Surpopulation carcérale, circulation de téléphones portables, parloirs moisis entrecoupés de murets, regroupement sans encadrement spécifique des détenus radicalisés… Laurence Abeille et Esther Benbassa, respectivement députée et sénatrice EELV de Val de Marne, témoignent de la situation à la Maison d’arrêt de Fresnes, qu’elles ont visité à l’impromptu ce jeudi 19 février.
178% de taux d’occupation dans la section hommes de la prison de Fresnes, le chiffre, donné par la direction aux parlementaires écologistes lors de leur matinée à la Maison d’arrêt, est bien supérieur aux dernières statistiques officielles, qui faisaient déjà état de 155%.
Surpopulation chronique
Dans les cellules de 9 m2, jusqu’à 3 détenus coexistent donc dans des lits superposés. “Cela fait trente ans que la population est au-dessus de la norme, ont témoigné les responsables de l’établissement“, rapporte Laurence Abeille, députée EELV de la 6e circonscription du Val de Marne. Une situation chronique questionnée à plusieurs reprises par le sénateur UMP du Val de Marne Christian Cambon. Du côté des femmes en revanche, le taux d’occupation est inférieur à 100%, et les cellules mieux préservées.
“Il y a des petits travaux régulièrement, mais pas de gros investissements comme l’établissement en aurait besoin”, témoigne encore la parlementaire, après échange avec l’encadrement.
Toujours des murets au parloir
Parmi les lieux qui mériteraient d’urgence une réfection, et avant-tout une mise aux normes: les parloirs. “Nous avons été prises à a gorge par l’odeur en y descendant. La prison est construite au-dessus de la Bièvre et les bas des murs y sont complètement moisis. On a l’impression de descendre au cachot!”. Surtout, les murets de pierre qui séparent le visiteur du détenu, dénoncés par l’Observatoire international des prisons (OIP) à l’automne 2014, sont toujours là. Et ils ne sont pas prêts d’être détruits. Alors que, suite à une plainte de l’OIP, le juge des référés de Melun avait enjoint le ministère dès le 19 janvier 2015 de «mettre fin à l’existence des murets séparant les parloirs» de Fresnes dans un délai de 5 mois, conformément à une note de la direction de l’Administration pénitentiaire du 21 mai 2014, rappelant une circulaire de mars 1983, le ministère a formé un pourvoi en cassation contre cette décision du tribunal administratif (TA) de Melun début février 2015. Un pourvoi dénoncé par l’OIP.
Le ministère invoque qu’il a déjà retiré l’essentiel des installations de séparation, à savoir le dispositif hygiaphone, qui était matérialisé à Fresnes par un grillage fin, en 1983, et indique que même si la présence du muret diminue la possibilité de contact physique entre la personne détenue et son visiteur, elle ne le “rend toutefois pas impossible“, et de préciser également que les visiteurs ont le droit de franchir le muret. Des explications indignes pour l’OIP qui rappelle l’exiguïté déjà extrême des parloirs, confirmée par les parlementaires. La Chancellerie évoque également les contraintes budgétaires. La prison compte 150 parloirs.
Portables à gogo
Ces précautions d’un autre âge dans les parloirs n’empêchent pas la circulation des téléphones portables et des puces au sein de la prison, se sont faîtes expliquer les deux parlementaires. Un phénomène impossible à endiguer. Un brouillage des réseaux est organisé mais la députée a tout de même réussi à envoyer un SMS.
Grosse augmentation du regroupement de détenus radicalisés
Les parlementaires ont également visité un espace qui a fait beaucoup parler de lui début janvier : le regroupement des détenus radicalisés. Une initiative spécifique à la Maison d’arrêt de Fresnes, et qui lui avait valu la visite de Christiane Taubira quelques jours après les attentats de début janvier.
Au premier étage, les détenus qui ont fait l’objet d’un jugement pour terrorisme ou activité d’islamisme radical avéré sont regroupées sur le côté pair. Côté impair, en face, se retrouvent les VIP. “Nous n’avons pas été convaincues par ce dispositif, dénonce Esther Benbassa, sénatrice du Val de Marne, car ils sont simplement regroupés, il n’y a aucun encadrement spécifique pour les aider à se dés-endoctriner. Une situation dénoncée de longue date par les syndicats tandis que la direction explique cette mesure pour permettre aux autres détenus de vivre en paix, sans pression pour manger et se comporter de telle ou telle façon. Depuis la visite de la Garde des sceaux le 13 janvier, le nombre de détenus regroupés a fortement augmenté, qui est passé de 22 à 37 personnes, les juges étant désormais au courant de l’existence de ce dispositif.
Une situation qui exige, selon les deux parlementaires, que soit mis en place un réel accompagnement et encadrement des personnes pour éviter que ce rassemblement n’ait un effet contre-productif.
La sénatrice et la députée devraient désormais se saisir de leurs observations pour interpeller les ministères concernés. Esther Benbassa est par ailleurs membre de la commission d’enquête de lutte contre le djihadisme au Sénat.
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