Sur quels critères définir les zones d’éducation prioritaire ? Quels moyens allouer ? Comment adapter la pédagogie ? Comment accompagner les enseignants ? Comment travailler avec les collectivités locales ? Autant de questions au cœur des préoccupations de la communauté éducative discutées à Créteil ce mercredi 20 novembre à l’occasion d’Assises de l’Education prioritaire organisées par la rectrice Florence Robine.
L’éducation prioritaire, qui consiste à allouer des moyens et une pédagogie spécifique aux écoles, collèges et lycées situés dans les zones urbaines dont les habitants sont les plus modestes, fait actuellement l’objet d’une évaluation qui doit donner lieu à de nouvelles mesures qui rentreront en vigueur à la rentrée 2014. C’est dans ce contexte que des assises sont actuellement organisées au sein des académies, à l’issue d’un premier diagnostic publié en juin dernier (à télécharger ici). A Créteil, le rectorat avait organisé une journée de travail ce mercredi 20 novembre et les syndicats étaient aussi sur le pont pour faire part de leurs revendications.
72 000 écoliers et collégiens en éducation prioritaire dans le Val de Marne
L’Académie de Créteil, qui recouvre les départements du Val-de-Marne, de Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne, est particulièrement concernée par l’éducation prioritaire. 33% des élèves de l’Académie sont en effet scolarisés dans des établissements relevant de l’éducation prioritaire, le record de France dont la moyenne est à 18%. Ce chiffre reflète d’importantes disparités entre les départements, voir le détail dans le tableau ci-dessous. Le Val de Marne se situe dans la moyenne de l’académie, avec 50 000 élèves de primaire (35% des effectifs) et 22 000 Collégiens (36%) alors que la Seine Saint Denis compte un collégien sur deux en éducation prioritaire et 42% des écoliers, et que la Seine et Marne ne compte que 13% des écoliers et 21% des collégiens.
Pédagogie, moyens, intégration dans la politique de la ville… ont animé le débat.
Valoriser les élèves
«Il faut valoriser ce qui est déjà acquis et pas seulement constater ce qui ne l’est pas, donner un statut à l’erreur qui doit devenir un véritable levier pour dépasser l’obstacle », plaide Anne Burban, inspectrice générale de l’Education nationale. «Il faut sortir de la logique de l’évaluation par la comparaison», renchérit Yannick Tenne, également inspecteur général de l’Education nationale. Des beaux discours ? «Les discours sont une première étape pour faire changer la réalité, mais ce-ne-sont pas seulement des discours. Au sein de l’Académie de Créteil, nous avons déjà mis en place le dispositif de l’évaluation par contrat de confiance (EPCC) dans plusieurs dizaines d’établissements », défend Florence Robine, rectrice de l’Académie. Gagner en souplesse, laisser s’exprimer les initiatives pilotes des établissements et des enseignants sans brusquer les choses et braquer les personnels reste un défi de longue haleine. «Egalité ne veut pas dire uniformité», plaide Florence Robine.
Une valorisation ou dévalorisation, qui passe aussi par l’orientation. Henriette Zoughebi, vice-présidente Front de gauche du Conseil régional d’Ile de France, regrette la «ségrégation par l’orientation» qui s’opère en fin de seconde, souhaitant toutefois que l’on redonne du sens aux filières professionnelles. L’élue rappelle aussi son opposition aux internats d’excellence auxquels elle préfère ceux de la réussite : «on ne veut pas élargir les élites mais la réussite de tous.» Florence Robine tente de contredire l’affirmation de ségrégation par l’orientation en indiquant que le rectorat de Créteil teste «le dernier mot aux familles» concernant l’orientation.
L’épineuse question des moyens
Avec quels moyens ? Sur cette question, les syndicats se sont invités au rendez-vous. A l’extérieur de l’amphi de l’université de droit où se tiennent les assises, une trentaine d’enseignants représentant le Snes, Sud Education et CGT Education, ont bravé le froid, drapeaux à la main, pour faire connaître leur réserve vis-vis de cette nouvelle concertation, justifiant leur présence par le fait «qu’aucune délégation représentant les personnels n’a été invitée aux assises», précise un tract de Sud Education. «De toutes façons, on a beau exprimer ce qui ne vas pas dans ce genre de consultation, cela ne transparait jamais dans les comptes rendus qui parviennent au ministère», regrette Dominique, du Snes Fsu. «C’est bien ces assises mais nous souhaiterions déjà que le nombre d’élèves par classes soit respecté, qu’il y ait de manière effective des infirmières et assistantes sociales, que les réseaux d’aide ne disparaissent pas en catimini et que le travail des enseignants hors temps d’enseignement dans la classe soit reconnu», défend Didier Rieu de Sud Education. Une requête que défend aussi Stéphane Troussel, président PS du Conseil général de Seine-Saint-Denis : «Les réunions avec les autres enseignants, le travail avec les parents et autres actions des enseignants doivent aussi être prises en compte dans le volume horaire de travail, et pas seulement le face à face pédagogique », défend-il en assurant être prêt à porter politiquement cette conviction.
Intégrer l’éducation prioritaire dans la politique de la ville
Le président du Conseil général du 93 insiste aussi sur l’importance de mettre à disposition des équipements scolaires dotés de lieux propices aux réunions, d’équipements sportifs, culturels… Pour Claude Dilain, sénateur PS de Seine-Saint-Denis et ancien maire de Clichy, l’éducation prioritaire ne peut être dissociée de la politique de la ville car «dans les territoires en difficulté, les élèves sont en difficulté». Le parlementaire plaide pour le contrat unique de la ville qui doit être prochainement défendu à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’étude de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. (ndlr : ces contrats seraient signés par l’État avec les collectivités pour la période 2014/2020 et devraient englober les dimensions sociale, urbaine, économique et environnementale). «L’Education nationale doit participer à l’élaboration de ces contrats dans leur partie éducative», souhaite le sénateur.
Quels critères de priorité ?
Comment décider quel établissement doit faire bénéficier des moyens de l’Education prioritaire ? Claude Dilain défend le critère unique du revendu médian. Un critère qui ne fait pas l’unanimité car il ne reflète pas forcément les problématiques spécifiques à tous les territoires, comme certaines zones rurales par exemple. Pour le syndicat Snes, la carte des établissements en zone d’éducation prioritaire doit absolument être réactualisée pour tenir compte de l’évolution de la population. Le syndicat évalue à 82 le nombre d’établissements supplémentaires qui devrait figurer en zone prioritaires au sein de l’Académie de Créteil (93-94 et 77).
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