Dans le voisinage immédiat du treizième arrondissement parisien et en bordure de Seine, le quartier d’Ivry port s’est spectaculairement industrialisé durant la première moitié du 19ème siècle, tout en se peuplant d’une population ouvrière.
Un siècle et demi plus tard, la désindustrialisation a fait son oeuvre. Le quartier mélange activités, friches industrielles, nouveaux équipements tertiaires, immeubles vétustes en copropriété, petites maisons… le tout aux portes de la capitale, avec la pression sur le foncier qui va avec. C’est dans ce contexte qu’est né en 2010 le projet de Zac d’Ivry Confluences, destiné à opérer en quinze ans la métamorphose de cette pépite urbaine en maîtrisant le schéma d’ensemble. Au programme : 145 hectares, soit un cinquième de la surface d’Ivry-sur-Seine, promis à se transformer en logements (5600 au total dont la moitié des surfaces en logement social), équipements publics, locaux universitaires, sièges d’entreprises, parc, nouvelles rues… Pour mener le projet, un aménageur public a été nommé, la Sadev 94, chargé d’acheter les parcelles pour les réattribuer à des promoteurs à partir d’appels d’offre sur différents types d’équipements.
Parmi les défis : maîtriser la culbute du prix du foncier pour permettre aux habitants d’Ivry de continuer à se loger dans le quartier. Mais contrairement à nombre d’opérations de rénovation urbaine portant sur des grands ensembles appartenant à un ou quelques bailleurs sociaux, il y a là une multitude de propriétaires qui ne résident pas tous sur le site. Un certain nombre ont investi dans leur logement ou commerce et n’ont pas envie de partir, d’autres sont furieux de se voir proposer une somme pour leur bien, largement inférieure à celle qu’aurait proposé un promoteur libre de revendre au prix qu’il souhaite, conscients qu’ils ne pourront pas racheter le même bien au même endroit une fois le site rénové. Une association s’est constituée, le collectif Ivry sans toi (t), qui accompagne les locataires et propriétaires inquiets de l’opération.
Au printemps 2014, l’affaire avait donné lieu à une polémique politique entre l’ancien maire PCF Pierre Gosnat (disparu en début d’année) et le sénateur-maire UMP de Saint-Maurice, Christian Cambon,qui s’était fendu d’une question au gouvernement sur ce sujet. Un intérêt pour sa voisine de rive gauche peu goûté par ses élus. En avril de cette année, des habitants ont à nouveau décidé de se rebiffer en apposant des pancartes devant leurs maisons, pour signifier leur refus de partir.
Une charte de maintien et de relogement pour apaiser les tensions
Afin d’apaiser la situation, la ville a proposé d’instaurer une charte de maintien et de relogement des habitants. 400 logements sont en jeu, qui doivent être rachetés en trois phases (2011- 2016, 2016-2021, 2021-2026). Une charte mise sur pied au terme de plusieurs réunions avec les associations. “Cette charte a demandé plusieurs mois de travail avec les associations et a fait l’objet de 34 amendements depuis sa version initiale. Et contrairement aux chartes habituelles, elle s’adresse à tous les habitants, non seulement les locataires mais aussi les propriétaires“, explique Romain Marchand, premier adjoint au maire en charge du développement urbain. “Nous nous engageons à les reloger soit dans du logement social, soit dans de l’accession à la propriété à prix maîtrisés (à partir de 3400 € le m2 mais en moyenne de 4200 € le m2). En contrepartie, les personnes qui achètent à ces prix maîtrisés, largement inférieurs, au prix des villes voisines, signent une clause non spéculative qui les engage à ne pas revendre dans les cinq ans, ou, s’ils doivent le faire, à revendre en priorité à l’aménageur”, détaille l’élu. Sur les 400 logements, la ville a réalisé à partir de 2013 un diagnostic social sur les 243 logements concernés par la première phase d’acquisition des parcelles, dans le cadre duquel ont été rencontrés 102 locataires et 39 propriétaires habitants. “Parmi ces personnes, 52 familles sont actuellement en cours de relogement dans le parc social de la ville, et 27 propriétaires occupants sont en cours de négociation“, précise Romain Marchand.
La commission de suivi et de conciliation sera composée de sept élus de la majorité municipale, un représentant de la Sadev 94 trois représentants de la société civile.
Pour Ivry sans toi (t) : un “stratagème de communication”
Pour Ivry sans toi (t), le compte n’y est pas. “Nous avions réclamé cette charte mais elle ne résout pas le problème. Elle ne donne toujours pas de garantie aux propriétaires concernant la valeur à laquelle sera racheté leur bien. Actuellement, les indemnités proposées sont de la moitié de la valeur réelle. Un studio de 24 m2 a été vendu 20000€! L’aménageur vend en moyenne à 650€ le m2 au promoteur qui revend à 4200€ le m2 alors que le coût de construction n’est que de 1650€, c’est une sacré marge. A qui profite-t-elle? “, questionne un responsable du collectif, dénonçant dans la charte, un “stratagème de communication”.
“Nous sommes une ville communiste mais vivons dans le monde réel”
“Nous sommes une ville communiste mais vivons dans le monde réel et travaillons avec des promoteurs privés. C’est justement pour cela que nous avons mis en place des outils pour réguler et éviter que les prix ne s’envolent comme cela est la cas dans de nombreuses communes de périphérie. L’accession à prix maîtrisé à la propriété s’adresse prioritairement aux personnes qui habitaient dans le quartier, puis aux primo-accédants et aux Ivryens, et est conditionnée aux niveaux de revenus pour éviter les effets d’aubaine. Cette manière de mener le projet a du reste un coût pour la ville. Alors que beaucoup de municipalités gagnent de l’argent avec les opérations foncières, nous avons investi 30 millions d’euros dans le projet”, explique Philippe Bouyssou, le maire PCF de la commune.
Statut des propriétaires bailleurs
“En outre, la charte ne concerne pas les propriétaires qui n’habitent pas sur place”, reprend le responsable du collectif Ivry sans toi (t). Or, ces derniers sont majoritaires parmi les propriétaires. “Les propriétaires non occupants ne sont pas, en principe, éligibles aux dispositifs d’accompagnement allant au-delà de leur indemnisation prévue par la loi“, pose en effet la charte dont l’objet est d’organiser le relogement. Celle-ci prévoit néanmoins des exceptions pour les propriétaires dont le loyer perçu “constitue un revenu d’appoint unique ou très important, dont la perte fragiliserait fortement la personne“, ou s’il s’engage “à conserver son locataire et à s’inscrire dans une démarche de loyer plafonné.” Et les prix proposés par le juge des expropriations se basent sur l’évaluation des domaines, rappelle-t-on également en mairie. Oui mais si les ventes sont bradées, cela baisse la moyenne des ventes et influe négativement sur l’évaluation des domaines, rétorque le collectif Ivry sans toi (t).
Quid des entreprises ?
Se pose aussi la question des propriétaires de locaux d’activité. “Nous réfléchissons à un additif à la charte, dédié aux locaux professionnels, mais les situations sont plus hétérogènes entre la grosse entreprise, le petit commerce… Nous avons également engagé un travail avec la CCI du Val-de-Marne pour reloger des entreprises. Nous essayons de les accompagner pour qu’elles restent sur le territoire, en se recompactant. C’est le cas par exemple avec le projet de réunion d’un Point P et d’une Plate-forme du bâtiment sur le site de l’ancien dépôt pétrolier Total”, détaille Romain Marchand.
Avec 49,69% des voies au premier tour et une division inevitable de l’opposition PS, UMP a la triangulaire du 2eme tour en 2014, ils ont une sacré marge et peuvent se permettrent de perdre quelques electeurs contre une augmentation des recettes fiscales de la ville.
Le commentaire de Julien est tres bien résumé… c’est excactement ça !
Le but est de permettre une gentrification de la ville, en accueillant les bobos parisiens avec un prix au m² plus bas qu’à PAris et en chassant les classes moyennes basses hors de la ville.
Le 93 a fait pareil, à St denis surtout, on fait grimper le m² en détruisant des vieux logements, on chasse ainsi les mauvais habitants classés en HLM car on refait du neuf avec un peu moins de HLM, et on accueille les nouveaux bobos ; et on chasse dans la ville voisine la classe moyenne qui ne peut se loger au prix du nouveau m².
Ici, le but est le même, attirer les parisiens avec un m² pas cher mais trop cher pour beaucoup de propriétaires actuels en banlieue.
Il faut donc partir dans la ville voisine qui a encore un prix au m² acceptable, et dans quelques années la ville voisine fera pareil et ainsi de suite jusqu’à se retrouver à perpette les oies un jour.
Devenez riches mes amis, ou rester en HLM, car être “classe moyenne” c’est mal vu (par nos politiciens) et ça ne nous rapporte rien à part de payer toutes les taxes et impôts pleins pots.
L’analyse de Julien me paraît correspondre à ce que je vois faire dans mon quartier, le futur Confluences. Je dirais même que les enjeux et les calculs politiciens conduisent cette municipalité à accentuer sa brutalité à l’égard des petits propriétaires (comme s’ils n’étaient pas le peuple !) ; en effet, il faut le savoir, la grande majorité des propriétaires qui vivent sur le périmètre de la ZAC Confluences ne sont guère plus aisés que certains des Ivryens qui habitent les HLM. Ce qu’il est difficile de comprendre : les nouveaux arrivants, ceux qui vont acheter ou louer dans les constructions neuves, certes apporteront du cash à la ville, mais ils ne font partie a priori de l’électorat communiste. La municipalité est-elle en train de programmer son suicide électoral ?
Bonne analyse.
Le maire d’Aubervilliers (PC je crois) a récement déclaré la même chose, qu’il était contre de nouveau logements dans sa ville, car ça attirait des bobos parisiens, or ces bobos ne votent pas PC.
Bref, en faisant venir de nouveaux habitants il perdrait son poste, donc il ne touche pas aux terrains vagues, ou alors il ne fait que du social.
“Nous sommes une ville communiste mais vivons dans le monde réel”
==> Communiste c’est pour l’image, en réalité, nous utilisons ce projet de la manière la plus capitalise qui soit à savoir fort avec les faibles (nous) et faible avec les forts (les promoteurs).
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.