Dans l’ombre du choc de transparence annoncé par le président de la République hier, l’acte III de la décentralisation était aussi au menu du Conseil des ministres de ce 10 avril, découpé en trois projets de lois qui n’en font qu’un et qui devraient considérablement bouleverser la gouvernance locale.
Plus qu’un acte de décentralisation de compétences de l’Etat vers les collectivités, ce projet, mijoté depuis des mois par le cabinet de Marylise Lebranchu, la ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, a pour principal objet de redéfinir les rôles de ces dernières (compétences étendues pour certaines, notion de chef de file, rétablissement de la clause de compétence générale…).
Le texte détaille à la fois les modes de concertation et de coopération entre ces entités territoriales qu’entre l’Etat et celles-ci, tandis qu’un chapitre s’intéresse à la démocratie locale (transparence, précautions en termes de gouvernance financières, participation des citoyens avec notamment la généralisation des conseils de développement, l’étendue du droit de pétition…).
Beaucoup de nouveaux outils et structures
La métaphore étant tendance en ce moment, les nouveaux outils ne manquent pas dans la boite, des ‘conférences territoriales’ (espaces de discussion entre Etat et collectivités territoriales) aux ‘pactes de gouvernance territoriale’ constitués eux-mêmes de ‘schémas d’organisation sectoriels’ dont l’objet est de déterminer les niveaux et modalité d’intervention des acteurs locaux, en passant par le ‘Haut conseil des territoires’ destiné à assurer la cohérence des différentes politiques publiques associant l’Etat et les collectivités territoriales.
Métropoles, intercommunalités et régions
Trois entités ressortent comme les pierres angulaires du dispositif, les métropoles (nouvelle entité spécialement créée pour les villes de Paris, Lyon et Marseille), les intercommunalités, et les régions qui se voient dotées de compétences étendues en termes de développement économique (avec notamment la possibilité d’entrer au capital de sociétés commerciale) mais aussi de transports ferroviaires, terrestres et aériens avec la possibilité de développer plus facilement des projets inter-régionaux. En creux, se profile en revanche une perte d’influence relative des communes et départements.
Métropole de Paris sur le périmètre de l’Unité urbaine de Paris
Concernant la gouvernance du Grand Paris, le projet de loi confirme le principe d’une nouvelle entité, Métropole de Paris, qui couvrira l’Unité urbaine de Paris, c’est-à-dire Paris, toutes les communes (123) des trois départements de proche couronne (92,93 et 94) ainsi qu’une partie des communes (288 sur 1157) des départements de la grande couronne (77,78,91,95). Au total, cette unité urbaine représente environ 11 millions d’habitants et rappelle le périmètre de l’ancien département de la Seine.
Intercommunalités obligatoires
Cette métropole de Paris sera constituée d’intercommunalités obligatoires de 300 000 habitants minimum pour les communes des trois départements de proche couronne et de 200 000 habitants pour ceux de la grande couronne, à condition qu’ils ne comportent aucune commune d’un département de proche couronne. Ces intercommunalités devront être opérationnelles d’ici la fin 2015, avec un premier schéma régional d’ici septembre 2014.
Gouvernance
Le Conseil métropolitain décide
La métropole de Paris sera gouvernée par un conseil métropolitain réunissant le maire de Paris et les présidents des intercommunalités membres (établissements publics de coopération intercommunale). Chaque membre disposera d’un siège. Et, pour les membres dont la population excédera 300 000 habitants, un siège supplémentaire par tranche de 300 000 habitants supplémentaires sera attribué.
La Conférence métropolitaine coopère
Pour coordonner l’action de cette métropole avec les autres collectivités de l’Ile de France, sera également institué une Conférence métropolitaine qui comprendra à la fois les membres du conseil métropolitain, ainsi que le président du conseil régional d’Ile-de-France et les présidents des conseils généraux de la région.
L’Assemblée des maires est consultée
Les maires n’auront, eux, qu’un rôle consultatif dans cette gouvernance, via une assemblée des maires de la région qui sera présidée par le président de la Métropole de Paris. Cette Assemblée des maires aura vocation à rendre des avis.
Le Conseil de développement est consulté
Sera également institué un Conseil de développement réunissant les partenaires économiques, sociaux et culturels de la Métropole de Paris
Moyens financiers
Financièrement, la Métropole de Paris s’appuiera sur la participation de ses membres, une dotation de fonctionnement de l’Etat et un fonds d’investissement métropolitain.
Compétences
La Métropole de Paris sera compétente aussi bien en termes de logement, questions sociales, développement durable. Elle mettra en œuvre un plan métropolitain de l’habitat, un plan métropolitain de l’urgence sociale, un plan climat énergie métropolitain. Elle pourra aussi demander à l’Etat la création d’opérations d’aménagement métropolitain. Au niveau plus global, la métropole devra inscrire sa stratégie dans un Projet métropolitain, sorte de schéma directeur dédié à la métropole.
Concernant le logement, c’est toutefois un nouvel outil qui prendra la main au niveau régional, le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement (SRHH). Il sera élaboré en complément du SDRIF par le conseil régional, à l’issue d’une procédure de consultation avec l’Etat, la Métropole de Paris, les départements franciliens, les établissements publics compétents en matière de programme local de l’habitat (PLH) et le comité régional de l’habitat.
Le projet de Métropole de Paris est détaillé dans le projet de loi numéro 1. Pour comprendre l’intégralité des enjeux de la réforme, voir aussi le projet de loi numéro 2 et le projet de loi numéro 3.
Calendrier parlementaire
C’est d’abord au Sénat, la chambre élue par les élus territoriaux, que le projet de loi numéro 1 sera présenté. Et il y sera sans doute fortement amendé, sous peine de se voir retoqué. D’ores et déjà, les élus locaux ont commencé leur lobbying auprès de la haute assemblée, et obtenu des gages, après avoir déjà obtenu le découpage en trois de la réforme pour traiter séparément le premier et épais dossier des métropoles.
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