Un site dédié à la gastronomie qui serait à la fois destiné aux professionnels et au grand public, scientifique, culturel, économique , gourmand… valorisant le patrimoine existant mais aussi l’innovation, projet val-de-marnais mais aussi grand-parisien avec bien-sûr rayonnement international, populaire et d’excellence, accueillant des restaurants, ateliers culinaires, grande halle, expositions, médiathèque, écoles de formation, pépinière d’entreprise, résidences, éventuellement centre de congrès, et pourquoi pas, un grand jardin potager… C’est un projet ambitieux qui doit s’étendre sur 6,5 hectares entre le MIN de Rungis et le centre commercial régional de Belle Epine (Thiais). Reste mettre ces rêves en musique avec un modèle économique pérenne.
C’était tout l’enjeu de la table-ronde organisée ce mardi 29 par la Comité du tourisme du Val-de-Marne à l’occasion de l’organisation de ses Rencontres du tourisme 2015. (Les citations ci-dessous sont à la fois issues de la table-ronde et d’interviews complémentaires)
A l’origine de cette Cité de la gastronomie, un appel à projet du ministère de l’Agriculture lancé en 2012 pour incarner le label de l’Unesco que le pays venait de se voir octroyer pour son “Repas à la Française” (apéritif, entrée, plat de viande ou/et de poisson, dessert, café, digestif et vin). Plusieurs villes de France y ont répondu et quatre projets furent retenus pour constituer un réseau de Cités de la gastronomie : Lyon, Dijon, Tours et Chevilly-Rungis. A la clef, pas de budget mais un label.
Pour l’heure, les terrains concernés par le projet, quelques 6-7 hectares entre le MIN de Rungis et le centre commercial Belle Epine, ne sont pas encore disponibles, occupé par des entreprises qui doivent libérer les entreprises pour certaines en 2018, d’autres en 2020. Le délai qu’il faut pour ficeler les projets. Le cap, c’est plutôt 2024, date à laquelle la ligne 14 du métro s’arrêtera au pied du site.
Un syndicat d’études et trois groupes de travail
En attendant, la méthode s’organise. Un syndicat mixte ouvert d’études doit voir le jour d’ici début 2016. Il comprendra le Conseil départemental du Val-de-Marne, les villes de Paris, Rungis, Thiais, Chevilly-Larue et Orly, et peut-être aussi la région Ile-de-France, mais celle-ci ne pourra délibérer sur la question avant les élections régionales et la mise en place du nouvel exécutif.Les statuts sont en cours de finalisation et les adhésions doivent être validés par les communes en Conseil municipal d’ici la fin 2015.
Autour de ce syndicat composé de collectivités et potentiellement d’établissements publics, plusieurs groupes de travail vont être associés. “Nous allons créer un Comité des partenaires institutionnels et stratégiques pour associer à la réflexion et à l’action tous les acteurs du territoire qui ont vocation à apporter quelque chose dans ce projet et qui détiennent un pouvoir sur le foncier, à l’instar de la Semmaris (Société qui exploite le MIN de Rungis), Sogaris, Syndicat interdépartemental des terrains concédés à Sogaris, SGP, Epa Orsa..., détaille Christian Hervy, président de l’association du Grand Orly et ancien maire PCF de Chevilly-Larue. Nous avons aussi envisagé un Comité scientifique, culturel et pédagogique, pour associer des intellectuels de différentes disciplines mais aussi des professionnels qui ont une expérience avérée pour travailler plus en détail sur le sens et le contenu des activités qui seront présentées au public et réfléchir à l’orientation générale de la programmation.” Alors que le concept de Cité de la gastronomie a déjà suscité des projets concrets déposés par des partenaires potentiels ou des entreprises, un jury va être constitué pour examiner ces projets.
Inventaire à la Prévert
Pour nourrir la future cité, les idées ne manquent pas et ce mardi 29 septembre, lors de la table ronde, les propositions en tout genre ont fusé. Fondatrice de l’agence de tourisme gastronomique, La route des gourmets, Carole Métayer rêve d’un musée de l’alimentation expliquant les origines géographiques de chaque produit, et propose de faire un lien avec l’agriculture locale. Christian Lopez, président du Comité départemental olympique et sportif du Val
Un nouveau projet par rapport à 2013
Dès 2013, des pistes concrètes ont déjà été évoquées avec même à l’époque un projet assez détaillé comprenant un équipement culturel central de 20 000 m² comprenant un centre d’interprétation avec médiathèque, espace d’exposition et labo gastronomique, des ateliers pédagogiques et gustatifs, un centre de congrès avec un auditorium, une halle d’exposition, une Halle des trésors gastronomiques d’épicerie fine et spécificités locales, des restaurants, bars et brasseries, gastronomiques ou inventifs, des centres de formations (CFA, école hôtelière, école de restauration), de la résidence hôtelière, des jardins pédagogiques. (Lire article de 2013) “Les réalités du projet ont évolué, explique Christian Hervy. Au départ on s’est pas interrogé sur la question du stationnement par exemple. Mais une fois que le projet devient faisable, c’est une question très lourde qui n’a à ce jour n’a pas de statut. Nous avons comment faire dans les grandes ligne mais avons besoin d’une évaluation financière et d’impact.” D’autres questions sont en suspens, qui conditionneront le devenir du projet, comme par exemple l’accueil ou non du pavillon de la France actuellement installé à l’expo universelle 2015 de Milan. Voir article à ce sujet.
Quelles synergies avec le MIN de Rungis ?
Attenant au MIN de Rungis, dont les 1200 entreprises nourrissent chaque jour quelques 20 millions de personne, la Cité de la Gastronomie s’appuiera de manière évidente sur son aura. La question reste posée des synergies à envisager. “Je soutiens l’idée de la Cité de la Gastronomie mais c’est aux collectivités de définir leurs besoins. Sans le département, la région, les communes, pas de cité. Que les élus nous disent ce qu’ils veulent. Le sujet n’est pas de mettre de l’argent sur la table mais d’avoir un projet“, pose Stéphane Layani, président de la Semmaris, la société qui exploite le MIN. Sur le fond, le patron du MIN se déclare intéressé par le volet professionnel et le tourisme économique mais pose en revanche les limites concernant la partie grand public. “Le MIN est déjà membre du Comité du tourisme et accueille chaque année 30 000 visiteurs dans ses halles. Nous ne pourrons pas en accueillir davantage et j’ai déjà contingenté les visites nocturnes car les professionnels du MIN ne veulent pas être regardés comme des lions en cage.” Concernant l’éventualité d’une vente au grand public de produits du MIN, le président de la Semmaris met aussi les choses au clair. “Les gens qui viendront jusqu’à Rungis voudront forcément faire une petite affaire sur les prix mais on ne pourra pas vendre du caviar et de la truffe à 50% du prix aux particuliers. Sinon, plus aucun magasin à Paris ne pourra travailler. Autant il est envisageable de proposer des corners pour goûter sur place, autant on ne peut imaginer que les visiteurs repartent avec des kilos de foie gras à petit prix.”
Quel modèle économique ?
Une question à laquelle la cité devra aussi répondre rapidement est celle de la pérennité de son modèle économique, au-delà de l’investissement de départ. “La Chambre de commerce, que ce soit au niveau départemental comme régional, regarde ce projet avec beaucoup d’intérêt. Il y a une filière agroalimentaire réelle dans le département et la cité peut servir d’accélérateur et de vitrine aux professionnels. Il y aussi des filières en pleine transition et innovation autour de cette thématique et nous essaierons de trouver des liens avec les formations, avec par exemple des marques comme Ferrandi. Début octobre, j’organise un voyage d’études avec une dizaine d’entreprises à l’exposition universelle de Milan, qui sera l’occasion d’évoquer avec elles en quoi ce projet pourrait les aider dans leur développement économique, indique Gérard Delmas, président de la CCI Val-de-Marne. Il est en revanche impératif que la Cité s’appuie sur un modèle économique solide. On trouvera de l’argent pour investir mais la Cité doit ensuite fonctionner d’elle-même. Je pense aussi qu’il faut positionner le projet comme un élément structurant non seulement au niveau départemental mais aussi au niveau régional. Dans ce contexte, et avec l’arrivée du métro, cela peut conforter l’attrait du territoire au carrefour du Grand Orly.”
Stratégie Grand Paris
Les différentes parties prenantes s’accordent sur ce point : pas question de la jouer départemental mais Grand Paris. S’il est trop tôt pour savoir si la région sera partie prenante (voir plus haut), Paris a déjà fait savoir qu’il rejoindrait le syndicat d’études et la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, a même évoqué le projet dans sa feuille de route à l’adjointe au commerce, Olivia Polski. “La promotion de la gastronomie et de l’alimentation, patrimoine culturel français et expression de notre art de vivre sera l’un de vos objectifs. Ainsi, je tiens à ce que des initiatives innovantes soient mises en œuvre comme la création d’une pépinière des métiers de bouche associée à la Cité de la Gastronomie Paris-Rungis“, indique-t-elle ainsi. “La Cité de la gastronomie sera peut-être le premier vrai projet Grand Paris“, estime Pierre Mansat, ancien adjoint PCF au maire de Paris et chargé de mission sur les questions de la métropole. “Je n’aime pas beaucoup le terme mais il faudra sans doute s’appuyer sur la marque “Paris”, mobilisatrice, et prolonger la Cité de la gastronomie de Rungis d’une sorte d’ambassade dans Paris intra-muros.” Un point sur lequel s’accorde François Navarro, directeur du Comité régional du tourisme. “Il est très important de développer de nouvelles destinations touristiques aux grands classiques que sont la tour Eiffel… et l’intérêt de cet équipement en dehors du périphérique est qu’il va desserrer l’étau autour de la capitale.” Mais quid du projet à l’hôtel de la Marine, place de la Concorde, dont le rez-de-chaussée est également promis à devenir une vitrine de la gastronomie française d’ici 2017 comme l’a annoncé un communiqué de la Présidence de la République en mars 2015 : “Le rez-de-chaussée du bâtiment sera conçu pour faire découvrir aux touristes étrangers et à nos compatriotes le patrimoine gastronomique français, classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco“. Il faudra travailler en commun, suggère François Navarro.
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