gardé par 4 policiers. Environ un cinquième des personnes qui transitent par ce centre sont effectivement expulsées. La durée de séjour moyenne est de 20 à 25 jours.
Les visites sont très réglementées. En dehors de l’Association service social familial migrants (Assfam), officiellement habilitée à apporter une assistance juridique aux personnes retenues, les associations n’ont pas de droit de visite. Seules les personnes qui viennent voir un détenu en particulier peuvent accéder une demi-heure à un parloir sans intimité. Pour les associatifs, il faut donc ruser, en appelant la cabine téléphonique située à l’intérieur du centre et en attendant qu’une personne qui parle Français décroche pour avoir un contact.
Un observatoire citoyen pour témoigner
Initié il y a un peu plus d’un an par des militantes des droits de l’homme, l’observatoire citoyen du CRA de Vincennes s’est fixé pour objectif de rendre compte des conditions d’existence de ses résidents mais aussi des histoires singulières de chacun. Dans ce collectif, des militantes issues ou non d’associations comme la LDH ou RESF, se relaient pour aller au contact des détenus. «Nous essayons de savoir comment ils se sont faits arrêter, comment s’est déroulée leur garde à vue, comment ils sont venus en France et quelle est leur histoire, indique une militante. Nous constatons par exemple qu’ils ne sont jamais arrêtés sur leur lieu de travail, mais plutôt à proximité des foyers ou de certaines stations de métro comme Barbès.»
Les histoires varient. Au sein du CRA de Vincennes, vivent beaucoup de Maghrébins, arrivés en visa touriste par avion ou plus discrètement par barque. «Nous observons une recrudescence de jeunes Tunisiens depuis un an», note une bénévole. On se regroupe par nationalité, et les plus isolés comme les Pakistanais, Indiens ou Brésiliens se sentent plus vulnérables. «L’une des personnes visitées, un maghrébin arrivé à 25 ans avec femme et enfant au pays, qui a vécu en France pendant cinq ans de petits boulots puis de vente de shit avant de faire onze mois de prison, regrette presque le milieu carcéral. En prison, il travaillait en cuisine, les cellules étaient fermées et tous les lieux surveillés. Ici, chacun craint toujours de ne pas retrouver ses affaires dans sa chambre et il y a quelques caïds dont il vaut mieux être sous la protection, reprend une observatrice. Il n’y a rien à faire à part attendre, et cette vie dans l’expectative est particulièrement pénible, d’autant que les différents vols vers leurs pays d’origine sont affichés et leur rappellent qu’ils sont susceptibles d’être expulsés à tout moment. On ne peut pas leur apporter beaucoup de distraction en dehors de quelques livres, même les dominos sont interdits car ils peuvent être utilisés comme projectiles»
Si toutes les personnes incarcérées font l’objet d’une décision d’expulsion. Celles-ci sont toutefois encadrées par la loi. Si un recours a été déposé contre la décision d’expulsion, c’est au juge du Tribunal administratif de statuer. En parallèle, le juge des libertés et de la détention (JLD) contrôle la légalité de la rétention. Il valide la détention dans les cinq jours qui suivent l’entrée au CRA et peut la renouveler pour vingt jours supplémentaires. «Malheureusement, il s’agit le plus souvent d’une formalité expédiée en quelques minutes. Comme on dit entre nous, c’est ‘Bonjour, vingt jours !’»
Visite des sénateurs
Pour sensibiliser les politiques et réclamer la suppression de ces établissements et la révision du CEDESA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), l’observatoire citoyen du CRA de Vincennes a écrit aux parlementaires locaux pour les inviter à venir voir sur place – les parlementaires étant de fait autorisés à visiter centres de rétention comme prisons sans demande d’autorisation préalable. C’est dans ce contexte que deux premiers sénateurs d’Ile de France, la sénatrice du Val de Marne Laurence Cohen et le sénateur parisien Pierre Laurent (également secrétaire national du PCF) ont franchi les portes du CRA de Vincennes ce vendredi 31 mai
«Même si nous étions au courant de l’existence de ces centres de rétention et que leur visite correspond à l’idée que nous nous en faisions, c’est une visite dont on ne sort pas indemne. Ces établissements ne sont pas faits pour accueillir des personnes pendant quarante-cinq jours, même avec la meilleure volonté de l’encadrement. La majorité du personnel policier reste là un an à un an et demi et il s’agit parfois de leur premier poste. Pour les prévenus, le fait de ne pas savoir ce qui les attend est très violent psychiquement», témoigne Laurence Cohen, à l’issue de sa visite. «Notre groupe politique est contre le principe de ces établissements et nous allons intervenir. Dans un premier temps, nous prévoyons une question orale ou écrite à ce sujet, puis nous déposerons peut-être une proposition de loi ou une demande de mission parlementaire», esquisse la sénatrice.
Lien utile :
Blog de l’observatoire citoyen du CRA de Vincennes qui témoigne de chaque histoire des personnes visitées
Toujours pas de sénateur socialiste… Sa devient honteux le comportement des socialistes dans ce département.
Merci de ne pas utiliser différents pseudonymes pour simuler un dialogue dans les commentaires ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Troll_(Usenet_et_Internet) )
y avait plus de place pour eux en vue de les réexpédier dare-dare à Cuba ?
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