Les conseillers prud’hommes de Créteil restent mobilisé contre la loi Macron. Depuis le 26 janvier et jusqu’au 17 février (date du vote solennel de cette loi à l’Assemblée Nationale), aucune nouvelle affaire ne sera prise en compte par l’instance qui régit les litiges employeur/salarié. Explications.
“Qui refuserait un délai plus rapide ?” lance Christine Pourre, présidente du Conseil des prud’hommes de Créteil alors que le projet de loi Macron promet de raccourcir les procédures lorsque le litige porte sur un licenciement ou sur une demande de résiliation judiciaire. ” Le Code du Travail prévoit déjà que certains cas (ndlr : requalification de CDD en CDI, prise d’acte de la rupture du contrat de travail) soient réglés sous un mois. Mais, faute de temps et de moyens humains, il est impossible de remplir cet objectif” explique Laetitia Kruszynska, présidente du bureau de jugement. A Créteil, les différentes commissions mettent entre 4 mois (industrie) et 12 mois (commerce) pour régler les litiges.
Les conseillers prud’hommes regrettent également un manque de reconnaissance. La possible introduction d’une instance disciplinaire, pour ceux qui manqueraient à leurs mandats, irrite au plus haut point. Issus de la société civile, les conseillers ne veulent pas être placés sous le même statut que les magistrats professionnels. “Nous ne voulons pas avoir un devoir de réserve par exemple. Et là encore, le Code du Travail prévoit déjà des sanctions disciplinaires à notre encontre en cas de manquement” souffle Christine Pourre.
“Avec cette réforme, pour laquelle le ministère de la Justice n’a même pas été consulté, on nous envoie un message : vous êtes mauvais, il faut tout changer” détaille Laetitia Kruszynska. “Sauf qu’on nous demande de faire mieux à moyen constant. C’est impossible” regrette-t-elle, avant d’assurer garder “le souci du justiciable” comme priorité. “C’est un mandat prenant, stressant et fatiguant. Nous avons beaucoup de travail et nous aimerions qu’il soit plus reconnu” . Mobilisés depuis le 26 janvier, les conseillers prud’hommes ont déjà obtenu satisfaction sur un aspect. “Il a été acté la suppression de la présence d’un magistrat professionnel dès les bureaux de jugement : c’est bien la fin de l’échevinage. Les conseillers prud’hommes, salariés et employeurs, tous issus du monde de l’entreprise, sont ainsi légitimés dans leur fonction !“, se réjouit dans un communiqué l’intersyndicale CGT-CFTC-SOLIDAIRES des Prud’hommes de Créteil.
178 conseillers qui veulent plus de formation
Au Conseil des Prud’hommes de Créteil, on a déjà identifié clairement les besoins. Composée de 178 conseillers (reconnaissables à leurs médailles), l’instance indique ne pas pouvoir tenir le rythme exigé. Une poignée de conseillers supplémentaires est réclamée. Tout comme l’arrivée d’un nouveau juge départiteur. Ce magistrat professionnel est chargé de trancher les litiges lorsque les deux premières audiences (Bureau de conciliation suivi du Bureau du jugement) ont été infructueuses. Le Conseil des Prud’hommes de Créteil n’en compte qu’un, qui traite une quarantaine de dossiers à la fois. Un greffier supplémentaire permettrait aussi de tenir une audience de plus par semaine (notamment pour la commission Commerce). De même, les agents chargés de notifier les jugements s’estiment débordés, expliquent les deux présidentes.
Au-delà des moyens humains, la question des locaux pose problème aux membres de l’instance. “Nous avons un étage de bureaux pour plus de 200 membres” regrette Christine Pourre. “On se paie nous-même notre Code du Travail“, pointe Laetitia Kruszynska. L’accès aux banques de données juridiques fournies (mais dont l’abonnement coûte cher) est aussi demandé. “Pour l’instant, on fait avec Google…” . Enfin, les conseillers voudraient avoir une meilleure formation juridique. Actuellement, ils ne disposent que de 36 heures de formation, pour cinq ans de mandat. Et certains des 14 000 conseillers à former (au niveau national) ne sont formés qu’à mi-mandat, notent encore les conseillères prud’hommes.
Pour marquer son mécontentement, le Conseil des Prud’hommes de Créteil paralyse une partie de ses activités jusqu’au 17 février. Aucun bureau de conciliation ne sera tenu et aucun référé ne sera émis. “Nous voulons une réforme : nous travaillons, au sein des instances nationales, nous sommes force de proposition” conclut Christine Pourre. “Mais pas celle là…” .
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