Maliens, Sénégalais, Gambiens… les Africains qui montent dans le camion benne à ordures de la société Sepur d’Alfortville au petit matin ne sont pas tout à fait sans papiers, sinon, ils n’auraient pas été embauchés, que ce soit en intérim, CDD ou CDI. Le seul détail est que ce-ne sont pas leurs papiers qu’ils utilisent mais celui d’un frère, cousin ou ami. Pour eux, c’est le seul moyen
de trouver un travail déclaré avec fiche de paie, impôts etc. De quoi mettre un peu de côté et envisager l’avenir. Hébergés dans un foyer à proximité, ils attendent le moment où ils pourront envisager une régularisation en bonne et due forme. L’employeur sait-il qu’ils sont sans papiers ? Dans le doute, ils ne font pas de vagues. Dans leur relation à l’entreprise, ils décrivent plutôt une bonne ambiance et pas d’esclavagisme, mais des négligences qu’ils n’osent pas contrarier. “Lorsqu’on oublie de nous payer des heures supplémentaires et qu’on nous propose de les payer le mois prochain, on dit oui, mais le mois d’après, c’est encore oublié“, confie l’un d’eux. “On ne refuse jamais ce que l’on nous demande“, ajoute un autre.
Pour la CGT, qui a fait des travailleurs sans papiers l’une de ses causes, la question est syndicale. Il ne s’agit pas de défendre la cause des sans papiers en tant que telle mais celle des “travailleurs sans papiers” en tant que salariés devant disposer des mêmes droits que les salariés avec titre de séjour ou Français. C’est dans ce contexte que le syndicat a décidé d’accompagner en grand comité de soutien (union départementale, CGT transports et CGT locale) la demande de régularisation de plusieurs employés de l’entreprise. C’est aussi pour cette raison que les salariés sans papiers ont fait appel à la CGT, parce que, de bouche à oreille, ils ont pensé que cela les aiderait.
L’entrepreneur, lui, se dit un peu piégé. “Lorsque j’embauche une personne étrangère, j’envoie systématiquement sa carte de résident à la préfecture pour validation avant de confirmer. Sauf qu’une carte peut être valide, confirmée par la préfecture, et en même temps partagée par plusieurs personnes. Pour l’employeur, c’est difficile à discerner. Mais nous ne sommes pas responsables“, explique Youri Ivanov, directeur général de la Sepur.
“Je ne comprends pas cette grève et me sens piégé car nous avons déjà mis en place des procédures de régularisation de salariés. Ce type de méthode pourrait aussi nous inciter à être encore plus drastiques à l’embauche”, prévient le directeur.
Débuts de discussion à la Sépur d’Alfortville
Après deux jours de piquet de grève tenu par une vingtaine de salariés et soutenue par des délégués CGT, sans empêcher l’activité de l’entreprise, le dialogue s’est malgré tout instauré entre le syndicat et la direction.
“J’ai demandé qu’une liste me soit transmise et, sur un effectif de 120 salariés, il a été noté 4 voir 5 CDI qui seraient à régulariser et pour lesquels j’ai donné mon accord de principe pour remplir les papiers nécessaires (ndlr : un formulaire et l’acquittement d’une taxe), indique Youri Ivanov. il y a également 5 CDD pour lesquels la discussion est en cours. En revanche, ce n’est pas à moi de prendre en charge les salariés en intérim ou qui ne travaillent plus ici mais aux agences d’intérimaires”, s’agace le directeur général. “Et ce n’est pas non plus à l’entreprise de négocier avec la préfecture pour que les dossiers aboutissent!”
“La discussion a été musclée mais a permis de prendre contact avec la direction générale, résume de son côté Benjamin Amar, membre de l’Union départementale de la CGT. “Il s’agit d’un bras de fer et nous avons commencé à obtenir le soutien de plusieurs élus et partis politiques de gauche“, indique-t-il. “Nous ne lâcherons pas les salariés et envisageons de monter le niveau de mobilisation, prévient-il. Nous attendons aussi des nouvelles de la préfecture à laquelle nous avons sollicité une audience. En attendant, le piquet de grève d’Alfortville est reconduit demain.”
Mise à jour 9/10 : Ce 9 octobre au matin, d’autres salariés se sont joints au mouvement et bloqué le départ des camions du site d’Alfortville, indique Benjamin Amar.
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