Entre Vitry-sur-Seine et le 13 ème arrondissement, hauts-lieux du street-art, Ivry-sur-Seine n’est pas en reste, de son mobilier urbain à ses vastes friches. Découverte en images de ce monde artistique et de ses codes avec Jean-Philippe Trigla, membre de l’association Vitry N’urbaine.
Ce Vitriot passionné voudrait proposer une grande randonnée sur le modèle de la mairie du 13ème, accessible aux familles, “pour se réapproprier la rue”. Dans le Val-de-Marne, le parcours commence dès la descente du tramway Porte d’Ivry. Armoires électriques d’EDF, palissades de la SCNF, murs de maisons en ruine et autres murets, un certain nombre d’emplacements font l’objet d’un accord entre la municipalité, les entreprises ciblées et le populaire street-artiste C215, de son prénom Christian, tandis que d’autres artistes opèrent librement, sans autorisation préalable. D’une œuvre à une autre, le parcours se déroule naturellement, d’Ivry et de Vitry, il suffit de regarder autour de soi. “Je ne suis pas pour la géolocalisation des œuvres, mais plutôt pour l’exploration“, confie Jean-Philippe Trigla. “Les artistes veulent être vus, alors ils se baladent, font des repérages, et ils savent où poser leurs œuvres, dans les grandes avenues les plus passantes.”
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Ephémère destinée
“Dans la rue, votre oeuvre appartient à tout le monde mais nous ne sommes pas dans un musée, se pose alors le problème de la ‘patrimonisation’, que considère-t-on comme conservable et non-conservable? pose Jean-Philippe Trigla. L‘entretien coûterait trop cher, et l’art de rue est par définition éphémère, voué à disparaître. Ce qui marque et valorise l’œuvre sur le long-terme, c’est la photographie qu’on en fait.” C’est parfois la nature qui reprend ses droits, envahissant de sa mousse la fresque d’un muret, parfois une démolition. Certaines œuvres sont aussi dérobées et revendues au marché noir en enlevant carrément une partie du mur. D’autres encore, comme cette oeuvre de C215 ci-dessous anciennement à côté du trou à droite, a été tout bonnement effacée par plusieurs coups de pinceau au rouleau. Voir la photo d’archive sur ce tweet.
Plus couramment, les œuvres sont victimes de toyage, autrement dit, “je recouvre ta merde”, un acte consistant à apposer sa signature sur le dessin d’un autre sous forme de graff pour bénéficier de la popularité de l’auteur en devenant à son tour identifiable dans l’esprit des passants. “Cette pratique existe depuis le douzième siècle. Déjà quand les gens passaient devant une oeuvre, ils grattaient discrètement leurs noms“, s’amuse Jean-Philippe Trigla. “Le graff est toujours illégal parce qu’il est considéré comme une dégradation volontaire, le graffeur doit faire vite, sans être vu.”
Seul ou en bande ?
Les artistes peuvent opérer seuls ou appartenir à un crew, que l’on appelle aussi tribu. A Ivry, la municipalité met à disposition des pans de mur géants au cœur du Parc des Cormailles, attirant tous les graffeurs et street artistes de la région parisienne. Beaucoup travaillent les tags, apparentés sémantiquement à une griffure, et à des graffitis, art reposant en partie sur le lettrage.
Graffeur ou street-artiste ?
“Il faut faire la différence entre un graffeur et un street artiste“, intervient un jeune graffeur de 27 ans du nord parisien, fan de Marko 93. “Contrairement aux street artistes, le graffeur ne sort pas d’une école de dessin, il apprend dans la rue.” Neaz, comme il se fait appeler dans son crew, ou tribu, se souvient de ses débuts, “c’est parti d’un délire entre collégiens, le graffiti commence dans la tête en regardant la rue, ce qui se passe dehors, sur le terrain, puis on commence à dessiner sur les tables, on a envie d’imiter les animateurs du centre aéré qui gribouillent sur les murs.” De l’autre côté de la façade, le street artiste japonais Moyoshi, a quant à lui signé deux grands dessins visibles depuis les allées piétonnes du parc, dont un qui a retenu l’attention des passants.
Tacos, un jeune graffeur en devenir, revisite le cubisme. Ci-dessous, derrière le collège Romain Rolland à Ivry-sur-Seine.
Un courant artistique ?
“Un jour, on a voulu donner un nom de courant artistique au graffiti, ‘le pressionnisme’ sur le contre-modèle de l’impressionnisme mais l’idée a été abandonnée, se souvient Jean-Philippe Trigla. Une chose est sûre, c’est que cette forme d’art aujourd’hui reconnue, a mis du temps avant d’être acceptée. “Ce qui paraît normal aujourd’hui est l’œuvre de batailles, l’artiste Miss.Tic a passé des nuits au poste avant d’être reconnue pour son travail. Mais ils ne sont que quelques uns seulement à en vivre.”
Repères
Du grand dessin aux affiches collées, en passant par les tout petits lutins au bonnet rouge, Ivry cache une infinité de styles et de pratiques. Définitions.
Autocollants et messages
Paste-up
Le paste-up consiste en l’utilisation d’affiches comme support de dessin que l’on colle ensuite au mur, dans un esprit de papier peint. Un mode d’expression on ne peut plus simple, du papier, de la colle et un feutre noir indélébile. “Un travail ludique et poétique“, présente l’artiste EP qui a réalisé ce petit chien près de la bibliothèque municipale. “Depuis 2010, ils sont deux à se balader dans la ville, parfois les gens aux alentours s’en occupent, recollent, reprennent le dessin … le poilu est gentil, pas agressif, et a été protégé jusqu’à maintenant par les motos qui se garaient devant la bibliothèque“, explique-t-elle. Pour voir le travail d’ EP, de Paris à Marseille, l’artiste spécialiste du thème “les chiens dans la rue”, qui avait notamment exposé à l’hôpital Charles Foix à Ivry pour les journées du Patrimoine en 2013, possède un blog tumblr accessible ici.
Graffitis
Dessin
“Le temps le plus long n’est pas celui passé devant le mur”, explique Jean-Philippe Trigla, face à ce dessin de C215, “la pose de l’œuvre représente 1 à 2 heures tandis que la découpe des pochoirs représente 12 à 14 heures, tout se passe dans l’atelier“. Pour réaliser ce type de dessin, le street artiste travaille sur la photographie, “il apprend à décomposer l’image en observant les couleurs qui correspondront chacune à un pochoir, et à repérer les ombres et les nuances pour les reproduire ensuite de manière esthétique.”
Fresque
Le trompe-l’œil
A l’intérieur ?
Au bar du Théâtre en face de la mairie de Vitry-sur-Seine, C215 a fait revivre Georges Brassens, Albert Camus, Patrick Dewaere, François Miterrand, dont les visages ornent tous les murs de la salle. Un vivant se glisse parmi eux : Robert Badinter.
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Je n’ai aucun goût en matière d’arts plastiques c’est pour cela que toutes les oeuvres présentées dans cet article et bien, je les trouve moches.
Merci
Bonjour,
merci pour votre article, c’est une belle mise en valeur des oeuvres qui éclairent les rues de notre ville.
Toutefois, vous affirmez que “Certaines œuvres sont aussi dérobées. Comme cette oeuvre de C215 ci-dessous, revendue au marché noir en enlevant carrément une partie du mur”
En etes-vous certain? J’ai photographié l’oeuvre de C215 sur ce mur. Elle se trouvait à la droite du trou. Elle a été recouverte de cette peinture verdâtre que l’on aperçoit sur votre photo.
Bonjour, article mis à jour. Merci de votre contribution ! L’histoire est sauve.
Merci de ce retour cher lecteur, j’apprécie votre coup d’œil. Un mythe est alors peut-être né sur cette sombre affaire de marché noir. Je serais ravi que vous me fassiez parvenir cette photo que vous avez prise. Je vous invite à nous l’envoyer à notre rédaction.
Bien à vous,
F.Leroy
Merci pour cette mise en lumière de l’effervescence artistique et alternatif d’Ivry.
À voir aussi des œuvres de Koeurélé ( ailes sur un sens interdit (à l’angle de l’avenue Danielle Casanova et rue ledru Rollin)
À voir / visiter le lavoir à Ivry (rue ledru Rollin) voir sur Facebook .
Un atelier d’artiste unique dont je suis résident.
Pour en savoir plus : Alberto 0667043493.
Je souhaiterai par ailleurs vous rencontrer pour vous faire part de ma démarche et propositions pour Ivry.
Je pense que nous pouvons réfléchir sur des projets en communs.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.