Inciter les médecins à prescrire plus de génériques, limiter les antibiotiques, améliorer leur organisation informatique… en troquant la traditionnelle augmentation du forfait de consultation par une rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), tel est le dispositif mis en place par la Sécurité sociale depuis janvier 2012. Quelles conséquences pour les médecins, patients et l’Assurance maladie ? Comment cela marche ? Quels chiffres dans le Val de Marne ? Le point sur la question.
Fin 2011, au lieu de passer le forfait de la consultation généraliste de 23 à 24 euros, la convention signée entre médecins et Assurance maladie a décidé de conditionner cette augmentation en fonction des efforts fournis pour atteindre des objectifs chiffrés par 29 indicateurs correspondant à des problématiques de santé publique, comme la résistance aux antibiotiques ou le suivi des pathologies chroniques lourdes comme le diabète ou l’hypertension, ou à l’organisation de la transmission de l’information. Tous les généralistes et cardiologues sont concernés. Dans le Val de Marne, cela a représenté une population d’environ 2000 médecins.
Des retours qui remettent parfois en question les pratiques médicales
En contrepartie de l’engagement des médecins à atteindre des objectifs chiffrés, l’Assurance maladie a rendu compte de ces indicateurs aux médecins, ce qui n’était pas le cas auparavant. «En 2012, chaque médecin engagé dans le dispositif a été visité par un délégué de l’Assurance maladie», précise Laurence Bergier, directrice des risques de la CPAM 94. «Concernant le suivi du diabète par exemple, nous avons constaté que les patients n’effectuent pas toujours les analyses nécessaires à un bon suivi médical, malgré les prescriptions effectuées par leur médecin. Plusieurs indicateurs portaient donc sur la réalisation effective de ces analyses et nous avons constaté une progression de quatre à cinq points au niveau national, à partir d’un taux de départ de 40 à 50%. Cela représente environ 60 000 à 70 000 patients supplémentaires ! explique le docteur Jean-Louis Leroux, médecin chef de l’Assurance maladie du Val de Marne. En parallèle d’une incitation des médecins à s’assurer de la réalisation des analyses par leurs patients, l’Assurance maladie encourage aussi directement les patients à ne pas être négligeant grâce à des solutions d’accompagnement spécifique comme Sophia.»
Un nouveau rapport médecins-assurance maladie ?
Pour les médecins, les indicateurs chiffrés sur la réalisation effective des analyses par les patients ont parfois surpris. «Beaucoup de confrères et moi-même étions persuadés que plus de 80% de nos patients effectuaient ces dosages d’hémoglobine fixée au sucre en bonne et due forme. Et le retour d’information de l’Assurance maladie nous a parfois étonné. Cela interroge notre façon de travailler. Nous avons désormais un vrai échange avec la caisse d’assurance maladie, qui n’est pas uniquement d’ordre comptable», reconnaît le docteur Alain Leclerc, président du CSMF (Confédération des syndicats médicaux français) du Val de Marne. «En matière d’organisation également, beaucoup de médecins ont mis en place l’informatisation et les télé-services de manière très hétérogène au point de rendre les échanges compliqués. Les indicateurs nous aident à harmoniser nos outils», ajoute Alain Leclerc. «Pour le médecin, c’est une petite révolution. Car il est tout seul dans son cabinet et n’a pas l’habitude que l’Assurance maladie entre en dialogue avec lui », pointe Gilles Filiberti, directeur de la Caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne.
De la consultation individuelle à la santé publique
«L’un des enjeux qui sous-tendent ce dispositif est la prise de conscience de l’impact de nos consultations individuelles en termes de santé publique. Par exemple, lorsque je prescris un antibiotique, ce n’est pas seulement le patient mais son entourage que je peux rendre antibio-résistant. En Ile de France l’an dernier, 200 patients ont été hospitalisés pour résistance aux antibiotiques. Et nous, médecins de ville, sommes directement concernés. Car alors que ces résistances résultaient initialement de prescriptions hospitalières, la médecine de ville est désormais également en cause», reprend le président du CSMF Val de Marne.
Effets pervers pour les patients ?
«Les indicateurs ne vont donc pas forcément dans l’intérêt du patient mais d’abord du financeur, soulève pour sa part le docteur Didier Ménard, président du SMG (syndicat de la médecine générale), organisation qui a invité ses membres à refuser d’intégrer ce dispositif, car c’est la Caisse nationale d’assurance maladie qui a fixé les critères. Il y a en outre un risque que les médecins soient tentés d’éliminer les patients qui ne rentreront pas dans le cadre de ces critères. Dans mon cabinet, j’ai par exemple des patients diabétiques maghrébins qui repartent au bled l’été. Durant toute cette période, il est évident qu’ils ne vont pas aller faire les analyses qui leur sont prescrites en France.»
Environ 3500 euros de prime par médecin dans le Val de Marne
Instauré depuis janvier 2012, ce dispositif concerne tous les médecins généralistes et les cardiologues qui ne déclarent pas s’y opposer. Environ 5% ont souhaité de ne pas participer. Fin 2012, un premier bilan a été fait qui a donné lieu à une rémunération sur objectifs versée aux médecins en avril 2013. En moyenne dans le Val de Marne, 3500 euros ont été reversés à chaque médecin, ce qui représente environ 50% d’objectifs atteints, certains ont toutefois perçu jusqu’à 10 000 euros et d’autres rien du tout. «Pour l’Assurance maladie, ce n’est pas de l’argent versé en plus mais -à la place- d’une augmentation. Sauf que si l’on avait augmenté la consultation d’1 euros, cela aurait été sans retour», assure Gilles Filiberti. Au total, cette prime sur objectifs représente environ 5 millions d’euros sur un budget de l’Assurance maladie de l’ordre de 1,2 milliards d’euros dans le Val de Marne.
Je trouve que la mise en place de cette rémunération basée sur les efforts accomplis par les médecins est une très bonne chose en théorie.
Maintenant, il faut se méfier des effets de bord car comme le dit le médecin dans l’article, certains généraliste peuvent être tentés d’exclure des patients qui seraient “moins rentables” pour eux.
Une bonne initiative mais qui se doit d’être encadrée.
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