Tripatouillage électoral, hold-up démocratique… sur les bancs de la droite et du centre, les qualificatifs n’ont pas manqué pour dénoncer le nouveau découpage des cantons du Val de Marne qui faisait l’objet d’un avis consultatif par le Conseil général ce lundi 20 janvier, après une courte présentation par préfet.
La nouvelle carte comprend 25 cantons qui seront dès 2015 représentés chacun par un homme et une femme.
Principal objet de la contestation : la différence de taille moyenne entre les cantons de droite et les cantons de gauche. Si la moyenne des 25 cantons du département est de 53 109 habitants, chacun d’entre eux se situe dans une fourchette de plus ou moins 20%, à l’exception du canton de Nogent-Le Perreux, le plus grand, qui, avec 64 157 habitants, dépasse de 20,80 %. Une exception destinée à éviter de découper un morceau d’une des deux villes, a motivé le préfet. «Curieusement, les 9 cantons qui présentent le nombre plus faible d’habitants sont tous, d’après les projections électorales, favorables à la majorité départementale actuelle. Quant aux 7 cantons présentant le nombre plus élevé d’habitants, 6 d’entre eux seraient favorables à la droite et au centre. Cela signifie par exemple que, pour un même nombre d’habitants, à savoir un peu moins de 130 000 environ, la droite obtiendrait 4 conseillers généraux à Saint-Maur quand la gauche en récupèrerait 6 sur les cantons de Vitry et du Kremlin-Bicêtre», a dénoncé Olivier Capitanio, président délégué du groupe UMP. «1 électeur de droite vaut 0,7 électeur de gauche», a également calculé Jacques Leroy, conseiller général UMP de Saint-Maur-des-Fossés.
Quid des petites formations ?
«C’est l’existence même du groupe centristes et indépendants qui se trouve menacée, a mis en garde Dominique le Bideau, conseillère générale sans étiquette à Vincennes. Le canton de Saint-Mandé (ndlr : dont le conseiller général est Jean Eroukhmanoff, l’un des trois membres du groupe) est rattaché à Vincennes et le canton de Chennevières, qui a élu Jean-Pierre Barnaud en 2011, disparaît tout simplement.»
Sur la méthode, les élus ont regretté de ne pas avoir été consultés chacun sur les modifications de leur canton ni de pouvoir dialoguer en direct avec le préfet lors de la séance, celui-ci n’étant présent que pour présenter le projet, laissant le débat politique se tenir en interne de la séance du Conseil général.
Daniel Breuiller, président du groupe écologiste, s’est associé à l’opposition pour regretter le renforcement du bipartisme et le manque de consultation des élus et conseillers généraux mais a rejeté les dénonciations de charcutage électoral, renvoyant aux redécoupages opérés par de précédents gouvernements, citant notamment le découpage arbitraire de Gentilly.
Tout en approuvant la conformité du nouveau découpage, Pascal Salvodelli, président du groupe Front de Gauche, a aussi regretté que cette loi ne s’accompagne pas de la mise en place de la proportionnelle et qu’elle renforce le bipartisme, mais reconnu la nécessité d’un dispositif contraignant pour imposer la parité, le rééquilibrage du nombre d’habitants entre les cantons et la recherche d’harmonisation des périmètres des villes.
La première assemblée à nombre pair
De son côté, Christian Hervy, conseiller général-maire de Chevilly, a souligné que pour la première fois, une assemblée serait dotée d’un nombre pair d’élus, alors que toutes les assemblées (de la commune au parlement) sont toujours constituées d’un nombre impair pour que puisse se dégager une majorité.
Daniel Guérin, conseiller général MRC d’Ablon-Villeneuve-le-Roi, a insisté sur la nécessaire parité que permet de nouveau découpage. «Dans certains départements, il n’y a aucune femme au Conseil général», a-t-il rappelé. Il a également apprécié qu’ait été préservée la territorialité des élus. Le groupe PS ne s’est pas exprimé directement par son président de groupe mais par la voix de son conseiller MRC.
Attention aux seuls calculs arithmétiques, a tempéré Christian Favier, président du Conseil général «Aujourd’hui, les cantons de gauche sont les plus peuplés et cela ne les empêche pas d’être majoritaires.»
Dans le détail, les mécontentements se sont cristallisés sur quelques cantons bien précis.
Vincennes et Saint-Maur en colère
Si certaines villes ont pu être réunies en un seul ou deux cantons grâce au redécoupage, à l’instar d’Alfortville, Ivry-sur-Seine, Maisons-Alfort, Villejuif, Créteil et Vitry, ou regroupées dans leur intégralité avec d’autres villes, plusieurs communes ont en effet été réparties avec d’autres cités sur plusieurs cantons. C’est le cas de Saint-Maur-des-Fossés dont une partie des cantons St Maur Est et de La Varenne se retrouvent avec Bonneuil-sur-Marne, Ormesson et Sucy-en-Brie. «Il n’y a aucune continuité territoriale à Saint-Maur», a regretté Nicolas Clodong, conseiller non inscrit. «Aucune cohérence géographique ni de bassin de vie dans ce canton», a ajouté Jacques Leroy.
C’est aussi le cas de Vincennes. «Ce découpage n’a pas de sens. 9000 habitants de Vincennes Est sont rattachés de façon arbitraire à plus de 52 000 habitants du canton de Fontenay-sous-Bois», s’est exclamée Dominique Le Bideau. «Ce découpage prend un tour surréaliste, a renchéri Catherine Procaccia (UMP). Vincennes, de par sa population, aurait logiquement pu constituer un canton à part entière. Alfortville, commune du premier fédéral socialiste, a eu son canton avec moins d’habitants.»
Dans les villes restées entières mais accolées à d’autres, les élus ont dénoncé le choix des associations. «Bry-sur-marne se retrouve avec Villiers-sur-Marne et Le Plessis-Trévise alors que ces villes ne sont pas dans la même circonscription ni même communauté d’agglomération. Bry est tournée vers la Marne et les villes du Perreux, Nogent et Champigny, avec qui elle partagent un tissu associatif commun et un certain nombre d’actions. Elle n’est pas tournée de l’autre côté de l’autoroute A4», a regretté Dominique Roblin, conseiller général UMP de Bry.
A gauche, quelques cantons ne sont pas à la fête non plus, qu’il s’agisse de celui de Bonneuil-sur-Marne, rattaché à Saint-Maur, Ormesson et Sucy, ou de Chevilly-Larue, rattaché à Thiais et Rungis. «Nous sommes la victime expiatoire du redécoupage», a commenté avec philosophie Christian Hervy, conseiller général-maire de Chevilly-Larue.
Question d’appellation
Plusieurs conseillers ont également demandé de renommer leur canton, Pierre-Jean Gravelle souhaitant que le canton de Boissy-saint-Léger qui comprend huit communes soit rebaptisé canton du plateau briard, Jacques JP Martin, conseiller général – maire de Nogent-sur-Marne, que le canton du Perreux (qui comprend aussi Nogent) soit appelé Nogent car c’est la ville sous-préfecture, et Jean-Daniel Amsler que le canton de Saint-Maur 2 soit renommé canton de Sucy. Des oppositions s’étant faîtes entendre, il a été convenu entre les conseillers de laisser les appellations telles qu’elles ont été décidées réglementairement, en fonction de la ville la plus peuplée du canton.
Au final, le Conseil général a donné un avis favorable au projet à la majorité. Centristes, non-inscrits et droite ont voté contre, PCF et PS-MRC ont voté pour et écologistes se sont abstenus. Cet avis de conformité, qui n’a qu’un caractère consultatif, sera transmis à l’Etat, et la nouvelle carte, une fois validée, rentrera en vigueur lors des élections cantonales de 2015 qui éliront les premiers conseillers départementaux paritaires.
Des nouveaux cantons, pour combien de temps ?
Comme l’ont rappelé à plusieurs reprises les conseillers généraux, il reste savoir combien de temps les conseils généraux de la petite couronne parisienne existeront encore, alors qu’une étude d’impact de leur suppression est actuellement en cours et devrait être remise à la ministre de la réforme de l’Etat dès cet été (voir article sur ce sujet). Le Conseil général a du reste adopté lors de cette même séance un vœu pour exiger un débat démocratique sur ce sujet.
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