Alors que les agents de l’hôpital psychiatrique Paul Guiraud de Villejuif entament leur cinquième semaine de grève dans une tension croissante (voir article précédent), pour protester contre le passage de 27 à 18 jours de RTT en contrepartie d’une journée de 7h36 au lieu de 8h, l’hôpital vient d’assigner en référé (procédure d’urgence) 40 agents,
dont les quatre responsables de sections syndicales (Fo, Sud, CGT et ex-CFDT) au Tribunal administratif de Melun le 7 juillet pour réclamer la fin de l’occupation des locaux administratifs de l’hôpital.
Une première assignation début juin, également pour mettre fin à l’occupation des bureaux de la direction, avait donné raison à la direction de l’hôpital (voir article) mais n’avait pas été suivie d’effet concernant l’évacuation. Dans sa nouvelle assignation, la direction réclame une astreinte de 500 euros par jour et par personne occupant les locaux. Pour motiver sa demande, la direction détaille l’occupation permanente de bureaux de la direction, le retrait de claviers d’ordinateurs, la sortie informatique de patients de l’hôpital (voir article), l’obstruction de serrures, des altercations violentes, le blocage des admissions… et fait état de de la demande plusieurs membres de la direction de bénéficier de la protection fonctionnelle.
“Beaucoup d’éléments sont exagérés et certains propos me sont prêtés que jamais je n’aurais osé prononcés“, s’étonne pour sa part Joël Volson, délégué Sud Santé, nommé à plusieurs reprises dans la requête de l’hôpital.
Communiqué de presse du syndicat SUD-santé de l’hôpital Paul Guiraud
Un terrible aveu d’incapacité au dialogue !
Aujourd’hui pour la seconde fois depuis un mois, les grévistes de Paul Guiraud sont trainés par la direction devant le juge.
Ils y sont accusés comme la première fois d’être des squatteurs, des occupants sans titre, ce qui est en soi une insulte à l’adresse d’agents qui sont dans LEUR établissement.
Pourtant les grévistes ont fait le geste de quitter les locaux de la direction, ce qui n’a pas fait renoncer celle-ci à maintenir le référé.
Quel terrible aveu d’échec pour cette direction de ne pouvoir rencontrer finalement son personnel qu’en présence d’un juge, faute d’avoir été capable de tolérer la parole de l’autre et d’accepter son écoute respectueuse.
Quel paradoxe dans un lieu de soins dédié à la préservation, ou à la restauration de l’équilibre psychique des individus, dans le respect de leurs droits et de leurs libertés individuelles. Comment réparer l’autre si l’on est victime au travail d’une “force déréglée qui porte atteinte à l’intégrité psychique pour la mettre en cause, dans un but de domination ou de destruction de l’humanité de l’individu” nous dit Blandine Berret Kriegel pour définir cette violence venue d’en haut.
Alors que les déclarations de principe sur la nécessité du dialogue social vertèbrent les discours de la ministre autant que de certains syndicats de directeurs, ce conflit révèle un nouveau mode managérial fondé sur la menace et sur la peur, en choc frontal avec une pratique professionnelle ancrée dans une culture institutionnelle de tolérance, d’aide, de solidarité et de soin, alors qu’il faudrait rechercher l’apaisement et la reconstruction collective.
Cette exigence de subordination hiérarchique est une violence que les cadres de proximité eux-mêmes ont fort bien fustigée dans leur motion récente.
La grève devient alors un espace de libération d’une parole trop longtemps refoulée par une direction qui décide seule, de tout, partout.
Notre mouvement a pu prendre des formes rapidement offensives avec l’occupation de locaux directoriaux, manifestation symbolique de limites posées à la toute puissance de l’injonction managériale. Il est à noter que cette occupation pas plus que celle de la cour d’honneur, n’a en rien constitué une entrave à la liberté du travail et celle de la libre circulation.
Depuis, ces locaux ont été rendus à la direction sans que celle-ci d’ailleurs ne respecte son engagement à ouvrir des négociations.
En revanche, la direction a multiplié les dérapages dont le plus marquant restera l’agression d’agents et de leurs enfants avec des photos d’enfants prises sur le lieu de l’occupation en violation de toutes les dispositions sur le droit à l’image et à la protection des mineurs.
Le comble de l’obscène a ensuite été dépassé avec une immixtion inqualifiable dans l’intimité et la vie affective des salariés, contre lesquels la direction a cru bon de signaler aux magistrats leurs dérives de parentalité. Les photos ont donné lieu à de vives réactions internes, et ont été finalement détruites, parce qu’elles représentaient des risques juridiques pour leur auteur, mais elles ont peut-être causé une blessure irréparable avec les dommages causés à la vie privée.
A la veille de l’audience chez le juge administratif, la direction de l’établissement a une fois encore menacé par courrier les agents assignés au tribunal.
Le management par la menace et la peur pousse de manière irresponsable à une radicalisation des positions, porte atteinte aux intégrités psychiques individuelles.
Pour autant le mouvement de résistance du personnel n’est pas entamé. Cette grève permet au personnel de vivre cet extraordinaire et salvateur moment d’expression solidaire et collective dont même les patients se réjouissent.
Le personnel sait que sa lutte est légitime. Il ne lui a pas été laissé d’autre moyen que cette grève pour se faire entendre.
Ensemble, nous avons refusé d’être la variable d’ajustement, de compenser les dérapages budgétaires, et de financer les besoins en investissements de notre hôpital.
Ensemble, nous avons mis en exergue que le dialogue interne institutionnel ne pouvait en permanence être mis en pièce et que les instances représentatives devaient jouer leur rôle.
Les initiatives prises par le CHSCT avec le déclenchement de deux expertises successives nous ont permis de placer la prévention du risque psycho-social au cœur de notre stratégie revendicative.
L’expertise décidée récemment par le CHSCT sur le projet 7 h 36 a un effet suspensif auquel le directeur a du se soumettre bien qu’il tente par tous les moyens de vider cette expertise de sa substance avant même qu’elle ait débuté.
S’il ne s’agit là que d’une mesure temporaire elle permet d’empêcher qu’au cœur de l’été à savoir le 1er août, le directeur puisse mettre en place son projet maléfique.
Nous nous félicitons du positionnement du corps médical et de l’encadrement de proximité, lesquels ont un caractère inédit et singulier alors que la loi HPST a pour but de les inféoder au directeur.
Si le directeur est très prolixe à destination des médias pour faire croire à sa disposition au dialogue, il démontre chaque jour, qu’il ne veut donner aucune chance à la négociation, aucune chance à une sortie de crise qui permette demain à chacun de reprendre le chemin de relations normalisées.
L’exigence d’une médiation exprimée à travers ce mouvement par les grévistes n’a pas été saisie par les pouvoirs publics alors qu’elle est désormais incontournable.
Les pouvoirs publics doivent comprendre que nous ne resterons pas enfermés dans le mythe de l’impossible gouvernance de PGV, dans un cycle de provocations managériales où après avoir conflictualisé les relations, les décideurs locaux s’érigent en perpétuelles victimes et appellent au secours, masquant par ce halo de fumée leurs réelles défaillances techniques tout autant que leur incapacité à considérer la place de l’autre.
Les managers actuels de l’établissement ont de toute évidence commis l’irréparable. Ils savent qu’ils quitteront à court terme l’établissement. Auteurs de dérapages inquiétants autant que de faux témoignages, Ils livrent ce conflit à la seule décision des juges dont on ne maitrise pas, par définition, le positionnement et l’effet des décisions sur l’après …
SUD santé propose « aux corps constitués » de se réunir au plus vite.
Face au danger que fait courir l’irresponsabilité de cette direction, malheureusement encouragée dans cette voie sans issue par ses tutelles. Nous pensons à SUD-santé qu’il est nécessaire qu’au plus vite se réunissent « les corps constitués » que sont les médecins, les cadres et les organisations syndicales, lesquels pourraient, dans l’intérêt de l’établissement, prendre l’initiative de s’adresser ensemble aux pouvoirs publics. SUD proposera à l’intersyndicale d’être à l’initiative d’une telle rencontre.
Syndicat SUD-santé du groupe hospitalier Paul Guiraud Villejuif / Clamart
Villejuif le 7 juillet 2014
D’un qui est un ancien inspecteur du travail (un costume un peu difficile à porter à Paul Guiraud ces temps-ci),ancien élu local du Val-de-Marne et présentement coach et médiateur en entreprise, et qui s’interroge : mais qu’attend le Ministère de la Santé dans cette affaire ?. D’y envoyer la troupe et de la faire tirer, d’un remake de Germinal ?
A quoi rêve-t-on ? Que des salariés vont se voir retirer 9 jours de liberté, soit presque deux semaines par an, en disant ” Merci notre bon maître ” ?
Est-ce que les préoccupations de productivité, que partagent toutes les entreprises, passent nécessairement par la brusquerie ?
Et dans un lieu où l’on fait métier de se préoccuper de la subjectivité, est-ce si difficile de se préoccuper de ce que les uns et les autres ont à se dire ?.