Douze ans ferme. Tel est le verdict pour Islam Belkebir, aujourd’hui âgé de 22 ans. Le 8 janvier 2010, alors lycéen à Darius-Milhaud au Kremlin-Bicêtre, il a poignardé à mort un autre élève, Hakim Maddi, dans le couloir du lycée, convoqué par ce dernier et trois de ses amis pour s’expliquer sur un échange verbal qu’il avait eu la veille avec la soeur d’Hakim. La peine a été annoncée par la Cour d’assises de Créteil après plusieurs heures de délibération.
« On ne saura jamais ce qu’il s’est passé dans ce couloir » . La déclaration à la Cour de l’avocat d’Islam Belkebir résume bien ces trois jours d’audiences. Le jeune homme, retranché dans son box tête baissée, n’a pas apporté les explications que la Cour et la famille d’Hakim Maddi attendaient. Son conseil lui-même a reconnu sa solitude, estimant « plaider face à trois adversaires : la partie civile, le parquet et mon client » . Il a demandé aux jurés « de ne pas se laisser surmonter par les émotions ou le contexte médiatique qui a résulté de l’affaire. C’est le dossier qui doit être traité, pas la question des violences scolaires » .
L’avocat d’Islam a lui aussi eu du mal à faire parler le garçon lors de leurs rencontres. Pour justifier le sentiment de persécution du jeune hommes, il évoque « des événements qu’il préfère ne pas divulguer devant une Cour d’assises » . Lors de sa dernière déclaration, Islam ajoute avoir « appris à pardonner à [ses] parents » . Pour la défense toutefois, hors de question de faire passer Islam pour une victime : « le décès d’Hakim est profondément injuste, stupide et révoltant. Mais celui que vous devez juger ne l’a pas voulu. Islam portera toute sa vie la mort d’Hakim.” Pour la défense, les jurés doivent s’attarder sur la question de la « volonté d’homicide » d’Islam. Voulait-il tuer ? « Islam, en arrivant avec deux heures de retard au lycée, cherchait à éviter la confrontation » . Il a également lu un témoignage qui n’avait pas encore été évoqué, celui d’une lycéenne qui assure qu’une « bande de jeunes du Kremlin-Bicêtre » attendaient Islam à la sortie du lycée le 8 janvier 2010. Ses membres se seraient enfuis en escaladant une grille à l’arrière de l’établissement. La mère d’Islam Belkebir a également transmis une lettre à la Cour, expliquant ne pas pouvoir être présente à l’audience par peur de représailles et s’estimant victime de menaces.
« Un travail psychologique énorme à faire »
L’avocate générale Myriam Quemener, qui a requis une peine de vingt ans de prison, n’a pas caché sa déception à la fin des débats. Elle regrette n’avoir eu que « quelques murmures » comme explications. Elle a aussi dénoncé la « lâcheté » d’Islam Belkebir, qui après avoir porté trois coups de couteau à Hakim « s’enfuit en courant » ; n’a « pas le courage de s’expliquer en garde à vue et n’a aucun mot pour la victime » . Pour elle, Islam a « condamné à mort et exécuté Hakim ». Des propos jugés « difficiles » par son avocat. « La peine de la Cour doit prendre en compte l’énorme travail psychologique et de remise en cause que doit faire Islam, et qui n’a même pas commencé. Ces drames blessent la société dans ce qu’elle a de plus cher : sa jeunesse, son espoir et son avenir » .
L’avocate de la famille d’Hakim a pour sa part souhaiter« honorer la mémoire d’Hakim. On ne peut pas le faire passer pour quelqu’un de violent alors que certains témoins, comme son professeur de boxe, disent qu’il était un ange » . Elle a ensuite dépeint un portrait très sombre d’Islam Belkebir, relatant des faits mineurs de violences en détention ou d’expulsions scolaires, ainsi que des menaces proférées à l’encontre d’un professeur. En ce qui concerne les faits, elle a estimé « qu’on ne peut pas banaliser l’altercation du 7 janvier, où Nora et Amel (la soeur d’Hakim) se sont senties menacées » . Elle a aussi évoqué la « violence d’Islam, qui poignarde Hakim alors qu’il est en train d’enlever son sac », se fondant sur les témoignages des amis d’Hakim. « Quand on part de chez soi avec un couteau, cela ne peut pas être un geste de panique » . « Hakim était peut être grand et fort, mais il n’était pas violent. Il est parti et ne reviendra jamais » a conclu l’avocate, qui accompagne la famille d’Hakim depuis le début de l’affaire.
Voir le retour sur le premier jour d’audience, et le second jour,revenant sur les faits et la psychologie d’Islam Belkebir.
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