Plusieurs familles de Roms installées depuis novembre 2012 dans une maison inoccupée au pied du RER d’Ablon-sur-Seine, après avoir été, pour certaines d’entre elles, expulsées de Villejuif, viennent de perdre en appel la requête en référé déposée par la SNCF, propriétaire des lieux, après leur victoire en première instance en octobre 2013.
La cour d’appel de Paris a motivé sa décision d’ordonner l’expulsion sans délai de ces familles en raison de l’occupation illégale des lieux et de la “situation dangereuse” résultant de cette occupation, détaillant que “la maison et le terrain en contrebas de la voie SNCF donnent un impression d’abandon et ressemblent à un dépotoir, que le terrain est en terre battue boueuse, recouverte de tas de détritus, de ferrailles, de matériels divers, de débris de meubles, que la porte de l’entrée principale est cassée, de même que les fenêtres et les volets de la maison, qu’à l’intérieur de la maison, tout est très sale, les sols, les murs, les plafonds sont hors d’usage, les portes sont cassées, des branchements électriques sommaires ont été faits sur les compteurs extérieurs bien que ceux-ci aient été condamnés avec un affichage des services ERDF annonçant un «danger de mort»…”.
“Il est regrettable qu’aucune solution n’est pu être trouvée pour légaliser cette occupation” regrette pour sa part Serge Leyronnas du collectif Romeurope. “Auparavant, cette maison de la SNCF avait légalement servi d’accueil à des familles maliennes, en accord avec la préfecture” explique t-il, témoignant par ailleurs de la démarche d’intégration des occupants actuels. “Trois enfants sont scolarisés en primaire et deux adolescents étaient sur le point de l’être au collège. Deux adultes devaient également s’inscrire à Pôle Emploi. Nous avons écrit à la préfecture pour demander qu’un diagnostic social soit réalisé, conformément à la directive en cours, mais nous n’avons pas de nouvelles.”
Conseiller général MRC du canton, Daniel Guérin approuve en revanche cette décision. “Les responsables de la SNCF, avec qui j’ai été en contact dès mercredi soir, m’ont confirmé que l’ordonnance d’expulsion serait notifiée aux intéressés dès la semaine du 5 mai et qu’ils requerraient si nécessaire la force publique pour obtenir l’évacuation” détaille t-il dans un communiqué. “De mon côté, j’ai immédiatement écrit à Monsieur le Préfet du Val-de-Marne, avec lequel j’ai évoqué cette situation à plusieurs reprises notamment lors de sa venue à Ablon et lorsqu’il m’avait reçu sur ce dossier à l’automne dernier, afin qu’il fasse procéder à l’évacuation du squat dès que la SNCF le sollicitera. J’ai toute conscience du caractère humainement douloureux des expulsions, mais je ne peux admettre qu’une telle situation perdure si longtemps, dans des conditions d’illégalité évidentes et de dangerosité et d’insalubrité qui mettent en danger les riverains comme occupants eux-mêmes. Je souhaite donc que l’évacuation du site intervienne le plus vite possible maintenant.”
Aujourd’hui, trois familles -dont neuf mineurs- seraient encore sur les lieux, issue d’une même fratrie. “Je suis venu directement de Roumanie ici il y a onze mois, mais ma femme est arrivée il y a trois jours seulement” explique un des aînés du groupe résidant, d’origine roumaine et hongroise. “Cette expulsion est terrible pour nous, car aucune solution de relogement n’a été proposée” poursuit-il, “j’ai essayé d’aller à la mairie il y a quelques jours mais ils ne veulent pas dialoguer avec nous. La seule chose qu’ils nous proposent sera de dormir quelques jours à l’hôtel.” L’homme précise souffrir de problèmes de santé. “En France les médicaments coûtent moins cher qu’en Roumanie, je voudrais rester ici pour être soigné et obtenir une allocation pour handicapés” détaille t-il.
Dans le voisinage immédiat, une institutrice retraitée se préoccupe également de leur sort. “Ablon est une toute petite ville, il n’y a pas de terrain ici alors je ne sais pas où ils vont aller…” s’interroge-t-elle. “On a jamais eu de problème, jamais ils ne nous ont accosté ou importuné, ils sont discrets. On les voit juste rentrer et sortir dans leurs véhicules.” Ce sont plutôt les conditions sanitaires obsolètes dans lesquels vivent ces familles qui inquiètent cette voisine. “Ce qui fait mal au cœur, c’est de voir les enfants qui font des allers-retours pour aller chercher de l’eau au cimetière” déplore t-elle, “depuis le départ de la précédente famille, il n’y a pas eu de travaux et cela doit être dans un état d’insalubrité terrible, ce n’est pas possible pour des enfants de vivre comme ça.” L’ex institutrice redoute également qu’un accident survienne, notamment un incendie, comme cela est déjà arrivé à deux reprises sur des campements de Roms à Orly, en 2010 et 2011. “Si il y a un accident, on regrettera de ne pas leur avoir tendu la main… mais on se sent impuissant, que peut-on faire concrètement pour les aider ?” Selon elle, qui envisage d’autres solutions, l’expulsion ne fera que déplacer le problème. “Sachant qu’il y a un terrain vague attenant à la maison qu’ils occupent, il y aurait la place d’y construire des logements sociaux.”
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