Entreprises | | 23/11/2014
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Comment sauver les Studios de Bry ?

Comment sauver les Studios de Bry ?

C’est un peu la seconde mort de la SFP (Société française de production) qui se joue ces jours-ci avec la revente des terrains des Studios de Bry. Née en 1974 de l’éclatement de l’ORTF (l’établissement d’Etat qui contrôlait radio, télévision et production audiovisuelle nationale de 1964 à 1974),  la SFP, s’était installée à Bry-sur-Marne en 1993, face à L’Institut national de l’audiovisuel (Ina), autre entreprise publique issue de l’ORTF. 

A l’époque, elle avait alors revendu à Bouygues, pour en faire des immeubles résidentiels, ses studios des Buttes Chaumont (Paris 19e), eux-mêmes érigés après un incendie à l’emplacement de l’ancienne Cité Elgé (initiales de Louis Gaumont) où furent filmés les Fantômas de Louis Feuillade. Avant d’installer son siège, la SFP avait entrepris dès 1978 la création de huit nouveaux studios sur le site de Bry, à l’aise sur 25 hectares. Mais l’entreprise publique reste déficitaire, malgré plusieurs plans de réduction du personnel. Finalement, la société est revendue en 2001 à Euro Media Télévision (devenue depuis Euro Media Group) associée avec Bolloré pour avaler ce gros morceau(70% pour Euro Media, 30% pour Bolloré). 130 des 410 salariés sont repris. Depuis, le groupe de prestations audiovisuelles, qui capte aussi bien les grands événements sportifs type coupe du monde ou JO que les émission phare telles The Voice ou Masterchef, s’est imposé comme l’un des leaders européens au gré de ses fusions et acquisitions (la fusion en 2007 avec la société néerlandaise UBF Media Group l’a fait doubler de taille d’un coup). En avril dernier, Euro Media Group annonce son acquisition par PAI Partners, l’un des principaux fonds d’investissement européens.

Studios de Bry sur Marne

En toute logique industrielle, Euro Media Group, qui a fortement investi dans des studios de nouvelle génération dont les dernières tranches restent encore à livrer, dans la Zac Landy Pleyel de la Plaine Saint Denis, à deux pas de la Cité du cinéma de Luc Besson et d’autres studios et plateaux, fait des arbitrages. Et entre la porte nord de Paris et sa nouvelle dynamique cinéma s’appuyant sur le cluster Pole media Grand Paris, et les bords de Marne de l’Est parisien, dont l’âge d’or du cinéma s’est éteint avec la fin des studios de Joinville au début des années 90, l’opérateur n’a pas tranché du côté des guinguettes.

Des studios qui ne vont pas mal

Pourtant, les studios de Bry ne vont pas mal du tout. Remplis à plus de 70% selon les professionnels qui y travaillent, ils accueillent actuellement les séries Versailles pour Canal+ et Trepalium pour Arte, et nombreuses sont les oeuvres sorties de cette Cinecittà du Val de Marne. Le hui-clos Carnage de Roman Polanski, qui met en scène deux couples de New-Yorkais, y a été intégralement tourné alors que son réalisateur ne peut retourner aux Etats-Unis. François Ozon y a également tourné Dans la maison (photo de une) et Jean-Pierre Jeunet une partie de Micmacs à tire-larigot et Un long dimanche de fiançailles… Même le blockbuster Hunger Games y a réalisé quelques scènes.

Pétition

C’est dans ce contexte que l’Association des Chefs Décorateurs de Cinéma (ADC) et l’Association des Métiers associés de la Décoration (MAD), soutenues par une douzaine d’autres associations de professionnels du cinéma et rapidement signée par plusieurs réalisateurs de renom, à commencer par les Jeunet, Ozon, Polanski… ont lancé une pétition pour appeler au “maintien en activité du meilleur studio de France”, qui a déjà obtenu près de 3700 signatures en ligne.

Dans un communiqué accompagnant leur pétition, les associations défendent les qualités spécifiques aux studios de Bry comme le décor extérieur, les huit plateaux de tournage, les ateliers de décoration très complets (menuiserie, peinture, tapisserie, serrurerie…) et encore les stocks exceptionnels de meubles, d’accessoires et de tissus.

Studios de Bry Exterieur

Les associations craignent que les studios disparaissent purement et simplement dans une opération immobilière comme d’autres avant eux. “Après enquête, les studios ont été vendus à un marchand de biens, adossé à un investisseur brésilien, spéculant vraisemblablement sur une flambée des prix à venir avec les opérations d’aménagement du «Grand Paris». Seule une première partie de la transaction (12 millions sur 32 millions) a été versée”, s’alarment les auteur de la pétition dans leur communiqué.

Un règlement d’urbanisme incompatible avec une reconversion en logements

Pour l’heure toutefois, le plan local d’urbanisme (PLU) de Bry-sur-Marne ne permet pas, en son état actuel, l’implantation de logements mais seulement d’activités économiques, une destination confirmée dans le Contrat de développement territorial des Boucles de la Marne.

Un voeu voté par le Conseil municipal

Début novembre, le Conseil municipal de Bry-sur-Marne a voté  l’unanimité un voeu sur la situation des Studios Euro Media de Bry-sur-Marne qui “invite l’ensemble des partenaires concernés (Euromedia, Etat, Collectivités, investisseurs, professionnels du secteur…) à travailler de manière collective et constructive pour trouver des solutions de revitalisation du site, à travers un plan stratégique ambitieux visant à mettre aux normes le site actuel, à travailler à la constitution d’un véritable pôle moderne autour des métiers de l’image” et “demande à Mme Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, et à M. Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, de se saisir de ce dossier et de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour explorer toutes les possibilités qui permettraient de maintenir et développer l’activité des studios de Bry.”

Nous nous étonnons cependant du refus que la première adjointe au maire a opposé à notre demande d’informations sur l’existence éventuelle de permis de construire ou de démolir que la municipalité aurait accordée sur le site des Studios de Bry”, réagit de son côté le conseiller d’opposition PS Johan Ankri, dans un communiqué, qui rappelle avoir également déposé un voeu.

Interpellation de Jean-Pierre Spilbauer au Conseil régional

Ce vendredi 21 novembre, le maire-conseiller régional  a également défendu la cause des studios auprès des élus de la région. «Nous sommes élus d’une région et d’un pays qui dépensent chaque années des millions d’euros – et à raison ! – pour garder nos tournages en France, pour éviter qu’ils se délocalisent, pour défendre notre excellence en matière de cinéma et d’audiovisuel… qui pourrait comprendre que dans le même temps on sacrifie 50% des surfaces de tournage d’Ile de France sur l’autel de la spéculation foncière et immobilière ?» a ainsi posé l’élu en séance plénière.

La sénatrice questionne la ministre

La sénatrice PCF du Val de Marne Laurence Cohen a pour sa part déposé une question écrite auprès de la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin (Question n° 13919 à publier le 27/11/2014). “La fermeture annoncée des studios serait une très mauvaise nouvelle pour toute la profession (réalisateurs, chefs décorateurs, directeurs de production, assistants-réalisateurs etc) et pour toute l’industrie du cinéma et de la fiction“, prévient la sénatrice qui demande à la ministre comment elle entend soutenir les studios de Bry-sur-Marne.

Dans une vidéo destinée à soutenir les studios, le décorateur Alain Veyssier, qui rappelle le très bon taux de remplissage des studios, évoque pour sa part la la formule de société coopérative (Scop).

Symbole de l’importance du sujet dans la profession,  l’avenir des studios de Bry sera ce lundi 24 novembre l’objet de la dernière table-ronde des Rencontres de la Commission supérieure technique de l’image et du son, à 16h30 à l’Espace Cardin de Paris.

Voir la pétition
Voir la page Facebook du collectif Sauvons les Studios de Bry
Voir le site d’Euro Media Group

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