Société | | 26/05/2014
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Conf et manif : retour sur la venue de l’anti-ABCD de l’égalité Farida Belghoul à Créteil

Conf et manif : retour sur la venue de l’anti-ABCD de l’égalité Farida Belghoul à Créteil

Farida Belghoul Creteil 24 mai 2014Environ 60 personnes sont venues écouter Farida Belghoul, initiatrice de la journée de retrait de l’école (JRE) pour protester contre l’ABCD de l’égalité ce samedi 24 mai à Créteil, à l’invitation du collectif Familles 94. Dehors, autant de manifestants étaient au rendez-vous pour protester. Reportage.

Rappel du contexte
L’ABCD de l’égalité est un dispositif initié par l’Education nationale pour lutter contre la formation des inégalités dès le plus jeune âge, en agissant sur les représentations des élèves et les pratiques des acteurs de l’éducation grâce à des outils pédagogiques et une sensibilisation des enseignants. L’Education nationale rappelle qu’il ne s’agit pas de nier les différences biologiques entre les sexes mais de lutter contre les inégalités sociales qui en découlent, et s’appuie sur l’article 121.1 du code de l’Education  pour légitimer son devoir d’agir.
Le Collectif Familles 94 est une association créée en août 2013 dans le sillon de La Manif Pour Tous, mouvement de protestation contre la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, mais en toute indépendance ce dernier. Il se mobilise aujourd’hui contre la mise en œuvre de l’ABCD de l’égalité qu’il considère comme une remise en question de la différenciation entre les hommes et les femmes.

C’est sous une pluie lancinante que se sont affrontés verbalement militants de la Ligue des droits de l’homme, du Front de Gauche, EELV et autres formations politiques ou syndicales, et les organisateurs de la conférence. Le ton monte vite tant l’engagement est viscéral de part et d’autre. D’un côté, les manifestants défendent l’égalité entre les sexes, s’alarment d’une remise en question de cet acquis fondamental et insistent sur la nécessité de lutter contre les préjugés persistants et parfois inconscients dès l’école pour défendre et faire progresser cette égalité, tout en reconnaissant les différences physiologiques entre les hommes et les femmes. De l’autre, on craint que la déconstruction des stéréotypes n’entraîne un effacement de l’identité sexuelle et une perte de repères. «Lorsqu’il n’y aura plus aucun repère, tout semblera permis, y compris des actes pédophiles», pointe Estelle Debaecker, ancienne édile (1995-2001) de Nogent-sur-Marne.

Dans cet échange à vif, même le choix des mots fait querelle. «Nous sommes contre la théorie du genre, l’idéologie du genre», lance un homme un peu âgé. «Il n’y a pas de théorie du genre mais seulement des études de genre», lui rétorque une manifestante. Lire à ce sujet la page de discussion relative à l’article Etudes de genre de l’encyclopédie en ligne Wikipédia, qui témoigne de l’extrême sensibilité dans l’utilisation des termes.

Au-delà de la question des genres, les personnes qui sont venues écouter Farida Belghoul, ont d’autres motifs de colère. «L’école devrait d’abord apprendre à lire, écrire, compter. Je maîtrise moins bien la lecture et l’écriture que ma mère qui elle-même la maîtrise moins bien que ma grand-mère», lance un jeune père de famille. «Cela n’a rien à voir avec la question du genre», lui répond-on. «Si il y a un lien, reprend une autre mère de famille. Nous souhaitons que l’école se recentre sur lire, écrire, compter et laisse les familles éduquer leurs enfants. Aujourd’hui, il y a tellement d’autres activités que les élèves n’ont plus le temps d’apprendre les bases.» Un peu plus tard, Farida Belghoul reviendra sur le sujet, dénonçant les pédagogies constructivistes et aussi la méthode globale, pourtant utilisée avec parcimonie par des enseignants qui font le plus souvent leur mix entre plusieurs approches pour apprendre à lire.

Arrivée peu après 16 heures sous les huées des manifestants qui se pressent autour de son véhicule, l’oratrice s’engouffre dans le restaurant où se tient la réunion. La salle se remplit rapidement d’une soixantaine de personnes de tous les âges et tous les sexes, de femmes musulmanes au foulard bien ajusté aux familles catholiques pratiquantes. Quelques enfants trompent le temps avec une tablette et une poussette occupe également l’espace. Des membres du collectif Copie (Collectif de parents dans l’intérêt de tous les enfants à l’école) initié à Chennevières-sur-Marne, sont aussi au rendez-vous. Ex-leader de Convergence 84, une marche qui avait fait suite à la marche des beurs de 1983, Farida Belghoul sait tenir son auditoire et déroule pendant près de deux heures son argumentation avec aisance, provoquant même l’hilarité lorsqu’elle mime la difficulté d’aller faire remplir le questionnaire de la Manif pour tous (qui vient de lancer une «consultation nationale sur le gender») auprès des vacanciers à la plage. La militante, qui n’est pas soutenue par le mouvement, en critique l’élite ainsi que celle de tous les partis en place. Elle défend en revanche son rapprochement avec Dieudonné pour promouvoir la JRE auprès des jeunes des quartiers populaires.

Inspiration religieuse

Farida Belghoul inscrit aussi clairement son combat dans une dimension religieuse, n’hésitant pas à évoquer Jeanne d’Arc. «Le combat est spirituel et je fais appel aux croyants. Le christianisme et l’Islam doivent s’allier pour sortir des ténèbres», annonce-t-elle, pointant comme adversaire «le monde LGBT». «Faisons le petit pas de l’homme, dieu fera les dix pas qui restent», faute de quoi, reprend-elle comme dans un prêche, «vous emprunterez des chemins qui ne mènent pas au ciel». Interrogée sur sa position par rapport à la laïcité,  la militante indique ne pas se reconnaître dans la laïcité telle que définie par l’ancien ministre de l’Education, Vincent Peillon qu’elle considère comme une religion voulant abattre toutes les autres et qui relève “d’une idéologie et non d’une révélation“.

Création d’une nouvelle fédération de parents d’élèves

En termes d’action, Farida Belghoul annonce la création d’une nouvelle fédération de parents d’élèves, qui se dénommera Fapec pour Fédération autonome des parents d’élèves courageux, et qui sera portée sur les fonts baptismaux les 16 et 17 juin. Objectif : militer contre l’ABCD de l’égalité, organiser des journées de retrait de l’école, épauler juridiquement les parents, proposer des cours d’orthographe, mathématiques, histoire de France… et produire du contenu culturel avec notamment des livres ou des spectacles. A ce propos, elle n’est pas venue les mains vides. Une pile de son premier livre pour enfants «Papa porte un pantalon et maman porte une robe», publié par son association REID, attend pour la séance de dédicaces.

«J’ai apprécié dans son discours, sa clarté, sa cohérence et son pragmatisme avec des actions concrètes à mener comme la journée de retrait, qui est une forme d’action non-violente, réagit Benoit de Dieuleveut, président du Collectif Familles 94, à l’issue de la conférence. Je me distancie davantage de la teinte religieuse de son discours qui me semble inutilement anxiogène, même si je suis personnellement croyant

De la JRE dans le Val de Marne

En France, la JRE a annoncé il y a quelques jours que 47 106 personnes avaient retiré leur enfant de l’école le 12 mai, dont 11 278 en Ile de France. «A l’école Romain Rolland de Fontenay-sous-Bois, une dizaine de familles ont retiré leur enfant. J’ai appelé les parents un par un pour discuter avec eux et ils ont tous compris qu’ils avaient été manipulés, indique Annie Jubert, directrice de l’établissement et par ailleurs présidente de la Ligue des droits de l’homme du Val de Marne. Dans certaines écoles, des fédérations de parents d’élèves ont été infiltrées par des opposants à l’ABCD de l’égalité», ajoute-t-elle. Ainsi à l’école Paul Langevin de Fontenay-sous-Bois, trois élus ont été exclus de la fédération FCPE. «Ils ont été exclus suite aux faits qu’ils colportent de fausses informations sur une prétendue «théorie du genre» dans le cadre d’une campagne de dénigrement cherchant à faire peur aux parents d’élèves en leur faisant croire à une conspiration. (…) La lutte pour l’égalité entre les filles et les garçons et contre l’homophobie a toujours été dans nos priorités», indiquent les élus FCPE de l’école dans un mot aux parents. «Ce mot avec le nom des parents exclus a été placardé devant l’école alors qu’ils voulaient simplement questionner le sujet», dénonce pour sa part une des organisatrices de la réunion.

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