Comment acquérir son autonomie après avoir quitté un pays ravagé, traversé les mers déchaînées, lorsqu’on arrive sur un nouveau continent, dans une nouvelle société, sans aucun repère ni proche, et que l’on a pas encore 18 ans ? Voilà la problématique à laquelle tente de répondre le Dispositif d’accueil pour mineurs isolés étrangers (Damié), dont les locaux, ouverts cet été, étaient inaugurés ce vendredi 25 novembre à Ivry-sur-Seine.
“Depuis que je suis ici , j’ai un travail, des amis, et même une chambre en colocation… Alors comment cela pourrait-il ne pas aller?” lance Harouna, 17 ans, souriant. Comme les autres bénéficiaires du dispositif, Harouna salue tout le monde et se fait charrier par ses copains quand il apparaît à l’image d’un film préparé pour l’inauguration et destiné à expliquer le dispositif à d’éventuels employeurs. Il a recommencé à rêver. “Pour l’instant, je travaille dans une boulangerie, à Clamart (Hauts-de-Seine). Je m’entends très bien avec Lionel, mon employeur. Si je pouvais avoir encore une place à la fin de la prise en charge, je serai le plus heureux…” , explique le jeune homme. Venu du Mali par la dangereuse route libyenne, Harouna est arrivé en France à l’âge de 16 ans, totalement seul et allophone. “Au début, vraiment, c’était difficile… Mais j’ai très vite appris le Français, grâce à ma famille d’accueil à Clermont-Ferrand puis la prise en charge du Damié” , détaille Harouna qui, comme les autres, devrait en théorie quitter le Damié passé sa majorité.
Comme lui, 31 jeunes mineurs étrangers non accompagnés (ndlr MNA, acronyme qui remplace désormais les MIE, mineurs isolés étrangers) de 16 à 18 ans sont pris en charge dans cette structure d’accueil, gérée par l’association Espoir. Le Damié comprend 25 places de moyen séjour et 6 places d’urgence. Il s’agit de l’une des cinq structures d’accueil de jeunes étrangers isolés du Val-de-Marne, prises en charges par le Conseil départemental. Quatre autres structures les accueillent à Saint-Maur-des-Fossés, Joinville-le-Pont, à Cachan et à Sucy-en-Brie. Ils sont accueillis dans ces structures le jour et vivent de manière autonome dans des appartements partagés du parc social de Valophis Habitat, la Semise et encore les OPH d’Ivry et de Vitry-sur-Seine
A Ivry, ils suivent des formations en Français, apprennent le savoir-être en entreprise, la rédaction de CV… “J‘ai pu faire plusieurs stages : dans la boulangerie, dans la vente, en poissonnerie…” , raconte David, arrivé en France en 2014. “C’est finalement la boulangerie que j’ai choisi, et j’ai vite trouvé une formation en apprentissage. Surtout, on m’a permis à me présenter à un employeur, à m’exprimer. J’ai repris confiance en moi. Tout ce que je suis devenu, c’est grâce au Damié“, s’émeut le jeune homme. “On est face à des jeunes qui ont une capacité d’apprentissage phénoménale“, estime Yoan Burel, éducateur spécialisé au sein de la structure. “C’est leur principal atout. La plupart ont connu des parcours vraiment difficiles avant. Ils ne se plaignent jamais et n’ont qu’une envie : prouver leur savoir-faire“, rajoute Irène Lindoubi, consultante en insertion auprès des entreprises..
Avoir un travail pour avoir des papiers, avoir des papiers pour avoir un travail
Principal obstacle : les papiers. “En fait, ils n’obtiennent des papiers que s’ils obtiennent une autorisation de travail… qu’ils obtiennent facilement s’ils ont des papiers” , note Irène Lindoubi. “C’est pour cela qu’une grande partie de l’accompagnement est consacrée à l’aide aux démarches administratives“, précise Isabelle Désiré, la directrice du Damié. “L’approche des 18 ans devient une source d’angoisse permanente pour les jeunes“, pointe-t-elle. Car si la loi oblige l’Etat à trouver des solutions pour les mineurs isolés étrangers, passé leur majorité, les dispositifs d’accueil ne peuvent plus les recevoir. Parfois, l’échéance est déterminante, et les jeunes se retrouvent à la rue, sans travail, sans endroit où dormir, et sans autre contacts que ceux noués dans le cadre de l’accompagnement. “La sortie du dispositif représente un vrai couperet, y compris pour les travailleurs sociaux de l’association“, regrette Jean-Pierre Chevalier, vice-président de l’association Espoir. Des “contrats jeunes majeurs” permettent néanmoins à ceux dont le projet professionnel est le plus avancé de bénéficier d’autres accompagnements jusqu’à l’âge de 21 ans. “Pour prendre la suite des prises en charge et des préparations à l’autonomie qu’assure le Damié jusqu’aux 18 ans, nous avons également créé un ensemble d’un peu plus de 200 places gérées par quatre associations qui offrent aux jeunes majeurs des relais efficaces vers l’autonomie“, rappelle à ce sujet Christian Favier, président du Conseil départemental, pour éviter justement que la majorité ne soit un couperet. “Enfin, en interne au sein des services départementaux, nous créons une entité spécialisée, centrale, pour les mineurs non accompagnés“, ajoute le sénateur PCF, venu inaugurer le centre avec deux autres sénatrice, Laurence Cohen (PCF) et Esther Benbassa (EELV), et le maire d’Ivry-sur-Seine, Philippe Bouyssou (PCF).
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