Entreprendre | | 30/10/2015
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Travaux du Grand Paris Express : les commerçants s’accrochent pour survivre

Travaux du Grand Paris Express : les commerçants s’accrochent pour survivre

“Vos commerces restent ouverts pendant les travaux“, clament les panneaux de chantier du Grand Paris Express aux abords de la future station de Champigny-sur-Marne (ligne 15 Sud), avenue Roger Salengro. Mais entre les efficaces déviations installées en amont pour inciter à tout prix à passer son chemin, 

la difficulté de stationner et le parcours piéton labyrinthique entre les grillages de sécurité pour éviter de tomber dans un trou, il faut être soit riverain, soit consommateur militant pour continuer à venir faire du shopping. A la Maison du métro, les maquettes sont belles. La future station sera magnifique et pratique. A la clef : des centaines d’heures de transport en commun bondé et suant d’économisées chaque année grâce à des lignes  directes qui allégeront les plus encombrées. De quoi donner de la valeur au quartier et promettre de nouveaux habitants et clients. Sauf que cet horizon riant est annoncé en 2022 et que nous sommes fin 2015. “A cette date, je serai presque en retraite, constate Isabelle Barreau, qui tient un joli salon de coiffure actuellement entouré d’un trou béant tel les douves d’un château fort. Depuis que les travaux ont commencé, j’ai tout subi : les coupures de gaz, d’électricité, d’eau, et je suis rarement prévenue à l’avance. Avant-hier soir, j’étais encore dehors à 1 heure du matin en train de discuter avec les entreprises de chantier qui voulaient complètement barricader la devanture, empêchant tout accès. Je leur ai dit : ‘Mais vous faîtes quoi vous voyez bien qu’il y a un commerce ici ?’ Ils m’ont répondu ‘On nous a dit de faire comme cela’ et m’ont brandi un plan en m’expliquant que c’était fermé!” témoigne la coiffeuse, installée ici depuis huit ans. “C’est moi qui ai créé ce fonds de commerce, la clientèle, tout“, rappelle-t-elle.

Atelier Isa

Pour éviter ces situations irritantes, la Société du Grand Paris (SGP), maître d’ouvrage du projet, a dépêché des agents de terrain pour faire la liaison entre les entreprises intervenant sur le chantier et les commerçants. “Si nous n’étions pas là, les entreprises ne verraient pas d’inconvénient à tout bloquer pendant une semaine pour accélérer les travaux, mais nous leur donnons des consignes strictes pour que les commerces puissent toujours rester ouverts”, indique Wilson, l’un des agents. “Je vais donner un tour de vis“, promet de son côté Christian Garcia, directeur des relations entre la SGP et les collectivités. “Ce type de situation ne doit plus se reproduire“, s’engage-t-il.

Ce vendredi matin, les représentants de la SGP et de la CCI (Chambre de commerce et d’industrie) sont venus ensemble à la rencontre des commerçants impactés par le chantier pour prendre note de leur doléances et leur annoncer une “bonne nouvelle” : la mise en place de la Commission d’indemnisation dès janvier 2016, qui dédommagera les entrepreneurs les plus impactés par le chantier en termes de chiffre d’affaires. En parallèle de cette Commission qui doit donner lieu à des dédommagements sonnants et trébuchants, la CCI va intervenir auprès des commerçants pour les accompagner en termes de conseil, à la fois pour préparer leur dossier de demande d’indemnisation mais aussi pour les épauler durant cette période critique. Pour ce faire, une convention entre la CCI et la SGP doit être signée incessamment sous peu, voir article détaillé sur la manière dont la chambre de commerce prévoit d’aider les commerçants à passer le cap. “Nous sommes à vos côtés pour vous aider. On ne va pas vous laisser tomber”, promet Gérard Delmas, le président de la CCI, aux commerçants qu’il est venu rencontrer.

travaux grand paris

Entre les clients découragés, ceux qui seraient de toutes façons partis et les nouveaux qu’on ne peut pas conquérir, les recettes s’en ressentent, en effet. “J’ai perdu 40% de mon chiffre d’affaires”, indique la coiffeuse. En face, le réparateur de pare-brise, lui, annonce une diminution de 20%. Son principal problème : l’accès automobile et le stationnement. Car lorsqu’une voiture est terminée, il doit aller la garer pour traiter la suivante dans son atelier. Pour faire face, l’entrepreneur a imaginé diverses solutions. “Nous allons chercher le véhicule à domicile chez certains clients et réparons même directement sur place parfois, mais cela prend plus de temps et du coup, nous faisons moins de voitures“, explique-t-il.  Dans tout le quartier, les baisses de recette se chiffrent en dizaines de points et ce sera à la Commission d’indemnisation d’évaluer ces chutes et leurs causes pour déterminer le montant idoine de dédommagement. Les sommes seront puisées dans le budget de la SGP.

Auto vitrage

On peut s’en sortir. On s’entraide entre commerçants. Mais il faut nous aider un peu. Ce que j’attends aussi, c’est qu’on m’aide à discuter avec les créanciers pour tous les paiements que je dois régler. Ma banquière m’a dit : ‘Les travaux, c’est pas mon problème!“, reprend Isabelle Barreau. “C’est justement sur ces axes que nous allons travailler, pour négocier avec les créanciers, Urssaf et autres organismes“, explique Véronique Beguel, responsable du service commerce à la CCI et en charge de ce dossier, venue avec des questionnaires pour recueillir le besoins des commerçants.

Les commerçants font aussi mention du loyer. “Si l’on pouvait baisser un peu le loyer pendant les travaux, cela aiderait”, plaident-ils. Là-dessus, Dominique Adenot, maire PCF de Champigny-sur-Marne, promet de revenir à la charge auprès des bailleurs. Le bailleur social, IDF Habitat, qui possède l’ensemble HLM au sein duquel sont disposés les commerces en rez-de-chaussée, a déjà fait un effort, mais les baux commerciaux sont gérés par un opérateur spécialisé payé à la commission, Sofincal, et c’est avec lui qu’il faut négocier. Une réduction a déjà été accordée, mais qui ne suffit pas par rapport aux difficultés rencontrées.

pompes funebres

Oscillant entre désespoir de ne pas réussir à tenir et perspective de lendemains qui chantent, les commerçants s’accrochent malgré tout, du vendeur de pierres tombales au coiffeur. Contrairement aux commerçants situés un peu plus loin et dont les locaux sont voués à être démolis, qui ne peuvent plus se projeter et se demandent juste à quel montant va être négociée leur départ, les boutiques qui côtoient la future station peuvent rêver d’un avenir meilleur si elles arrivent à tenir le coup. Devant la clientèle, le sourire reste de mise.

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