Société | Val-de-Marne | 08/09/2015
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Les villes du Val-de-Marne se mobilisent pour accueillir des réfugiés

Les villes du Val-de-Marne se mobilisent pour accueillir des réfugiés © thomasschwerdt

De nombreuses villes du Val-de-Marne ont décidé d’accueillir des réfugiés, encouragées parfois par leurs habitants et au-delà des clivages politiques. D’autres ne le souhaitent pas. Le débat est en tout cas lancé partout. Enquête.

Entre les réactions spontanées de citoyens qui se proposent d’accueillir des réfugiés chez eux, les élus locaux qui ont déclaré leur volonté d’ouvrir leur ville et la déclaration ce lundi 7 septembre du président de la République, François Hollande, d’engager la France à accueillir 24 000 réfugiés supplémentaires au cours des deux prochaines années, la mobilisation s’organise pour accueillir les gens qui fuient la guerre, après l’électrochoc suscité par la photo du petit garçon syrien de trois ans, Aylan Kurdi, noyé et échoué sur la plage de Bodrum (Turquie) au cours d’une tentative de traversée depuis la Grèce. Ce dimanche 6 septembre, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a adressé un courrier à l’ensemble des maires de France, les invitant à une réunion de travail samedi 12 septembre afin de s’accorder sur les moyens à mettre à disposition par l’Etat pour accompagner ces initiatives. Dans le Val-de-Marne, beaucoup de villes ont décidé de répondre, au-delà des clivages politiques.

“Alfortville sera fortement impliqué et l’OPH a déjà bloqué 5 appartements”, indique Luc Carvounas, sénateur-maire PS d’Alfortville, qui avait répondu sur Twitter dès le 4 septembre à l’appel à créer un réseau de villes solidaires lancé par le secrétaire national du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Président de l’association des maires du Val-de-Marne, l’élu a également écrit à ses confrères pour les solliciter sur cette question. Même position dans la ville préfecture, Créteil ou encore à Fresnes et Cachan, autres villes PS. A Fontenay-sous-Bois, le maire PCF, Jean-François Voguet, a anticipé la lettre du ministre en lançant un appel dès ce samedi. Il a depuis réuni son bureau municipal ce lundi et décidé à son issue d’organiser une réunion avec les associations dans les jours qui viennent. “Devant ce drame, notre pays a un devoir moral et une obligation légale. Notre ville qui a une histoire de solidarité prendra bien sûr sa part et je soumettrai une proposition au Conseil municipal pour l’acter“, réagit pour sa part Daniel Breuiller, maire EELV d’Arcueil.

Débat chez Les Républicains

Les maires de gauche ne sont pas les seuls à réagir.  Au Plessis-Trévise, le maire Modem, Didier Dousset, n’hésite pas : “Nous nous inscrivons totalement dans cette mission de solidarité. Il y va de notre humanisme et de notre tolérance, nous prendrons notre part.” Idem aussi à Vincennes, de majorité UDI, où le directeur de cabinet du maire cite la “vocation humaniste” de la ville. A Villejuif, dont le maire LR a été élu dans le cadre d’une coalition avec l’UDI, avec des élus EELV et ex-PAS, Natalie Gandais, première maire-adjointe EELV indique que “la ville s’inscrit dans une démarche de solidarité avec les réfugiés face à une situation totalement inacceptable” et précise que la municipalité est en train de prendre attache avec des bailleurs et associations locales. A Nogent-sur-Marne, le maire LR, Jacques JP Martin, répond qu’il se rendra à l’invitation du ministre de l’Intérieur ce samedi, et avisera par la suite. “Je souhaite que l’approche soit collective et non individuelle. Je suis  très attaché à la solidarité développée par l’Association des maires de France et cet échange avec le ministre de l’Intérieur devrait nous permettre de trouver une solution.” Une position qui se distingue justement de celle du président de l’Association des maires de France,  François Baroin, député-maire LR de Troyes, qui a indiqué d’emblée lors d’une interview sur I-télé qu’il n’accueillerait pas de réfugiés, en raison de la “surcapacité à l’échelle régionale des centres d’accueil des demandeurs d’asile“. Au sein des Républicains, il n’y a pas non plus de position unanime parmi les maires du Val-de-Marne. A Villiers-sur-Marne, on explique au cabinet du maire que la commune a déjà pris sa part avec le foyer du 115, celui de la protection judiciaire de la jeunesse, celui des jeunes filles placées sous sauvegarde de justice et encore le foyer Adoma, en plus de 900 demandeurs de logements. “L’actualité est dramatique mais on ne peut guère faire plus de notre côté. Nous n’allons pas créer de faux espoirs et un appel d’air“, s’explique-t-on en mairie.

Sénateur-maire de Saint-Maurice et président de LR Val-de-Marne, Christian Cambon, lui, s’agace en préambule”des accusations de la gauche sur le thème’ la droite n’est pas généreuse‘”. “Nous aussi nous sommes touchés par la photo du petit Aylan“, pose-t-il. L’élu estime également “paradoxal” que le ministre lance un appel aux maires “le jour où le président confirme qu’on enlève 11 milliards d’euros aux collectivités territoriales“. “Les demandeurs d’asile relèvent de la responsabilité de l’Etat. Il serait bon que le gouvernement nous dise d’abord ce que lui compte faire. On ne peut pas demander toujours aux mêmes de faire les efforts. Nous avons  fermé des casernes qui sont désormais  vides. Il  y a des couchages, toilettes, cantines, cuisines. L’Etat pourrait mettre les moyens pour les utiliser“, reprend le sénateur avant d’indiquer que “bien-sûr”, les maires sauront prendre leurs responsabilités car “aucun maire de droite comme de gauche n’a jamais laissé souffrir ses familles de la faim“.

Le Conseil départemental se mobilise

Au niveau du département, le sénateur- président PCF du Conseil départemental, Christian Favier, a pour sa part mis le sujet à l’ordre du jour de la Commission permanente de ce lundi matin et fait une déclaration en fin de journée, rappelant la tradition d’accueil du département. “Ces dernières années, confrontés à la guerre en Syrie, nous avons été les premiers à contribuer activement à l’accueil d’étudiants syriens pour leur permettre de poursuivre leurs études en France. Aujourd’hui, alors que les tragédies et les naufrages de familles entières fuyant la guerre se multiplient et alors que l’Europe semble enfin s’ouvrir à un accueil organisé de ces populations en détresse, nous entendons de nouveau nous engager tout en contribuant à additionner toutes les énergies et les bonnes volontés. Pour notre part, (…) nous travaillons à mobiliser les moyens de la collectivité, moyens matériels et humains, aux côtés de l’Etat, des villes qui s’engagent, des associations, des citoyens.”

Les villes rappellent leur tradition d’accueil

Toutes les communes qui se mobilisent rappellent elles aussi leur histoire en la matière. A Alfortville, on se souvient de l’accueil des Arméniens au point que la ville est surnommée La Petite Arménie. A Fontenay-sous-Bois, on rappelle que des familles syriennes ont été accueillies il y a déjà plusieurs années, dont Abdulrazak Eid, l’un des auteurs de la Déclaration de Damas en 2005 et l’une des figures majeures de l’opposition syrienne. “Nous sommes arrivés en 2008 d’Alep, témoigne son épouse, et avons été accompagnés sur place par l’association Revivre. Depuis, nous nous sommes installés définitivement et tout se passe bien.” A Arcueil encore, le maire évoque le temps des réfugiés espagnols, dont l’un des enfants, Antoine Marin, est devenu un chef d’entreprise et mécène qui a donné son nom au prix Antoine Marin d’art contemporain. Créteil se souvient de l’accueil des boat people vietnamiens il y a 30 ans et les 170 places d’accueil du centre géré par France Terre d’Asile. “Depuis trois ans, l’un des hôtels de la ville a été transformé en foyer d’accueil où sont arrivées 22 familles par l’intermédiaire de la Ddass de Paris, elle-même submergée, sans que nous en soyons avisés. Nous les accompagnons sans tambour ni trompette avec le Ccas et la cantine gratuite à l’école depuis trois ans“, souligne Christian Cambon pour Saint-Maurice.

Des habitants proposent d’accueillir des réfugiés

Dans plusieurs ville aussi, des habitants se-sont spontanément proposés pour accueillir des réfugiés. “Plusieurs personnes se sont déjà proposées“, signale ainsi Didier Dousset au Plessis-Trévise.  Idem à Fresnes, Fontenay… “L’accompagnement de la commune ne passe pas forcément par des hébergements, il peut s’agir d’une aide aux familles qui veulent  accueillir des réfugiés, note à ce sujet  le directeur de cabinet de Fontenay-sous-Bois. Il y a l’accueil à court terme puis les dispositifs qui existent. L’objectif est que les gens entrent ensuite dans le droit commun, sans créer de nouvelles niches.” Alors que les communes ont déjà des listes d’attente longues comme le bras de personnes en attente de logements sociaux, la cause ne fait pas non plus l’unanimité des habitants. A Alfortville, l’un d’eux s’est déjà pointé en mairie pour réclamer un logement après les déclarations du sénateur-maire. “Nous devons faire de la pédagogie pour ne pas faire de confusion entre les migrants économiques et les réfugiés de Syrie ou Chrétiens d’Orient qui fuient la mort. Il reste aussi à organiser l’accompagnement avec les services sociaux et à créer les conditions du retour“, pointe Luc Carvounas.

Au-delà de l’hébergement, quel accompagnement ?

Un retour qui ne semble pas envisageable sur du court terme. “Nous ne pourrons jamais retourner en Syrie, reprend la femme de l’intellectuel Abdulrazak Eid. Toute notre famille et nos amis sont partis aussi. Les villes se sont vidées. Les gens partent en Turquie et en Europe.” Ses compatriotes, elle les voit lors des manifestations de solidarité avec le peuple syrien organisées chaque premier samedi du mois place du Chatelet à Paris. “Il ne s’agit pas que de l’hébergement, nous devons nous positionner sur du long terme. Au-delà des problématiques d’urgence, il faut travailler à l’insertion,  l’apprentissage de la langue française, la scolarisation, la formation, l’emploi…”, pose Jean-Jacques Bridey, député-maire PS de Fresnes.

Consensus humanitaire mais pas politique

Dans l’ensemble, les communes ont décidé de travailler avec leurs associations pour organiser l’accueil mais il y a aussi des attentes vis-à-vis de l’Etat concernant les moyens mis à disposition. “Nous souhaitons fédérer les initiatives associatives et citoyennes“, indique-t-on au cabinet de la mairie de Cachan. Pour l’instant, les élus se sont positionnés mais pas encore organisés précisément. Les propositions concrètes devront ensuite être discutées lors des prochains conseils municipaux. C’est dans ce contexte que doit se tenir la réunion du 12 septembre, organisée par le ministre de l’Intérieur à l’attention des maires qui souhaitent accueillir des réfugiés. “L’Etat est l’opérateur de l’asile et l’Etat continuera d’assumer pleinement, comme il les assume aujourd’hui, toutes ses responsabilités. Depuis quelques jours, de nombreuses initiatives de solidarité se manifestent de la part de maires et de collectivités locales de toutes sensibilités, sur l’ensemble du territoire national.  Ces bonnes volontés doivent être accompagnées par l’Etat, ses moyens dédiés, l’expertise des préfectures,  de l’OFPRA, de l’OFII, et les dispositifs spécifiques concernant le logement qui existent déjà. C’est là tout l’objet de la réunion de samedi à laquelle j’ai convié les maires qui ont manifesté leur intention d’accueillir des demandeurs d’asile et des réfugiés. Il s’agira très précisément pour l’Etat, avec un haut niveau d’exigence opérationnelle de mettre à disposition des collectivités l’ensemble des outils et des financements nécessaires, de telle sorte à réunir dans des conditions dignes l’accueil des réfugiés persécutés“, a détaillé ce lundi soir Bernard Cazeneuve dans une nouvelle déclaration. Le ministre de l’Intérieur a également nommé le préfet Kléber Arhoul comme coordinateur national et interlocuteur de référence des élus et des préfets sur cette question. Si un certain nombre de maires indiquent qu’ils se rendront à la réunion du 12 septembre, tous ne se prononcent pas encore. “Les modalités de fonctionnement doivent passer par les services de la préfecture”, indique t-on en mairie de Vincennes. A Fontenay aussi on hésite. Pas question pour les élus locaux de faire de cette réunion un plébiscite politique. Du côté de la préfecture du Val-de-Marne, on indique que le préfet sera présent à la réunion du 12 septembre au ministère.

Quelle politique internationale?

Au-delà de la crise actuelle, les élus en appellent aussi à agir sur la politique internationale. “En tant que vice-président de la Commission des affaires étrangères au Sénat, je poserai la question de pourquoi des pays immédiatement riverains de la Syrie ne se mobilisent pas ? A l’instar de l’Arabie saoudite ou des Emirats  qui étalent leur richesse. Pourquoi ne tendent ils pas la main à leurs frères, alors qu’il s’agit de populations sunnites ? La question mérite d’être posée”, insiste Christian Cambon. “Il faut créer les conditions d’une nouvelle politique internationale de paix”, plaide-t-on à Fontenay. “On ne peut pas laisser des populations se faire massacrer sans réagir. Il doit y avoir un dialogue international pour combattre Daesch”, estime Daniel Breuiller. Les réfugies s’en vont rarement de gaîté de cœur. Et demain, si nous ne sommes pas capables d’agir sur les causes et les sources, il y aura aussi des réfugies climatiques.”

Ci-dessous la déclaration de Bernard Cazeneuve ce lundi soir

Action de la France face à la crise migratoire… par Ministere_interieur

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