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Société | Val-de-Marne | 30/03/2015
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Esther Benbassa reprend le flambeau contre la pénalisation de la prostitution

Esther Benbassa reprend le flambeau contre la pénalisation de la prostitution

benbassa_esther11033fLa délicate question de la prostitution est à nouveau en débat au Sénat ces jours-ci, à l’occasion de l’examen d’une loi votée en première lecture à l’Assemblée nationale fin 2013 “renforçant la lutte contre le système prostitutionnel“via un certain nombre de mesures dont la pénalisation du client.

En Commission spéciale du Sénat en juillet 2014, le texte avait été amendé et allégé de la pénalisation du client. En parallèle, le Sénat avait voté l’abrogation du délit de racolage (pénalisation de la prostituée) dès le printemps 2013 à l’initiative de sénatrice écologiste du Val de Marne Esther Benbassa, mais cette disposition n’a pas été votée à l’Assemblée nationale.

Alors que la discussion en séance plénière du Sénat se tient ces 30 et 31 mars sur la loi “renforçant la lutte contre le système prostitutionnel “, des amendements ont été validés par la commission préparatoire qui réintroduisent la notion de racolage passif et la pénalisation des clients, deux mesures contre lesquelles se bat la sénatrice qui a réagi ce lundi 30 mars lors de son discours en séance.

“Le titre même de cette proposition de loi  (ndlr : “renforçant la lutte contre le système prostitutionnel”) gomme la diversité de la réalité de la prostitution, a dénoncé la sénatrice.  De quel « système » parlons-nous ? Ce concept, créé de toutes pièces, réduit le phénomène de la prostitution aux réseaux de proxénétisme. Et donne à la puissance publique un seul but : arracher de « pauvres femmes étrangères » aux griffes de leurs proxénètes. Certes, en Europe, la traite dont nous parlons rapporterait environ 3 milliards de dollars par an. Un marché criminel colossal. Reste que selon l’UNODC et l’Organisation Internationale du Travail, sur un million de personnes prostituées en Europe, de 140 000 à 270 000 – soit 14 à 27% – seraient effectivement soumises à la traite pour exploitation sexuelle. Les personnes prostituées étrangères – femmes, hommes et trans – ne relèvent pas toutes de ce « système ».

Le premier objectif d’une loi sur la prostitution devrait être de soustraire les personnes victimes de proxénètes à la contrainte et à la violence qui transforment leur vie en enfer. Robert Badinter l’a à nouveau souligné, l’urgence est de s’attaquer au « mal organisé », soit aux réseaux mafieux, et de s’en donner les moyens. Or où en sommes-nous sur ce point ? Pas assez d’argent pour augmenter le nombre de policiers en charge de la chasse aux proxénètes. Quant à l’accompagnement des étrangères souhaitant échapper à ces réseaux, que prévoit-on ? Des miettes. L’attribution d’un titre de séjour de six mois renouvelable si le parcours d’insertion est positif. Comment ces femmes pourraient-elles, en six mois, se reconstruire, trouver un logement, un travail ? Après avoir dénoncé leurs réseaux, seront-elles donc renvoyées chez elles pour y risquer le pire ? Et que fait-on des autres prostituées ? Des hommes ? Des étudiants et étudiantes qui se prostituent ponctuellement parce que leurs parents, appauvris par la crise, ne peuvent subvenir à leurs besoins ? Des Françaises sans ressources, sans qualification, sans capital familial, qui parent ainsi aux effets d’une précarité insupportable ? Celles qui continuent à se prostituer seraient toutes des femmes violentées, agressées sexuellement dans leur enfance, victimes d’inceste. Aux yeux des abolitionnistes, une femme « normale » ne pourrait librement consentir une relation sexuelle contre rémunération”, dénonce la sénatrice. Et de citer le psychanalyste Henri Castel : « Au nom de la sauvegarde de leur dignité, on va priver d’un coup beaucoup de gens de la liberté d’arbitrer entre divers maux dans une situation d’inégalités sociales subies de facto (…) On peut préférer se prostituer pour abriter son enfant du besoin (…) Mépriser les gens qui font des choix si graves ne convaincrait d’ailleurs vraiment que si, au lieu de dénoncer la prostitution seule, on dénonçait les inégalités en bloc. »

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