Ouvrir sa fenêtre le matin et entendre le ronron permanent de la circulation, rentrer le soir et assister à la ronde incessante des voitures… Sur le papier, ça ne fait pas rêver. C’est pourtant le quotidien de celles et ceux qui vivent «au-dessus» du périphérique, emprunté chaque jour par un million de véhicules polluants et vibrants. Surprise: les habitants de la résidence Mirabeau-Marceau, à cheval entre Ivry et Paris,
ne supportent pas si mal cette proximité et ses nuisances. Et là où l’on s’attendait à trouver, à l’image de nombreuses zones périphériques, un immeuble abîmé aux habitants présents faute de mieux, nous rencontrons tout autre chose. Reportage.
Cet article est proposé dans le cadre d’un partenariat éditorial avec le mensuel Le 13 du Mois, qui, comme son nom l’indique, traite avant tout du treizième arrondissement. A l’heure du Grand Paris, il invite aussi régulièrement ses lecteurs intra-muros à se plonger au-delà du périph’. Ce mois-ci, c’est précisément “au-dessus” du périph’ que Le 13 du Mois a pris de la hauteur. Bonne lecture.
L’une des façades donne sur la rue Pierre-Joseph-Desault dans le 13e. Pourtant, la copropriété est domiciliée rue Marceau, à Ivry. Découpé en cinq escaliers, le bâtiment de neuf étages compte 157 appartements allant du 2 au 4 pièces. C’est une construction datant de la fin des années 1950, en béton gris, égayée par les quelques arbres, buissons et fleurs du jardin qui l’entoure. Pas farouches, de gros chats tigrés se laissent volontiers caresser entre deux roulades sur les carrés d’herbe bien taillée. De quoi faire oublier qu’on est au bord du périphérique. Un premier habitant sort de l’immeuble, un deuxième, un troisième. Interrogés sur le bruit, tous répondent du tac au tac : «Le double vitrage, il n’y a que ça de vrai…» OK, mais quand on ouvre sa fenêtre ? Est-ce qu’il n’y a pas de quoi devenir fou ? Et les gaz des pots d’échappement ? «On s’habitue à tout, c’est peut-être triste, mais c’est comme ça !» Un brin découragés, d’autant plus que la gardienne nous regarde un peu de travers, nous rebroussons chemin quand surgit une jeune femme souriante. Elle s’appelle Carine Martin. Âgée d’une trentaine d’années, cette prof de lettres classiques dans un collège de banlieue a acheté son appartement il y a neuf ans. Situé au dernier étage, il offre une vue imprenable sur le périph’. Rendez-vous pris chez elle le lendemain soir.
Magnifiques couchers de soleil
Carine nous accueille dans son petit salon. Autour d’elle, des étagères pleines à craquer de livres, de figurines de manga et de bibelots rapportés de ses voyages en Asie. Aux murs, des paysages japonisants. La lumière est tamisée. Les fenêtres closes, le bruit n’est pas plus gênant qu’ailleurs. Une fois ouvertes, c’est une autre histoire. «Ayant vécu près d’une gare, le bruit n’est pas vraiment un problème pour moi. J’ai quand même fait poser des doubles vitrages dès que je me suis installée», raconte-t-elle. Avant de signer, elle a visité deux autres appartements dans son immeuble dont un au niveau de la route, «nez» sur le périph’. «Plutôt déprimant.» Ici, ce qu’elle apprécie par-dessus tout, c’est la vue dégagée. «Je ne me lasse pas de regarder les orages et les couchers de soleil, il y a des reflets sur les murs anti-bruit d’en face, c’est vraiment très joli.» Nous n’avons pas eu la chance d’assister à ces spectacles mais à 18 heures, nous avons pu voir les phares des voitures comme autant de petites lueurs dans la nuit. Propriétaire heureuse, Carine avoue toutefois avoir cherché à acheter à Paris. Tout était cependant au-dessus de ses moyens : «C’était impossible de trouver un 40 m2 en bon état avec une vraie cuisine et une salle de bains qui ne soit pas un placard ! Ici, c’est le bon compromis, il me suffit de marcher quelques pas pour être dans Paris.»
La vie avant le périph’
Quelques décennies la séparent de Carine Martin. Paule Baronnet se sent elle aussi plus Parisienne qu’Ivryenne. Cette pimpante septuagénaire aux cheveux flamboyants retenus en chignon est la secrétaire du conseil syndical. Elle est l’une des plus anciennes propriétaires. «Nous nous sommes installés en 1960 avec mon époux. Nous venions de nous marier. Notre fille a grandi ici. C’est ma maman qui avait acheté l’appartement sur plan. À l’époque, il y avait tout le confort moderne : l’ascenseur, le vide-ordures, une salle de bains avec WC, ce qui n’était pas le cas de beaucoup d’immeubles anciens…», se souvient-elle. Paule Baronnet nous reçoit dans un local grand comme un mouchoir de poche. Situé près de la loge de la gardienne, il fait office de bureau des réclamations pour certains, de lieu où l’on papote en dégustant un ou deux chocolats de Noël pour d’autres. C’est ici que l’ancienne infirmière en pédiatrie de l’hôpital Trousseau conserve, bien rangés dans des boîtes et des classeurs, tous les documents relatifs à la copropriété. Lorsque cette dernière a vu le jour, le quartier n’avait rien à voir avec ce qu’il est devenu aujourd’hui. «Les maisons individuelles tout autour étaient déjà là mais la rue Desault, qui appartient à Paris, n’existait pas. À l’emplacement de notre immeuble, c’était un terrain vague avec deux baraques en bois de l’Armée du Salut… Et surtout, cette portion du périphérique n’avait pas été construite !», raconte-elle, avant d’ajouter : «On s’est sûrement mal renseignés, en tout cas on ne savait pas lorsqu’on a acheté que, dix ans plus tard, on aurait la voie rapide sous nos fenêtres…» Cette découverte n’a pas inquiété pour autant notre propriétaire «historique». Selon elle, la présence du périph’ marque plus les gens qui achètent aujourd’hui. Paule Baronnet n’a jamais pensé à revendre son appartement. Le bruit ? Elle s’y est habituée, elle aussi. «Le comble, c’est que lorsqu’il y a des travaux, une manifestation ou un accident qui nécessite de fermer les voies de circulation, eh bien, on se demande ce qui se passe puisqu’il n’y a plus aucun bruit !», plaisante-elle en se remémorant l’inauguration de la portion de périphérique en février-mars 1970. «Les jours précédents, des tests avaient été menés pour vérifier la solidité de la route. On a assisté à une procession de camions remplis de sable.»
À proximité, les sandwicheries ouvrent puis ferment
Outre le bruit, lorsqu’on demande à Paule Baronnet si elle a constaté une pollution qui serait supérieure à celle des autres quartiers, elle hésite. «Pas spécialement», sauf peut-être «la poussière qui se dépose sur les vitres et ce trait noir visible quand on ouvre la porte et qui revient tous les 5 à 6 jours». La dynamique retraitée semble davantage regretter la fermeture progressive des commerces de la rue Mirabeau. Un avis que partage Colette Kerbourch, une ancienne dessinatrice de mode devenue libraire, qui a quitté le boulevard Massena pour s’installer dans l’immeuble avec son mari il y a 38 ans. «Avant, il y avait tout à proximité : un boucher, un fromager, un marchand de vin et même un bijoutier et un réparateur d’accordéon chez qui Rika Zaraï venait répéter. Tout le monde se connaissait, c’était chaleureux. Aujourd’hui, il n’y a plus rien», déplore-t-elle. Un déclin qui remonte aux années 90. Les uns après les autres, les commerçants ont pris leur retraite et s’il y a bien eu quelques tentatives de reprises, selon les deux voisines, elles ont échoué pour la plupart. Des sandwicheries ouvrent puis ferment. Seuls la pharmacie et un petit café semblent tenir bon. «Le maire a eu beau dire qu’il ferait revenir des commerces, ça n’a pas marché», assure Colette Kerbourch, l’air un peu las. Interrogée sur le bruit, elle non plus ne semble pas trop dérangée, d’autant que ses fenêtres donnent sur le côté opposé au périphérique. «Par solidarité, j’ai quand même participé il y a quelques années à une manifestation pour obtenir un mur anti-bruit mais nous n’étions pas plus d’une douzaine ! Nous avons marché sur le trottoir du périph’, perturbé un peu le trafic et finalement obtenu gain de cause… pour les voisins. Eux l’ont eu leur mur, pas nous !»
Les retraités côtoient les primo-accédants
Dans la copropriété Mirabeau-Marceau, les nombreux retraités cohabitent avec de jeunes gens qui investissent pour la première fois, comme Sylvain Gastine. Ce Francilien originaire d’Aulnay-sous-Bois a acheté son 3 pièces il y a cinq ans avec son épouse. Parents d’une fillette de 3 ans et demi, ils ont revendu et déménageront d’ici le mois prochain pour une maison à Cesson, en Seine-et-Marne, parce qu’ils avaient envie «de grands espaces». Rien à voir avec de soi-disant nuisances. De la résidence, ils ne garderont que d’excellents souvenirs car «elle est très bien entretenue» mais aussi parce que «l’ambiance, la fête des voisins et la proximité avec Paris, tout ça était vraiment sympa». En trois mois, et après une centaine de visites, leur appartement a trouvé preneur pour 210 000 euros.
Rédaction Laurence Gonthier Photos : Mathieu Génon / Le 13 du Mois
Tous les franciliens ne sont pas logés â la même enseigne et ça depuis longtemps. Faites un test et prenez le périphérique et vous constaterez l’injustice de classe : de la porte d italie à portes La Villette (sauf Vincennes) Aubervilliers, St Denis, St Ouen, ce ne sont que des batiments
collés à la route avec des panneaux
publicitaires à outrance y compris sur
les toits des pauvres logements puis
par miracle dès la porte Champerret tout est préservé et on s’ aperçoit que
la construction du periph. a été pensé
pour ne pas gêner les riverains : là on
decouvre des murs en grosses pierres,
de la verdure, pas de pub grossière
(un site de Carrefour est annoncé en
lettres discretes gravées sur un mur
uni) et çà jusqu’à environ Boulogne puis ensuite reprise du pas cher avec un alignement de bureaux et commerces. Je me demande aussi comment a t-on pu construire Robert-Debre hôpital pour enfants sur le périphérique !
La lutte de classe par le périphérique.
Et j’en profite pour dire encore bravo à Mathieu pour ses photos dont on ne se lasse pas et dont on peut voir aussi le travail sur le site Flickr du Conseil général :
https://www.flickr.com/search/?w=10540684@N06&q=genon
Il y a aussi nombre d’immeubles d’immeubles au bord de l’A4 (à Champigny par exemple), ou le long de l’A6.
Pareil pour l’A1, l’A13, l’A86, etc…..
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